L'acquittement de Guy Mauvillain

Episode 85 June 23, 2024 00:58:13
L'acquittement de Guy Mauvillain
Après-Coup
L'acquittement de Guy Mauvillain

Jun 23 2024 | 00:58:13

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Show Notes

" 2.455. C’EST LE NOMBRE de jours de prison qu’a purgés Guy Mauvillain. Plus de six ans à se morfondre dans un cachot, à attendre que la preuve de son innocence soit faite. Condamné à tort en 1975 à 18 ans de réclusion, ce comptable a, au final, patienté dix ans avant que la justice ne reconnaisse son erreur. Le soir du verdict d’acquittement, il s’est pris la tête entre les mains, a éclaté en sanglots [...]

Quand il est entré en prison, en février 1975, Mauvillain portait une petite valise. À l’intérieur, quelques effets personnels. Persuadé qu’il allait sortir rapidement, il ne l’a jamais ouverte. Cette valise est demeurée close pendant 2.455 jours.

L’homme est décédé en 2003. Le coupable, lui, court toujours…"

Éric Nicolas, 2.455 jours et une valise, Vosges Matin

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[00:00:01] Speaker A: Dans un article publié en 2013 dans Vosges-Matin, Éric Nicolas écrit « 2455, c'est le nombre de jours de prison qu'a purgé Guy Mauvilain. Plus de six ans à se morfondre dans un cachot, à attendre que la preuve de son innocence soit faite. Condamné à tort en 1975 à 18 ans de réclusion, Ce comptable a, au final, patienté dix ans avant que la justice ne reconnaisse son erreur. Le soir du verdict d'acquittement, il s'est pris la tête entre les mains à éclater en sanglots. Il écrit plus loin. Quand il est entré en prison, en février 1975, Mauvilain portait une petite valise. À l'intérieur, quelques effets personnels. Persuadé qu'il allait sortir rapidement, il ne l'a jamais ouverte. Cette valise est demeurée close pendant 2455 jours. L'homme est décédé en 2003. Le coupable, lui, court toujours. Retour sur l'affaire Monvilain. Vous écoutez. Savais-tu que ce qui a précédé le débarquement de Normandie, dont on a fêté, je pense, c'était le 80e anniversaire cette année, on était en 2014, c'est le 6 juin 1944, donc le débarquement à Dieppe, en Normandie, a été précédé la veille, le 5 juin 1944, en soirée, par trois opérations militaires lancées depuis l'Angleterre. Donc, on est en France occupée, sous l'Allemagne nazie, et sur le territoire français, il y a des émetteurs et des récepteurs radars radios qui, en particulier, le long de la côte entre la France et l'Angleterre, pour capter des signaux et les traduire et les comprendre. Il y avait même des camions, ils avaient un petit nom, les camions gionnaux ou quelque chose entre autres, un petit nom mignon de camions allemands qui se promenaient avec des radars pour capter des messages, des communications. On est en 1944. Donc, il y en a plein tout le long de la conte et ils captent les signaux pour essayer de savoir c'est quoi les avancées des alliés qui sont leurs ennemis, c'est quoi leur plan et tout pour les contrecarrés, on est en temps de guerre. Le 5 juin, il y a trois opérations qui sont lancées en soirée. L'opération Mandrell, l'opération Taxable et l'opération Titan, je pense. Donc la première opération Mandrell consiste en l'envoi d'une flotte aérienne dont l'objectif est de réverbérer les messages qui sont émis depuis le sol pour créer, à force de réverbération, une saturation de l'espace sonore aérien dans la Manche, entre l'Angleterre et la France. Donc, saturer l'espace aérien. Les sons, c'est des ondes. Puis pour se transformer en son, justement, il faut que les ondes se répercutent sur une surface métallique. En se répercutant, elles reviennent vers le sol et c'est ce retour-là qui constitue, qu'on capte, qui est le message. Donc, en envoyant toute une flotte aérienne, ce qu'on crée, c'est une réverbération en continu et donc une saturation de l'espace sonore. Dans le même temps, un petit peu plus bas, l'opération taxable consiste à envoyer ce qu'ils appellent, larguer, depuis les avions, ce qu'ils appellent des Windows, avec un W majuscule, comme nos ordinateurs. Donc des Windows qui sont des bandes d'aluminium plus ou moins longue, qui ont la même fonction. Donc, on largue des bandes d'aluminium pour que les messages, pour que les ondes sonores s'y répercutent et soient retournées vers les radars allemands pour les saturer. [00:05:15] Speaker B: Et de créer une espèce de confusion, en fait. [00:05:17] Speaker A: C'est ça. Et donner l'impression aux Allemands que du côté de où on envoyait cette flotte aérienne et ses Windows, c'est là qu'il y a de l'activité de préparation à une invasion sur le sol français. Un tout petit peu plus au nord, dans le coin du Pas-de-Calais, on envoie, on largue des toutous, pas des toutous, mais des espèces de... des espèces de poupées en jute. Ça, c'est l'opération Titan ou Titanic, là. pour donner l'impression ou les conforter, conforter les Allemands dans l'idée que de ce côté-là de la côte, il y a une invasion ennemie qui est en préparation et puis qu'en fait, c'est des parachutistes qui viennent d'être largués et qui vont envahir la France depuis l'Angleterre par le Pas-de-Calais. Sauf que la vraie opération, elle se déroule plus que 100 km plus loin. Et comme on a saturé, donc on a brouillé les ondes et qu'on a envoyé des leurres, on a rendu confus l'armée allemande au point où, deux mois après l'invasion, le débarquement de Dieppe, Hitler pensait encore que Dieppe, c'était le leurre, et attendait encore l'invasion dans le Pas-de-Calais. Pourquoi je te raconte ça? C'est que l'opération de saturation de l'espace aérien, c'est une opération de brouillage d'ondes. C'est comme ça que ça s'appelle. Puis ça s'est perfectionné au fil des années. En fait, ça existe depuis l'invention des ondes radars elles-mêmes. Et ça s'est perfectionné au fil des années. Et ce que ça désigne, c'est... la technique militaire qui consiste à rendre confus l'ennemi en le saturant d'informations pour le mélanger au point où il n'est pas capable de faire la différence entre le message lui-même et le bruit environnant. Et en le mélangeant, on l'affaiblit et ça nous permet de frapper là où ça compte. Je voulais proposer ça comme mot français pour remplacer l'expression gaslighting, dont on se sert beaucoup depuis quelques années, je trouve, depuis qu'on parle beaucoup de narcissisme sur les réseaux et tout ça. [00:08:03] Speaker B: C'était pas le cas il y a quelques décennies. [00:08:08] Speaker A: Non, ça vient avec l'Internet, un peu comme on en a parlé, parce que beaucoup d'internautes, de YouTubers et compagnie ont pris sur eux d'essayer de comprendre ce que c'était que le type d'abus dans lequel ils se sont eux-mêmes trouvés. Parce que les documents officiels, la recherche en psychologie en particulier, en psychiatrie, les aidaient pas à comprendre et les renvoyaient régulièrement à eux-mêmes. « Toi, qu'est-ce que t'as à voir là-dedans? » Il y a eu une production importante de documentation sur le narcissisme et l'invention, l'usage de plus en plus répandu de mots comme « deflection » et « gaslighting » en particulier. [00:08:59] Speaker B: Mais donc on peut imaginer, selon cette métaphore-là, soit un gouvernement ou un institut quelconque décider de d'envoyer plein de messages pour brouiller, pour emmener les gens dans une mauvaise direction, pour essayer plutôt de faire passer quelque chose ailleurs, donc à un niveau plus macro, mais aussi dans une relation, une dynamique entre deux personnes. Tout ça peut se passer autour de cette concoction de brouillage et d'ondes, et d'inonder de mots, en fait, parce que dans ce cas-ci, c'est des ondes, mais inonder quelqu'un de mots peut avoir le même effet. Et où, je dirais, de ce qu'il me vient de dire en t'écoutant, c'est une espèce de créer un cadre où, indépendamment de tous les mots, et même à l'intérieur de ce cadre-là, de deux positions qui s'opposent... Ben en fait, les deux positions qui s'opposent et les mots qui les entourent sont en fait un grand brouillage parce que la position que t'essaies de cacher est à l'extérieur des deux... Donc, il n'y a rien qui peut être pensable en dehors de ce cadre-là que tu contrôles, en fait. [00:10:14] Speaker A: Oui. Puis t'as, par exemple, des techniques d'avocat, de la défense, puisque dans une cour de justice, c'est celui qui allègue, c'est celui qui est plaignant, qui doit prouver la validité de sa plainte. Celui qui se défend doit prouver que la preuve est insuffisante. Il n'y a pas le même... Le fardeau de la preuve est du côté de celui qui accuse. Et donc, l'avocat de la défense, ce qu'il peut faire, c'est de brouiller le message. [00:10:58] Speaker B: Mais mettre assez de doutes, en fait. [00:11:00] Speaker A: C'est ça, embrouillant le message, ce qui peut rendre confus. Et dans la confusion, c'est pas souvent là que la vérité émerge, en fait. Comme dirait Fethi Ben Salama, qui disait que la vérité émerge plus souvent de l'erreur que de la confusion. Dans la confusion, c'est difficile de repérer du signal. [00:11:24] Speaker B: Oui, c'est ça. [00:11:24] Speaker A: Ça peut être une défense parfaitement légitime et recevable que de confusionner les choses. [00:11:34] Speaker B: Puis on l'a vu à certains moments, je n'ai pas un cas qui me vient en tête, mais en étudiant certains cas où la masse de la documentation vient en fait masquer la question qui serait la clé de l'énigme en fait. Mais qu'il y a toutes sortes de métonymies, toutes sortes de détails qui viennent en fait tout brouiller. [00:11:58] Speaker A: Et on a regardé ensemble un documentaire qui s'appelle « Le faux coupable » sur un cas d'erreur judiciaire en France qui commence en 1975 et qui semblait... qui est un documentaire intéressant et qui semblait propice à... comment le brouillage d'onde peut être la source de fausses accusations et de fausses condamnations quand c'est à un niveau systémique. [00:12:38] Speaker B: Oui, c'est ça, parce qu'avec le brouillage d'onde aussi, je ne sais pas trop comment l'exprimer, Mon enjeu, disons, avec la métaphore des zones et du brouillage d'ondes, c'est que c'est plus difficile de visualiser un cadre restreignant. Mais en fait, c'est beaucoup ça. C'est qu'une fois que t'as brouillé et que t'as bien mis les paramètres du problème et qu'il y a assez de monde qui l'ont accepté et répété, c'est dur d'en sortir. Simplement, même par paresse intellectuelle commune. À un moment donné, il y a quelque chose que tu sais. Comme tu le disais dernièrement, je pense que je peux en parler sans avoir de l'air trop... Il y a une nouvelle expression pour décrire les gens qui aiment ça remettre en question les choses, puis qui sont un peu... Comme nous. [00:13:22] Speaker A: Moi, comme toi. [00:13:26] Speaker B: C'est «Coucous for Coco's puff». [00:13:30] Speaker A: Oui! Coucou for Coco Puffs! [00:13:35] Speaker B: Oui! [00:13:35] Speaker A: C'est une pub, ça, non? Des Coco Puffs, c'est pas une sorte de céréale? [00:13:40] Speaker B: Oui, oui, c'est ça. Mais c'est une affaire de consonance. Je pense pas que ça veut rien dire d'autre que ça se dit bien. Oui. Anyway. [00:13:48] Speaker A: Fait que c'est des coucous. C'est genre des coucous pour Coco... C'est des... Les gens qui posent trop de questions sont un peu gougou. [00:13:55] Speaker B: Oui, c'est ça. [00:13:56] Speaker A: En fait. [00:13:57] Speaker B: Oui, je l'emmène avec ça. Oui, non, c'est ça, donc l'idée de... pour illustrer comment des fois quand quelque chose, t'as des repères pour comprendre une situation, des fois c'est dur d'en sortir parce que tout passe par le fil de cette compréhension-là. Alors l'exemple que j'avais c'est que, puis moi je suis zéro émotivement attaché à ça, j'étais jeune, j'étais pas jeune, je pense pas, j'étais au monde. L'histoire de Nixon puis de Watergate, c'est aux années 60 ça non? Moi, j'ai toujours entendu la version très simple que Nixon est un drôle de bonhomme, pis t'avais un journaliste fougueux du Washington Post qui s'était pas laissé démonter, pis qui avait poursuivi, pis qui avait découvert un scandale, pis qui l'avait révélé, pis ça l'avait éclaboussé au point tel qu'il avait dû... qu'il avait été destitué. C'est juste ça que je savais. Nixon est un drôle de type, le journaliste est vertueux, pis c'est beau, le journalisme. moi j'avais pas de raison de douter de ça. Puis dernièrement j'entendais quelqu'un qui disait que à sa face même il y avait plein d'affaires qui faisaient pas de sens dans cette histoire et qui avait vraiment nécessairement beaucoup beaucoup beaucoup plus à comprendre de cette histoire dont le fait que le journaliste était un ancien gars de l'armée qui avait des liens avec la CIA, puis que ça n'avait aucun sens qu'il soit devenu journaliste, un jeune journaliste que personne ne voulait, puis qu'un an plus tard, on lui donne l'affaire la plus importante. d'une carrière de journaliste, que ce soit le nouveau à qui on donne ça. Et donc, que le journaliste ait d'autres choses que ce fougueux journaliste-là qu'on a décrit, et que son contact, Deep Throat, ait quelqu'un qu'on sait maintenant qui était dans le FBI. En tout cas, que ce serait potentiellement toute une patente écrite d'avance. [00:15:49] Speaker A: Arrangée avec le gars des vues. [00:15:51] Speaker B: J'ai aucune idée si c'est vrai ou non, mais ça n'a pas d'importance dans l'histoire. C'est pas pour dire que... Il faut ou ne pas être cuckoo's for a cuckoo's puff dans cette histoire. Je connais rien de cette histoire-là. Mais l'idée étant quand même qu'une fois que ton chème est fait d'une histoire, puis que, tu sais, c'est très facile de fermer les livres et de passer à d'autres choses. Puis dans le cas de M. Mauvilain, dont on va parler un peu, c'est exactement ça qui est arrivé. qui est accusé tout croche, ça n'a pas de sens. Mais à un moment donné, ça a été décidé, puis suffisamment répété, puis il y a comme un « scene of approval », puis on passe à d'autres choses. Puis c'est ce « passer à d'autres choses »-là qui est très saisissant parfois. Parce qu'après, le retour en arrière est compliqué. Puis ce qui rend parfois très humble quand même, quand on y réfléchit, un temps soit peu, c'est que, comme dans mon exemple de Nixon, La réalité, c'est qu'on finit par croire ce qu'on entend en premier. [00:17:00] Speaker A: Oui. [00:17:00] Speaker B: Et qui n'est seulement tributaire que du passage, que de ton arrivée dans le temps. [00:17:08] Speaker A: Oui. [00:17:08] Speaker B: T'arrives dans un moment où c'est ça qui est dit sur une chose, puis c'est ça que t'entends en premier, puis c'est ça que tu tends à croire le plus fermement. Puis c'est pas le meilleur exemple, mais je me rappelle quand j'étais très jeune, j'avais genre 10-12 ans, je m'étais pris d'intérêt pour lire une biographie de Maurice Duplessis. Puis je t'en parle parce que ça m'a fait penser tantôt quand tu parlais de Dieppe. À un moment donné, dans toutes les tractations politiques, ça raconte sa biographie qu'autour de la Deuxième Guerre mondiale, à un moment donné, les partis libéraux se disent, on va dire au monde qu'un vote pour Duplessis c'est un vote pour la conscription obligatoire, puis qu'un vote pour les libéraux, c'est le contraire. Puis là, il y a quelqu'un, un plus naïf, qui dit « mais on peut pas vraiment dire ça parce que c'est pas vrai », il est contre la conscription. Ça veut dire qu'on peut pas le dire. Puis là, la personne répond, ben non, on va le dire, puis on va le répéter, puis on va le laisser s'empatouiller avec ça. Puis le seul fait de l'avoir dit en premier, puis que tout le monde le répète, les gens vont l'embarquer. Ça, il va être sur la défensive. [00:18:13] Speaker A: C'Est ce que je résume. [00:18:15] Speaker B: Ça fait que c'est un peu... C'est un peu quand même... c'est interloquant de penser que des fois, c'est pas tellement le poids de l'argument ou comment l'argument est bien monté, la force d'un argument... Non, non, c'est vraiment qu'à un moment donné, t'arrives dans un temps, puis c'est ça qu'il dit, puis c'est dans ça que t'embarques. [00:18:38] Speaker A: C'est rarement la force de l'argument qui l'emporte. À mon humble avis, c'est beaucoup plus ce que tu dis qui l'emporte. Une fois que tu t'es fait ton idée, c'est potentiellement trop angoissant de la lâcher. Ça fait que tu vas y tenir, puis tu vas laisser tomber tout ce qui pourrait venir contredire ton idée pour ne pas te retrouver en situation d'angoisse à... accepter que tu t'es trompé, accepter que t'as cru des choses qui étaient fausses. C'est très angoissant. [00:19:18] Speaker B: Oui, il peut y avoir certainement une espèce de déséquilibre, littéralement, à te rendre compte que ce que tu pensais comme étant quelque chose de fondé, de juste, était en fait une invention du moment. [00:19:31] Speaker A: Oui. Ce qui donne à l'occasion, malheureusement, des erreurs judiciaires lourdes de conséquences. On peut penser qu'il y a beaucoup d'erreurs judiciaires, mais qui n'ont pas vraiment de grandes conséquences. Celles dont on entend parler étant celles qui sont les plus lourdes de conséquences, parce qu'on veut avoir confiance dans l'administration de la justice. Et donc, on ne veut pas remettre en question quand un juge a dit « c'est que c'est vrai ». [00:20:07] Speaker B: Oui, puis justement que c'est fondé sur un sous-paisement réfléchi des différents arguments et non sur ce qui a été dit le plus fort, le plus rapide, l'emporte. [00:20:17] Speaker A: C'est ça. C'est censé être l'arène des débats contradictoires et du sous-pesage juste et impartial et objectif, dépôt et décompte, et calmement et sereinement. C'est ce que c'est censé être. On entend parler d'erreur judiciaire essentiellement quand c'est des erreurs grossières et graves. Comme par exemple ici, quand Guy Turcotte a été acquitté la première fois. Je ne sais pas si je peux... Des journalistes diraient tout le Québec a été pris de court, a été saisi, a été horrifié par cet acquittement-là parce qu'on avait tous été témoins. On avait tous entendu parler du drame et des effets du drame sur les journalistes qui ont été comme choqués eux-mêmes, des effets du drame sur les premiers répondants, des effets du drame sur, évidemment, les proches. la mère en premier lieu. Et c'était incompréhensible qu'un diagnostic, dans ce cas-là, c'était un diagnostic de trouble d'adaptation avec humeur dépressive, justifie qu'il soit acquitté. Donc là, c'était grossier comme erreur. C'est pour ça que... qu'on entend parler. Je sais pas moi combien d'erreurs judiciaires de moindre conséquence se déroulent, ont lieu, je sais pas. Mais on en a une ici qui est une autre erreur grossière, qui est le documentaire qu'on a regardé sur l'histoire de ce qui est arrivé à Guimauvilain. qui s'est prolongée sur une dizaine d'années, si ce n'est pas plus, en 1975, moment où il a été condamné pour le meurtre de Mademoiselle Méhan à La Rochelle, en France. Donc, Mademoiselle Méhan, c'était une vieille dame qui vivait seule et qui était relativement méfiante. C'est ce qu'on nous présente au début du documentaire. Donc, qui n'aurait pas eu tendance à ouvrir à un étranger. Un soir, elle a ouvert la porte à quelqu'un et, au bout de quelques instants, ses voisines l'entendent hurler. Et après, plus rien. on apprend rapidement qu'elle est morte d'un coup d'objet contondant, comme on dit ici, à la tête. [00:22:59] Speaker B: Mais en fait, oui, mais elle est morte de ce coup-là, mais ce qui a été malheureux, c'est le moins qu'on peut dire pour mot vilain, c'est qu'elle était toujours vivante dans le transport en ambulance vers l'hôpital, avec donc des ambulanciers du monde, et ils ont essayé, elle était en très... perte de vie, elle était sur le bord de mourir nécessairement, mais ils ont essayé d'y arracher un peu qu'est-ce qui s'était passé. et c'est de tout le nœud de l'affaire, à ce moment-là, on sait pas trop c'est quoi la question qu'on lui a posée, on sait pas trop exactement c'est quoi la réponse qu'elle a fait, mais elle a prononcé le nom de Guy Mauvilain. Alors là on a tout de suite fait le lien que probablement il y avait affaire avec le coup qu'elle avait reçu. [00:23:45] Speaker A: C'est pas Guy Mauvilain qu'elle a dit, pardon, elle a dit, qu'elle aurait dit, que c'est le mari de l'infirmière qui fait des piqûres à sa sœur. [00:23:58] Speaker B: Oui, oui, oui, c'est ça. Donc, dit-moi au vilain. [00:24:02] Speaker A: C'est ça. [00:24:02] Speaker B: Mais elle n'a pas prononcé son nom. Non. [00:24:04] Speaker A: OK. Mais celui qui témoigne de ça, juste rapidement, parce que ce documentaire-là va pas à fond là-dedans, puis j'ai pas cherché plus loin, mais ça m'a titillée. Celui qui a dit ça, c'est un certain Dr Girard. Alors là, on est en fin de soirée dans un petit quartier de La Rochelle qui s'appelle La Jeunette, où c'est hyper tranquille, où il se passe jamais rien, où tous les volets sont fermés à 19 h le soir. où il n'y a pas un son, c'est des gens bien rangés, etc. Arrive ce drame-là. Les premiers secours arrivent parce que les voisines ont entendu hurler à la mort et évidemment se sont inquiétées. Et dans la foulée, un certain Dr Girard débarque de nulle part parce qu'il était là, proche, en voiture. Le docteur Girard, sur les lieux, qu'est-ce qu'il fait? Il met ses doigts dans la plaie de la dame, de mademoiselle Meilland, et il dit, mais elle est morte. Sauf qu'après, il témoigne du fait que dans le transport vers l'hôpital, elle lui aurait dit... que c'est la femme, que c'est le mari de la femme qui fait des pécures à sa sœur. [00:25:21] Speaker B: À quelles questions, on ne sait pas trop. [00:25:23] Speaker A: On ne sait pas trop. Et on ne sait pas ce qu'il faisait là. Les gens, dans ce documentaire-là, les gens disent, en fait, c'est la première fois qu'on voit ça. Qu'est-ce qu'il faisait là, à mettre ses doigts dans une plaie d'une personne... Oui. [00:25:33] Speaker B: Puis qu'il débarque, puis qu'il... [00:25:34] Speaker A: Une plaie au cerveau, là. [00:25:35] Speaker B: Puis qu'il bousait la scène de crime en touchant à tout. [00:25:37] Speaker A: Exactement. C'est qui ce Dr Gérard-là? Qu'est-ce qu'il faisait là? Comment ça qu'il est débarqué dans un appartement privé, en fait? C'est très particulier. C'est juste que ça reste flottant pendant le documentaire. Moi, ça m'a fatiguée un petit peu, je dirais. On m'a aimé en savoir plus sur ce qu'il faisait là. C'est comme, qui est-ce qui connaît aussi des infirmières d'habitude et des médecins? Parce que la suite va nous apprendre aussi que c'est douteux, que son témoignage est extrêmement douteux. Toujours est-il que là, rapidement, je sais pas comment, de fil en aiguille, on arrive à M. Guy Mauvilain qui est couché dans son lit et qui dort et on cogne à sa porte pour lui poser des questions. Parce que des gens auraient vu quelqu'un avec un imperméable et que là, la rumeur est partie. Aviez-vous un imperméable? Étiez-vous... Non, non, non. Et M. Mauvilain, de dire, mais non pas du tout, j'étais en train de cuisiner du poisson en attendant ma femme. [00:27:06] Speaker B: Oui, puis lui, ce qui rend le truc tragique de Tristesse, c'est qu'il se défend très peu parce que c'est comme si essentiellement il disait, j'ai tellement pas de lien avec cette histoire-là. C'est pas comme accuser quelqu'un qui était présent dans un scandale à un niveau périphérique, qui pourrait se sentir coupable d'avoir quand même baigné. Lui, comme il dit, la vérité va surgir à un moment donné. Moi, j'ai rien à faire là-dedans. Je connais cette personne-là, ma voisine. [00:27:34] Speaker A: Vaguement. Je la connais vaguement. [00:27:36] Speaker B: Il y a comme confiance que tout va s'arranger. [00:27:38] Speaker A: Oui. [00:27:39] Speaker B: Puis à chaque fois, plus il y a confiance, moins ça s'arrange. [00:27:41] Speaker A: Exactement. Et pauvre monsieur, c'est un malnommé, mot vilain, ça commence... ça commence pas bien pour lui. Si on s'en réfère notamment à la théorie que le docteur Louis-Delmier et Laborde sur le patronyme, les noms clétoriques qui seraient des noms comme le mieux et le grand et des noms déficitaires qui seraient petits. Quelqu'un qui s'appelle Mauvilain qui est accusé de meurtre. déjà, il part avec un obstacle supplémentaire. [00:28:27] Speaker B: Ça peut avoir un effet sur l'imaginaire collectif, pour le dire comme ça. Parce qu'en fait, l'idée, tu me corrigeras, c'est que non seulement ça peut influencer le patronyme, la personne qui vit avec son nom, mais aussi la façon dont les gens le perçoivent et l'interaction entre les deux, et un renforce l'autre, etc. [00:28:44] Speaker A: C'est ça. [00:28:44] Speaker B: Est-ce que tu te souviens, toi, est-ce que ça va de soi que la première fois que toi et moi, on a entendu quelqu'un se référer à cette théorie-là de l'importance du patronyme et de s'en servir dans une intervention thérapeutique? [00:28:58] Speaker A: Est-ce que tu as une idée en tête? [00:28:59] Speaker B: Oui, t'en rappelles-tu? [00:29:00] Speaker A: Non, c'est quoi? [00:29:01] Speaker B: Je pensais que tu le savais et qu'on s'en était déjà parlé depuis ça fait longtemps. [00:29:04] Speaker A: C'est possible, on s'est parlé de tellement. [00:29:05] Speaker B: De choses au fil des ans. Donc, ça ne nous rajeunit pas, mais c'était autour de 1998. On travaillait dans un centre et il y avait un intervenant collègue à nous. qu'on n'en nommera pas, qui avait fait une intervention avec un monsieur qui avait des problèmes de dépendance à l'alcool. Je pense qu'il était alcoolique. Et dans le cours de la rencontre, le patient dit... C'est où je me reviens? [00:29:37] Speaker A: Ah oui, ça me revient. [00:29:39] Speaker B: Dans le cours de la rencontre, le patient dit... Ben oui. [00:29:44] Speaker A: Ben non, pardon, le chien nous parle. OK, le chien, on se couche. [00:29:48] Speaker B: Tu vois, c'est quand on s'anime. [00:29:50] Speaker A: Dodo le chien. [00:29:51] Speaker B: Le patient dit, c'est là que j'ai atteint le fond du baril. [00:29:56] Speaker A: Oui! Mon Dieu. [00:29:58] Speaker B: Et l'intervenant de dire, ça a fait plouf! Parce que le monsieur s'appelait M. Plouf. Moi, ça m'est resté donc... 25 ans plus tard, pas tant parce que, je sais pas là, l'intervention était-tu juste ou pas juste, je sais pas trop, mais c'est la jubilation par la suite avec laquelle il racontait la justesse de son intervention, l'effet de capiton qu'il avait créé, le moment où la traversée du fantasme avait été faite, etc., etc., etc. [00:30:28] Speaker A: Mais donc voilà. Oui. Fait que donc, il y a l'effet sur quelqu'un de l'intervention d'un intervenant à partir de son nom. [00:30:40] Speaker B: C'est ça. [00:30:40] Speaker A: C'est-à-dire que monsieur, en question, il s'est peut-être dit, bien là, voyons donc. On ne sait pas ce qu'il s'est dit, en fait. Voyons donc, c'est ça, c'est un intervenant qui prend mon nom hors contexte. [00:30:54] Speaker B: Coucou, it's for a cocoa spot. [00:30:56] Speaker A: Pourquoi il me dit ça? Mais peut-être que ça fait un effet miraculeux ou fantastique ou... Peut-être. [00:31:06] Speaker B: On le saura jamais. [00:31:08] Speaker A: On le saura jamais. C'est ça, c'est la magie de la chose. C'est qu'on peut émettre beaucoup de théories. [00:31:13] Speaker B: Mais c'est aussi la magie pour nous parce qu'on a souvent parlé de... C'est toujours un peu louche, pour le dire comme ça. Parfois sympathique, mais louche quand un intervenant, psy, travailleur social, n'importe qui, se réjouit sans aucun doute de la portée fantastique de son intervention. Parce que des fois, on pense que ça a été... Finalement, c'était pas ça, ou ça a rien fait, ou c'est quelque chose de complètement périphérique, qu'il y a eu une influence, ou ça a été... Anyway. Mais bon, on a entendu des gens, des fois, se vanter de la justesse de leurs mots. [00:31:48] Speaker A: Tu sais que ça devait être ma thèse de doctorat, ça. C'était mon troisième projet de recherche avec ma deuxième directrice de thèse. D'analyser, de faire l'étude du discours institutionnel tel qu'il se donne à lire dans des dossiers de cet endroit-là précisément. Puis que ce que j'avais commencé à... Ce qui m'avait mis, entre autres, la puce à l'oreille, c'était... d'avoir lu quelque chose dans un dossier de quelqu'un que j'allais, moi aussi, rencontrer, et d'avoir rencontré cette personne-là après avoir lu ce que j'avais lu dans le dossier, et cette personne de me dire, bon, bien, l'intervenante avant vous, j'ai pu la voir. Pas bien. Puis que la note reflétait pas du tout ça, la note... dans ce dossier-là, allait plutôt dans le sens de dire, j'ai fait une interprétation qui semble porter, monsieur réagit favorablement. [00:32:53] Speaker B: En toute fausse modestie, j'ai été génial. [00:32:56] Speaker A: J'arrive juste après et le monsieur m'explique que là, il aimerait mieux plus voir cet intervenant-là, il a trouvé ça malalaisant. [00:33:05] Speaker B: C'est bon que ce soit cette boutade-là qui ait été le springboard pour ta thèse, docteur. [00:33:11] Speaker A: Oui, puis en tout cas, qui n'a pas abouti pour d'autres raisons similaires, d'ailleurs, en tout cas. [00:33:17] Speaker B: Ça a commencé avec une boutade, puis ça a fini avec un mot d'esprit. [00:33:21] Speaker A: Oui, c'est ça. Donc, on disait ça en parlant de M. Mauvilain, de son nom, de l'interprétation du nom. C'est juste que ça évoque, quand on est alerte, et qu'on écoute une histoire de crimes et d'accusations de meurtres, et qu'on entend que l'accusé s'appelle Mauvilain, ça teinte ce qu'on entend, déjà, et la perception de la personne en question. Déjà, il ne s'appelle pas la bonté. C'est ça. Monsieur Généreux. [00:34:01] Speaker B: Monsieur Généreux. Moi, j'ai compris que ce qui est arrivé, c'est qu'il ne trouve aucune raison, aucun motif, aucune arme, aucune raison. Rien sauf la victime qui, dans l'ambulance, prononcerait le fait que quelque chose est relié au mari de son infirmière. [00:34:26] Speaker A: Selon le Dr Girard. À bout de si long, on ne sait pas pourquoi. [00:34:33] Speaker B: Bon, il y a cet élément-là. Il y a l'élément qui, comme il ne se défend pas beaucoup, ça amène à de l'abus. Parce que ce n'est pas quelqu'un qui se positionne en disant, je vais vous expliquer pourquoi je n'ai rien fait. Il semble un peu passif en ayant confiance au destin. Ben oui, mais j'ai rien fait. [00:34:49] Speaker A: Ça va se savoir. [00:34:50] Speaker B: C'est ça. Puis il y a l'espèce d'histoire où Il se rend compte, quand il l'amène au poste de police pour l'interroger, qu'il porte un imperméable qui n'est pas le sien, puis qu'il aurait laissé le sien, il n'y a plus celui de sa femme, le sien serait à sa maison, il retourne à la maison pour récupérer son imperméable, il aurait des espèces de drôles de tâches. qui seraient peut-être des tâches de sang sur l'imperméable. [00:35:11] Speaker A: Mais qui n'ont pas été expertisées. [00:35:13] Speaker B: Exact. Mais bon, c'est un autre truc. Puis là, en fouillant un peu dans son passé, il aurait été impliqué dans quelques histoires macabres. [00:35:22] Speaker A: Il a été accusé de proxénitisme. 30 ans auparavant, parce qu'il hébergait une femme chez lui, où il était colloque avec une femme qui faisait de la prostitution. [00:35:35] Speaker B: Ouais, j'avais oublié ça. Ça, c'est peut-être venu « seal the deal », que là, boum, boum, boum, les avocats prennent ça, amènent ça comme preuve. Lui, il se défend peu, et son avocat est un peu... [00:35:51] Speaker A: C'est un jeune avocat, de ce qu'on comprend, assez peu expérimenté, qui lui aussi fait confiance à l'évidence. C'est-à-dire qu'il fait confiance au fait que... La preuve est vraiment insuffisante et que donc ça va sembler évident aux juges qui vont décider de la culpabilité de M. Mauvilain. [00:36:23] Speaker B: Mais finalement, donc, très rapidement, c'est un très court procès. [00:36:26] Speaker A: Une demi-journée. [00:36:27] Speaker B: On revient en disant, effectivement, il n'y a pas assez de preuves, d'une preuve forte pour qu'il soit condamné à mort. En même temps, il n'est pas disculpé non plus. Alors, la version mitoyenne, c'est 18 ans en prison. [00:36:38] Speaker A: Next. On a un autre dossier cet après-midi. [00:36:41] Speaker B: Oui. [00:36:41] Speaker A: Parce que c'est une demi-journée pour un procès. Il y a quelqu'un qui dit ça, mais voyons donc. Un procès pour meurtre, C'est un minimum d'une semaine. Là, on a un procès qui est réglé en une demi-journée qui aboutit à la condamnation de quelqu'un sur des preuves chancelantes. Et des témoignages, dont des témoignages de psychiatres, alors des experts psychiatres. à qui on a demandé, pas d'évaluer la personnalité, il me semble, ils font ça en France, des profils de personnalité, pas d'évaluer la personnalité de l'accusé, mais de se prononcer sur la possibilité que Mme Meilland, donc la victime, ait pu exprimer... quelque chose de cohérent avant de mourir. et donc les psychiatres d'estimer que c'était possible. C'est la question à laquelle ils ont répondu. [00:37:42] Speaker B: C'est ça. Et là s'en suit après un espèce de... de long processus où sa femme, c'est très touchant, en fait, le lâche pas, puis continue à essayer de trouver des preuves pour rouvrir le procès, mais c'est pas évident parce que... il y a comme... comme il est pas relié du tout, il y a pas beaucoup de choses à dire, il était pas là, il avait pas de motifs, fait que c'est dur de trouver des choses qui se disculpent. C'est quand même notable, à un moment donné, ce qui leur fait penser qu'ils pourraient peut-être réouvrir le dossier et le faire sortir de prison, c'est qu'une voisine, trois ans plus tard, dit, révèle que finalement, en y repensant, elle, elle a vraiment eu l'impression que lors du moment du crime, parce qu'ils savent pas mal c'est à quelle heure, 7h30 je pense, Elle a entendu, comme d'habitude, M. Mauvulin préparer sa bouffe, parce qu'il habitait collé, puis il y avait une paroi très mince entre les deux, puis elle a entendu la vaisselle, comme à chaque soir. Alors, selon toute vraisemblance, il était là, comme d'habitude, à entendre sa femme qui travaillait. Alors là, on lui demande « Mais pourquoi tu nous le dis aujourd'hui, trois ans plus tard? » Et sa réponse, c'est quand même fascinant, c'est de dire « Mais quand je me suis fait interroger au départ, La question était, est-ce que vous avez entendu quelque chose de particulier? Donc la question était assez forte, orientée. Elle n'était pas de mauvaise foi, mais elle répondait à la question en disant, non, je n'ai rien à déclarer, je n'ai rien entendu de particulier, d'inhabituel. Mais quand même. [00:39:10] Speaker A: Oui, mais c'est la même chose pour les psychiatres. [00:39:12] Speaker B: Si on vit au brouillage, quand même. [00:39:14] Speaker A: Oui, c'est ça. Les psychiatres, on leur a demandé, mais est-ce que Mme Méhan était en mesure de... de s'exprimer à ce moment-là selon vous? Et leur réponse, c'est oui. On leur pose pas d'autres questions. Et là, t'as un des psychiatres qui dit, mais si on m'avait demandé, par exemple, est-ce que c'était probable? Ou de déterminer le niveau cognitif. Si on m'avait posé d'autres questions, j'aurais donné d'autres réponses. Bon, c'est facile à dire dans l'après-coup. Après, quand tu te rends compte que ce que t'as produit comme rapport professionnel, ça aboutit à la condamnation d'un innocent, c'est facile de dire oui, mais c'est parce que c'est pas de ma faute, c'est la faute au questionneur. Mais la voisine, c'est autre chose. C'est... je suis vraiment mal. On m'a posé une question, j'ai pas compris les implications de la question... de ma réponse. Oui, non, c'est ça. [00:40:11] Speaker B: Exact. Elle a répondu à la question en toute bonne foi, là. [00:40:14] Speaker A: C'est ça. Et tout était normal. Mais justement, ce qui était normal, c'est que M. Mauvilain... [00:40:18] Speaker B: C'est ça, là. [00:40:19] Speaker A: ... préparait le souper, faisait bouillir du poisson... Oui, c'est ça. ... à cette heure-là, en attendant sa femme. [00:40:25] Speaker B: C'est faux, hein. Ce qui est arrivé, j'ai-tu donné la bonne compréhension de l'affaire, c'est qu'à un moment donné, ce qui a fait vraiment école, dans le sens où là on a une preuve plus solide que juste la voisine, c'est l'idée qu'il y a quelqu'un qui est arrivé finalement avec une radiographie du cerveau. [00:40:44] Speaker A: Avant ça, il y a le fait que Robert Badinter, qui n'était pas n'importe qui, qui était un personnage connu, et qui lui était... Parce que ça, c'est en 1975, la peine de mort existait encore en France. et lui, c'était un opposant à la peine de mort. Et bien que M. Mauvilain n'ait pas été condamné à la peine de mort, il y a eu des représentations qui ont été faites auprès de Robert Badinter pour qu'il prenne acte, qu'il intervienne, qu'il fasse quelque chose. Et puis, Il est allé, bas d'inter à la télévision, dire moi je ne laisserai pas cet homme-là grouper en prison, le dossier ne fonctionne pas. Et en prenant la parole à la télévision, étant donné que c'était quelqu'un de connu, ça a attiré l'attention publique sur la situation de M. Mauvilain qui était incarcéré. injustement au terme d'un procès d'une demi-journée. [00:41:49] Speaker B: Oui, puis sans être trop cynique, là, des fois, c'est frappant de voir se déployer aussi comment, à partir d'un certain moment, le... Le momentum change complètement. Et là, ce qui était quelque chose dont personne ne voulait entendre parler et que les gens auraient pu dire, bien, il y a sûrement qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Puis là, d'un coup, ça devient populaire d'embrasser cette cause. Il y a comme un banc de poissons où tout le monde est d'accord. Il y a eu cette chance-là à cause de... [00:42:20] Speaker A: Oui, à cause de Robert Badinter, c'est ça. [00:42:23] Speaker B: C'est ça. C'est devenu une cause très médiatisée et que là, c'était plus difficile, en fait, de ne pas poursuivre dans l'exploration. [00:42:32] Speaker A: Et donc, il y a des avocats qui se mettent à travailler sur le dossier et qui trouvent un mini vice de procédure qui est assez... Il doit toujours y en avoir. Il doit y en avoir tout le temps, des vices de procédure. C'est quelqu'un qui voudrait s'y mettre. Il faut juste s'y mettre. C'est ça. [00:42:54] Speaker B: C'est vraiment un mini vice de procédure. [00:42:56] Speaker A: Parce que là, c'est ça. [00:42:57] Speaker B: Les jurés n'ont pas été appelés par le président avec le plus d'ancienneté. Un truc très de détail qui ne change pas vraiment l'essentiel de l'affaire, mais c'est une procédure qui n'a pas été respectée. [00:43:09] Speaker A: C'est ça, s'il y a un vice de procédure, là, on a le droit d'en appeler la sentence. Et c'est là que, finalement, il y a une expertise médicale qui va dans le sens de dire, oui, Mlle Méhan, 76 ans, pouvait encore dire au Dr Girard, c'est le mari de la dame qui fait des piqûres à mon fils dans l'état dans lequel elle était. Et là, t'as d'autres avocats qui ont pris la cause de M. Mauvulin, qui vont plus loin et qui font leur travail, qui trouvent des contre-experts. Et donc, là, il y a une contre-expertise qui permet de ressortir les radiographies... qui n'avait jamais été présentée ni aux experts pour évaluation, ni au procès. Et donc... [00:44:11] Speaker B: C'est quand même un coup de théâtre incroyable, pareil. Parce que dans le sens que là... Est-ce que je veux pas t'interrompre? [00:44:16] Speaker A: Non, vas-y. [00:44:17] Speaker B: Je vais te voler le punch, mais... Non. Je veux dire, avec la nouvelle pièce de radiographie qui avait jamais été au procès, Tous les experts qui disaient, sans l'ombre d'un doute, elle peut se prononcer, ses propos sont crédibles et valables, tout ça, disent, ben là, on se confond en excuses. C'est sûr que maintenant, voyant cette radiographie, oublier tout ce qu'elle a dit, ça compte plus. [00:44:43] Speaker A: C'est ça. C'est ça, c'est impossible, en fait. Ce qu'on voit sur ces radiographies rend pratiquement impossible qu'elle ait pu s'exprimer. Surtout, ils sont pas revenus là-dessus, mais surtout si le docteur Girard est allé mettre ses doigts dans son cerveau. Je veux dire, c'est intense, là, le bête. [00:45:00] Speaker B: On s'excuse à ceux qui nous écoutent en mangeant. [00:45:04] Speaker A: Oui. Je pense qu'on va mettre un disclaimer. Bon appétit. [00:45:34] Speaker B: Donc, pour faire une histoire courte, il finit par avoir un autre procès, puis, comme on disait, la radiographie débarque, puis finalement, les experts se dédisent, puis... Et donc, il est innocenté. [00:45:47] Speaker A: Mais, excuse-moi, il a quand même fallu qu'il soit gracié par le président de la République, François Mitterrand. [00:45:53] Speaker B: Ah oui, puis il y a eu plusieurs histoires recambolaises qu'on n'a pas parlé, qui, à un moment donné, il sort de prison, mais après ça, il doit y retourner. [00:46:01] Speaker A: Oui. [00:46:01] Speaker B: Oui, tout à fait. Mais bon, éventuellement, il est innocenté. [00:46:06] Speaker A: Oui. [00:46:06] Speaker B: Et on lui annonce ça. [00:46:07] Speaker A: Oui. [00:46:09] Speaker B: Et là, on le voit. C'est pas une reconstruction, hein. On le voit pour vrai. [00:46:12] Speaker A: On le voit lui, lui, oui. [00:46:14] Speaker B: Vacillé, en fait. [00:46:15] Speaker A: Ah, c'est incroyable. Oui, c'est incroyable. [00:46:18] Speaker B: C'est comme s'il y avait quelque chose de trop à... C'est que c'est un monsieur qui... [00:46:34] Speaker A: Tout d'abord soutenu par sa femme Yvette. On n'a pas parlé de sa femme Yvette, mais elle a été à ses côtés tout au long. Puis, comme on raconte dans le documentaire, c'est l'interprétation de ceux qui produisent le documentaire, mais c'est que l'amour de ces gens-là... de ce couple-là, c'est un amour qui se passe de mots, c'est un amour qui ne se dit pas, mais qui se sent. Et là, t'as Yvette, sa femme, qui va le soutenir jusqu'au bout, puis qui est là du début à la fin, puis qui... t'sais, qui est consacrée à ça. Et... qui est dans la salle, est ce monsieur-là qui, pendant toutes ces années-là, est juste convaincu qu'il va sortir de prison parce que c'est un malentendu. Il n'y a rien à se reprocher. Il n'était pas là, chez Mlle Méhan. Il n'y a rien à voir avec elle. En plus de ça, sa femme Yvette, ce n'est pas une infirmière, c'est une aide-soignante. Elle ne fait pas de piqûres à la soeur de Mlle Méhan. C'est un malentendu. Puis Yvette qui dit, mais enfin, tu sais... Il n'y a pas de motif. [00:47:46] Speaker B: Il n'y a pas d'armes. Il n'y a pas rien. [00:47:48] Speaker A: Il n'y a même pas de preuves qui tiennent la route. C'est, on a envoyé du spaghetti, on a vu ce qui collait, ça a collé, puis bon. Et pendant toutes ces années d'incarcération, lui était juste convaincu. C'est là-dessus qu'il se tenait, en fait. qu'il était innocent, que ça laisse savoir, et que sa femme, Yvette, le lâchait pas et qu'elle l'aimait. Et là, tu le vois au procès, quand il entend qu'il y a un non-lieu, en fait, je pense que c'est ça, c'est pas qu'il est officiellement acquitté, ou il est peut-être acquitté, puis ça a été en appel encore, c'est tout ça. Qu'est-ce qui est arrivé pour qu'on ait besoin de François Mitterrand pour le gracier? Mais en tout cas, peu importe, c'est qu'il entend que là, finalement, c'est terminé. Et tu le vois, il y a une caméra qui le filme de dos depuis la porte de la salle d'audience. Puis tu vois le monsieur se balancer et chanceler et être tellement assommé. Il est incapable de se lever debout puis se tenir debout. C'est bouleversant, c'est terrible à voir. Un monsieur qui, comme... convaincu tout le long de son innocence et que ça allait se savoir et qu'il avait l'air de tenir le coup et qui s'est effondré quand ça a finalement été reconnu. [00:49:22] Speaker B: C'est ça l'affaire aussi, c'est tenir le coup jusqu'au moment... pas se rendre compte peut-être, c'est l'hypothèse, de la lourdeur de ce que c'est, parce que bon, de jour après jour après jour, en gardant l'espoir, mais quand ça te frappe, même si la nouvelle est favorable, c'est comme tout le poids des années d'avoir vécu ça, parce que c'est long en prison. Tu sais, quand on écoute le documentaire, c'est une heure et cinq, On ne prend pas la mesure de cinq ans de prison. Oui. [00:49:50] Speaker A: Pour une fausse accusation. C'est que c'est cinq ans de prison, déjà c'est lourd pour tous ceux qui vont en prison. Mais si tu n'as absolument rien à te reprocher, c'est doublement lourd. [00:50:02] Speaker B: Oui, c'est ça. Puis bon, après, il est indemnisé. [00:50:10] Speaker A: Oui. 200 000 euros, je pense. [00:50:13] Speaker B: Ici, j'ai 400 000 francs, c'est peut-être la même chose. 400 000, je ne sais pas, oui. C'est juste que, qu'est-ce que ça vaut d'avoir vécu ça? C'est dur de mettre un chiffre là-dessus, non? [00:50:28] Speaker A: Oui. [00:50:29] Speaker B: Mais bon. [00:50:30] Speaker A: Oui. [00:50:31] Speaker B: Quelle histoire, pareil. [00:50:35] Speaker A: On a commencé en parlant de brouillage d'ondes pour traduire l'expression « to gaslight » qu'on emploie régulièrement par les temps qui courent en rapport avec la nouvelle chose qu'on appelle l'abus narcissique et qui nous est arrivée des youtubers, en fait, qu'ils soient narcissique autoproclamé, psychopathe autoproclamé, docteur en psychologie, ancienne victime d'abus narcissiques. En tout cas, il y a toute une sous-culture autour de ce concept-là. Et une des expressions qu'on emploie pour désigner une tactique manipulatoire qu'on attribue aux narcissiques, le gaslighting, en référence à un film des années 40-50 qui s'appelle Gaslight, qui met en scène en fait un amant, un amoureux, un mari véreux qui essaie de rendre sa femme folle, de la convaincre aussi qu'elle est folle, en jouant avec la réalité. Et entre autres, la lumière des lampes à gaz, le gas light. T'as allumé la lumière des lampes à gaz ou t'as éteint la lumière des lampes à gaz. Qu'est-ce qui t'arrive? Elles étaient allumées quand je suis arrivée. Pourquoi les as-tu éteintes? Et la forme de jamais se rappeler, en fait. Ou d'être continuellement confuse. Il me semble que je n'y ai pas touché. Mais non, chérie, tu les as éteintes. C'est ça, c'est un film qui tourne autour de... qui illustre une forme de violence psychologique. L'histoire, c'est que le monsieur veut la rendre folle pour la faire interner pour pouvoir s'accaparer sa richesse. C'est une héritière, puis elle a des sous, puis il veut prendre des sous pour lui. Puis on a commencé aussi en parlant du débarquement de Dieppe et du brouillage d'ondes qui était au cœur de la stratégie des alliés pour dérouter les Allemands et faciliter un débarquement sans adversaires ou sans trop d'adversaires en détournant l'attention des Allemands. ailleurs par une inondation d'ondes radar, une... comment on dit? Overwhelm, un débordement des systèmes de détection des signaux radar qui s'appelle le brouillage d'ondes. Ça, le brouillage d'onde, si ça peut servir de métaphore pour des tactiques psychologiques volontaires, ça peut aussi servir de métaphore pour des situations institutionnalisées, collectives ou générales, des situations comme celle qu'a vécue M. Mauvilain, qui est une sorte de... des routes complètes du système de justice. Quelqu'un, dans le documentaire, disait carrément une incompétence institutionnelle... généralisée. Où là, des gens prennent une distraction pour le signal principal. Et la loi devient complice de quelque chose qui est déréel. qu'il n'y a pas rapport avec aucun fait dans la réalité. [00:54:26] Speaker B: Et l'égo aussi, quand même, qui se profile toujours pas si loin, parce que, tu sais, qu'est-ce qui fait en sorte qu'au fil des semaines, des mois, des années, il n'y a pas quelqu'un dans le mauvais camp, maintenant, on le sait, de ceux qui l'avaient condamné, qui ne peuvent pas dire, bien, admettons notre erreur, C'est que les gens continuent par la suite à vouloir protéger l'institution. Ce n'est pas juste de l'égo, c'est aussi, je comprends l'idée d'une protection de l'institution et de ne pas vouloir... En fait, je voudrais en reparler à un moment donné, parce que c'est tout un débat puis une question. J'écoutais quelqu'un récemment, je l'écoutais en me parlant, quelqu'un me disait, il y a en ce moment un déficit de confiance dans les institutions. Puis il faudrait que les institutions trouvent une façon de reprendre leur lettre de noblesse puis que les gens aient confiance. Mais ce qui n'était pas clair dans ce que la personne disait, c'est Est-ce que c'est en étant légitimement plus crédible ou en ayant un message plus convaincant? Ce qui est quand même le nœud de l'affaire. En tout cas, une des questions. Mais bon, donc, on peut penser qu'il y avait ça, probablement quelques personnes qui ne voulaient pas crouler sous le blâme d'avoir fait cette erreur-là, mais aussi des fois, c'est juste un mouvement de protection d'une institution, puis de ne pas vouloir mal paraître, fait que d'espérer que finalement, on défend, on défend, on défend jusqu'à tant que le monde oublie, puis c'est qui ce type-là de toute façon, puis... Il y a quelque chose aussi qui. [00:55:58] Speaker A: Est comme vraiment humain. qu'on a peut-être évoqué un petit peu au début, mais que ça vous vaudrait la peine éventuellement d'approfondir, c'est la question de la dissonance cognitive. Tu peux, avec ce que t'as, te faire une idée de la réalité de ce dont il est question, et à partir du moment où tu te fais cette idée-là, avoir énormément de difficultés à envisager autre chose. avoir la tentation d'exclure ce qui vient en contradiction avec l'idée que tu t'es faite, et de ne retenir que ce qui alimente l'idée que tu t'es faite. C'est naturel, puis c'est humain, en fait. Parce que tout le monde est un peu en lutte. Personne va être dans un sentiment de dissonance cognitive. Parce que c'est angoissant. [00:56:55] Speaker B: Puis parce qu'aussi, il y a une lourdeur à toujours tout remettre en question. [00:57:01] Speaker A: On a besoin de certitude. Malheureusement, quand il y a des gens qui font les frais de ces certitudes-là, on peut être tenté de se dire, bien oui, bien, votre angoisse face à l'incertitude devrait jamais avoir préséance sur la vérité. [00:57:26] Speaker B: Oui, c'est ça. Exact, c'est bien ça.

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