Conversations avec Dr Deumié: 5. Psychoses

Episode 84 June 18, 2024 01:20:50
Conversations avec Dr Deumié: 5. Psychoses
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Jun 18 2024 | 01:20:50

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Cinq repères pour l'application des théories lacaniennes à la psychothérapie des psychoses: le corps, la famille comme lieu d'apprentissage de la relation d'objet, la filiation, le nom et le symptôme.

Conversation avec le Dr Louis Deumié.

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Episode Transcript

[00:00:01] Speaker A: Application des théories lacaniennes à la psychothérapie des psychoses. Conversation avec le Dr Demier, cinquième partie. [00:00:48] Speaker B: Tu me disais que quelqu'un qui lit cet article, je me demande si quelqu'un l'a vraiment lu dans le passé, à l'époque où je l'ai présenté à un congrès. Je me demande si quelqu'un s'est donné la peine de lire les relevés du congrès, les notes du congrès. J'en suis pas sûr. Vous lisez les notes de congrès ? Non. [00:01:17] Speaker A: D'ailleurs, on parlait de Roger Dufresne tantôt. Juste une petite parenthèse, on a organisé donc un colloque de psychanalyse qui s'appelait « De la pilule à la parole ». Et ce qu'on voulait faire à la fin, c'était des actes du colloque. Donc, retranscrire tout et publier sous forme de livre. Et ça n'a pas marché parce que la directrice de la revue filigrane de l'époque était allée voir Roger Dufresne puis lui avait dit « Ah, pouvez-vous publier votre présentation dans ma revue. Et quand on est retourné le voir, puis qu'on lui a dit, alors, est-ce qu'on fait les actes du colloque, il nous a dit, bien, j'ai déjà accepté l'autre. Et de toute façon, des actes de colloque, ça finit où? Dans une bibliothèque. Je ne sais pas une revue si c'est davantage lu. Donc le titre de votre article, «Application des théories lacaniennes à la psychothérapie des psychoses», c'est un titre qui est intéressant grâce au mot «application» en particulier. [00:02:18] Speaker B: Oui. [00:02:19] Speaker A: Parce que les théories lacaniennes... Oui, comme. [00:02:22] Speaker B: On le disait tout à l'heure, quand il s'agit de psychanalystes, ils ne sont pas en mal d'application. Ils se contentent des concepts et puis d'élucubrer sur les concepts, de philosopher sur les concepts et éventuellement de les prolonger. Mais ça n'est pas dans un souci d'application à la thérapeutique. Du moins, je me trompe peut-être, mais je le pense. Comme je vous le disais tout à l'heure, bien des psychanalystes, ils psychanalisent. mais ne font pas vraiment des traitements puisque la guérison n'est pas un objectif. [00:03:04] Speaker A: C'est ça, c'est de se recroire. Et même c'est ça, oui, on ne devrait pas même espérer guérir puisqu'on a tous notre névrose ou en fait le. [00:03:15] Speaker B: Symptôme c'est ce qui nous noue. Mais peut-être que ce qu'il y a de caché derrière une telle position, c'est au fond notre insuffisance. C'est notre... Je ne sais pas quel terme employer, mais je pense que les psychiatres, face à la psychose surtout, prennent la dimension de leur « incompétence » pour ce qui est d'un facteur de guérison. c'est le patient qui prend finalement ce qu'il a à prendre de l'aventure thérapeutique. Oui. Et comme je l'explique d'ailleurs, enfin c'est l'une de mes théories aussi, comme je l'énonce je devrais dire, pour moi il n'y a pas vraiment d'impératif de faire, d'apporter des soins, de donner des soins. En optique, c'est plutôt que le patient a à faire un travail thérapeutique et avec certaines obligations qui découlent de cette dimension de travail. [00:04:34] Speaker A: Oui. C'est-à-dire dans le sens, il n'y a pas d'optique de guérison comme pour les lacaniens de la même façon. [00:04:41] Speaker B: Mais non, je voulais parler surtout de donner des soins. L'idée de donner des soins qui est typiquement médical si vous voulez. C'est comme si le patient doit être passif et recevoir des soins. Ce n'est pas ma conception du travail psychothérapique. Ma conception, c'est plutôt que le patient a à faire un travail. [00:05:04] Speaker A: On doit lui permettre, on doit créer les conditions. [00:05:08] Speaker B: Et donc on doit créer des conditions. [00:05:09] Speaker A: Pour favoriser qu'ils s'engagent dans un travail. [00:05:11] Speaker B: Dans ce travail, absolument. [00:05:12] Speaker A: Mais j'allais dire, c'est pas non plus une optique de guérison au sens tout simple que un patient psychotique ne deviendra pas non-psychotique. C'est pas ça le but recherché. Le but recherché, d'une certaine façon, c'est que ça circule et qu'il se réapproprie son symptôme, son délire, qu'il réintègre dans son propre récit des éléments qui lui paraissent habitués de l'extérieur. [00:05:38] Speaker B: C'est ce que je soutiens. Je ne suis pas sûr que ça figure ailleurs, mais je soutiens cette idée que le patient, la symptomatologie, le délire doivent être réintégrés dans la vie du sujet. Ça ne doit pas être considéré comme un microbe qui lui est tombé dessus. Vous avez vu ça dans le texte. Ça ne doit pas être considéré comme un microbe qu'on doit absolument exterminer. Dans ce cas-là, ce serait 20 comme projet. Mais il n'est pas interdit de penser que si le patient se réapproprie le symptôme comme faisant partie de sa vie finalement, ce n'est pas interdit de penser qu'il y a là une forme de guérison. [00:06:23] Speaker A: Oui. [00:06:25] Speaker B: Et je ne peux pas dire que quand je traitais des patients, je ne peux pas dire que j'avais exclu l'idée qu'ils pouvaient « guérir ». Peut-être que mon fantasme allait jusque-là, de vraiment être utile, pas au sens d'éradiquer un délire, mais au sens où ils ne posent vraiment plus de problème. Et le patient dont je vous ai parlé, qui m'a suivi au Canada, ça fait longtemps qu'évidemment il n'est plus sous mes soins. Il est allé habiter la rive sud et peut-être bien qu'il a consulté d'autres psychiatres. La dernière fois que j'ai eu un contact avec lui, j'ai eu l'impression de quelqu'un qui avait métabolisé, phagocyté sa problématique délirante de l'époque. et qui restait plus rien de tout ça. C'est un garçon qui a été fonctionnel, qui avait un métier, qui a été marié, qui a eu des enfants, des petits-enfants. Et la dernière fois que je l'ai vu, c'était au décès de son père. Et j'étais allé en France pour le décès de son père. Et il m'a semblé vraiment fonctionner de façon strictement normale. [00:07:43] Speaker A: Vous faites référence à lui quelque part, non ? [00:07:47] Speaker B: Je... Probablement, c'est le cas de Michel que... Oui, il me semble que... Je ne me suis pas toujours retrouvé dans les exemples que j'ai signalés comme vignettes dans mes écrits. Il est arrivé que je me pose la question qui est-ce, c'était quel patient. [00:08:12] Speaker A: On s'en était parlé, je ne me souviens pas qu'on en ait parlé, dans un de nos enregistrements, de cette personne-là qui vous a accompagné de la France jusqu'ici. Oui. Pouvez-vous nous dire un mot de cette histoire-là qui n'est pas banale ? [00:08:30] Speaker B: On n'en avait pas déjà parlé dans un podcast, non ? [00:08:33] Speaker A: Il me semble que non. [00:08:36] Speaker B: Il s'agissait d'un jeune patient. À l'époque, je pense qu'il devait être autour de 16 ans, peut-être 15-16 ans. Ah oui, donc tout jeune, adolescent. Et il avait présenté un tableau délirant. Et je l'avais soigné à l'Institut psychothérapique du parc de la Ménantière, le fameux hôpital privé dont j'ai parlé auparavant. Son hospitalisation a duré certainement plusieurs semaines, si ce n'est de plusieurs mois. Quand j'ai quitté cette clinique pour venir au Québec, j'ai donc proposé aux parents d'emmener avec moi le patient, qu'ils me suivent, dans l'idée d'avoir une continuité des soins. Et les patients ont accepté. Les parents ont accepté, je veux dire. Et c'est une histoire vraiment très particulière où j'ai eu... Le père de ce patient a été quelqu'un de très important socialement pour la région où il habitait, où il avait des industries et tout cela. C'était quelqu'un de très imposant et dans son milieu, certainement, Je ne dirais pas qu'il était craint, mais il avait une place extrêmement importante. C'était quelqu'un de personnalité imposante, on peut dire. Et j'ai été très étonné qu'il me fasse confiance au point de me confier son fils, alors qu'il y avait une certaine distance affective entre lui et son fils. Apparemment. Le fait qu'il accepte que son fils me suive, ça m'a donné la preuve qu'il y avait quand même une... [00:10:41] Speaker A: Une affection filiale, une affection paternelle? [00:10:43] Speaker B: Oui, oui, absolument. Oui, oui, certainement. [00:10:46] Speaker A: L'idée vous était venue à vous d'offrir, de proposer, et à votre jeune patient, et à ses parents, qu'il vous... D'abord, c'était une idée de décider de quitter la France pour venir ici. C'était quelque chose pour vous personnellement. [00:11:03] Speaker B: Quitter le milieu familial, oui, absolument. [00:11:05] Speaker A: Et pour lui aussi, c'est ça. Donc, vous aviez une vision clinique qui soutenait ça. — Oui. — Comme si vous le preniez en charge entièrement parce que là, il quittait son pays. [00:11:18] Speaker B: — Oui. Et puis surtout que je l'isolais d'un milieu qui était peut-être problématique. C'est sûr que c'était pas des... Les parents n'étaient pas des gens qui se confiaient volontiers. C'était des gens qui, vraiment... contrôlait leur vie, tout ce qu'il disait. Il était hors de question de dévoiler des choses vraiment importantes de leur famille. Vous voyez, il y avait un gros contrôle. C'était des gens très importants dans leur milieu. Mais j'avais quand même des éléments qui m'indiquaient qu'il y avait une problématique Il y avait des éléments pathologiques dans la famille, pas au niveau des parents mais au niveau des collatéraux. Et intuitivement peut-être, ou peut-être un peu plus qu'intuitivement, je me suis dit d'une part que si ce patient me suivait, il y avait une continuité des soins. D'autre part, peut-être mon narcissisme, j'estimais peut-être que j'étais le mieux placé pour le soigner et que s'il restait à l'hôpital, il serait un patient psychiatrisé comme bien d'autres. Et donc, Ça m'a encouragé à proposer cette solution. Et puis aussi, donc, la notion du milieu. Il avait, dans le contexte familial, avec ce handicap que considérait ce délire, il n'aurait pas progressé au point de vue scolaire, il n'aurait pas progressé au point de vue professionnel. Au niveau familial, il n'aurait très probablement pas progressé non plus. de se trouver coupé de son milieu, il a fallu qu'il se reconstruise et ce qui s'est passé effectivement au Québec. [00:13:20] Speaker A: Oui. [00:13:20] Speaker B: Il s'est reconstruit. [00:13:21] Speaker A: Oui. On avait commencé à parler de lui parce que la question qui se posait c'était celle de la guérison, la guérison de surcroît ou l'objectif du traitement. Est-ce que l'objectif, c'est de débarrasser quelqu'un de quelque chose qui lui arrive comme un parasite ou un microbe, ou de l'aider à phagocyter, comme vous disiez, de ce patient-là, cette chose-là qu'il vivait jusqu'à sa guérison, disons, comme extérieure à lui? cette personne-là, vous avez le sentiment, vous l'avez évoqué, comme quelqu'un dont vous avez le sentiment qu'il y a eu guérison. [00:14:06] Speaker B: D'une certaine façon, si on considère son fonctionnement social, son fonctionnement affectif, il a pu investir sur une femme, il a pu faire des enfants, avoir un emploi, faire des études d'abord, rien que le fait de faire des études tout en ayant un délire qui occupe quand même une sphère importante de la pensée. Le tableau délirant, ça occupe pas mal du secteur cognitif. Donc de faire des études et puis de reconstruire toute sa vie, oui, je suppose, même s'il a continué à prendre éventuellement des médicaments, je suppose qu'on peut parler d'une certaine guérison. Mais ce qui me semble le plus important, plus structurant d'une certaine façon, c'est le fait de dire que si le délire est réintégré dans l'histoire du patient, l'histoire très largement considérée, il n'y a plus vraiment une sorte d'hétérotropie chez le patient. Il est en accord, peut-être pas en accord, mais il a intégré son délire, son délire ne le perturbe plus ou il est en mesure de faire la part des choses. Bref, on a une certaine guérison. [00:15:37] Speaker A: Et d'aimer et de travailler? [00:15:40] Speaker B: Oui, c'est vraiment toute une reconstruction. Parce que, effectivement, les structures psychotiques, l'investissement sur un autre objet est problématique. était au fait de considérer la thérapie comme un travail et non pas comme un médicament comme on reçoit. [00:16:41] Speaker A: Puis vous dites, à juste titre, en commençant cet article-là que personne n'a encore, je cite de mémoire, personne n'a encore déterminé de façon claire et sans ambiguïté ce qui était normal et ce qui n'était pas. Donc à l'intérieur de ça, qu'est-ce qui est une guérison, c'est propre à chacun en fait. [00:17:06] Speaker B: D'une certaine façon. C'est sûr qu'il y a largement admis certains principes. Quelqu'un qui dit je suis le bon Dieu, c'est sûr que personne ne va considérer ça comme normal. On va placer ça dans du délire. Il y a peut-être d'autres choses qui vont faire moins consensus. [00:17:29] Speaker A: Il y a aussi la question de l'envahissement d'un délire pour quelqu'un qui peut être atténué pour quelqu'un d'autre et lui laisser assez de place pour investir le monde, investir un travail, investir une relation amoureuse. [00:17:44] Speaker B: Oui, ça se suppose de ne pas être en compétition pour ne pas dire en contradiction avec le délire. Donc, à la limite, c'est sûr que si on est tout le temps en train de combattre une idée, il n'y a plus de place pour autre chose. Alors, si je reviens à la notion de travail thérapeutique, j'ai établi que ce travail a un certain nombre de conditions. Si quelqu'un d'Amérique du Nord lisait ce travail, l'application des théories lacaniennes à la psychothérapie des psychotiques, si quelqu'un lisait ça et qu'il lisait que je considérais qu'il y avait des choses à imposer aux patients, je ne suis pas sûr que je ne me ferais pas un sandier. [00:18:34] Speaker A: Est-ce que vous me permettez de lire un passage ? Oui. Ainsi Linda, jeune schizophrène hospitalisée depuis deux ans, a pris l'habitude de gestes de violence, de fugues, de refus de tout contact verbal sauf circonstances utilitaires pour elle. Un jour, avec une co-thérapeute, alors qu'elle s'apprête à briser une chaise, je la prends à bras-le-corps pour l'en empêcher et lui signifie ma volonté que cela ne se renouvelle plus. Un autre jour, alors qu'il est question de son père, elle s'apprête à quitter le lieu de l'entrevue. Nous l'en empêchons, au risque d'essuyer quelques coups et griffures. Mais par la suite, elle sera constante aux entrevues. Je suis conscient qu'un tel précepte puisse susciter des controverses dans une pratique sur le continent nord-américain. [00:19:25] Speaker B: Oui, c'est exact. [00:19:26] Speaker A: C'est ce que vous commencez à dire. [00:19:27] Speaker B: Mais oui, mais oui. Mais je ne peux pas me dédire, je considère que C'est sûr que ce n'est applicable que dans une situation institutionnelle. Je considère que si on n'a pas le patient en face de soi ou à côté de soi, enfin dans la situation thérapeutique, s'il n'est pas là, on ne peut pas travailler avec lui. Et donc on ne peut pas le laisser faire tout ce qu'il veut. Il faut imposer des limites. Bon, on me dira que ce n'est peut-être pas normal de faire référence à l'enfance. Un enfant qui a besoin de limites, faute de quoi il ne peut plus se situer, il ne peut plus savoir qu'est-ce qui est bien, qu'est-ce qui n'est pas bien, qu'est-ce qui est normal, qui n'est pas normal dans son comportement. On me dira, c'est pas bien de considérer que tous les patients psychotiques sont des enfants. Mais bon, l'image est quand même là, je pense que... [00:20:27] Speaker A: C'est les débordements, en fait. Il y a des enfants, c'est autour de deux ans, un an et demi, deux ans, des enfants qui débordent. On les contient pas par des limites. Ils se déstructurent, ça s'arrête plus. [00:20:42] Speaker B: C'est sûr, ils n'auront plus de structure. [00:20:45] Speaker A: C'est la même chose pour... c'est un débordement, se mettre à frapper ou à... maintenant, ben c'est de la déstructuration. [00:20:56] Speaker B: En tout cas, c'est impossible de travailler si donc il n'y a pas de limites à situer. Et ce que vous venez de lire de mon article, Ça a été une réalité. Nous étions dans cet institut très proche des patients, au point effectivement de marquer des limites physiques. Oui. Et ça pouvait aller jusqu'à l'application d'enveloppements humides éventuellement. Chez les patients qui avaient des comportements violents répétés, il pouvait arriver qu'on leur impose des packings. Mais dans mon souvenir, Je dis bien, peut-être que bien, c'est un peu surajouté. Les packings ont toujours été acceptés par les patients. Je n'ai jamais eu de refus, pourtant, et j'expliquais aux patients à quoi consistait la méthode et la pratique, et je n'ai jamais eu de refus. Alors j'ai déjà mentionné que les packings, ça permettait d'instituer des limites et des limites qui redonnaient au sujet, au patient, enfin ça visait à lui donner les limites corporelles, puisque le psychotique est censé être morcelé, de l'enfermer dans des draps humides, venaient figurer les limites corporelles. [00:22:42] Speaker A: Vous avez une manière appliquée au travail thérapeutique avec des personnes psychotiques. Vous en avez retiré, retenu des principes. [00:23:02] Speaker B: Oui. [00:23:02] Speaker A: Vous disiez la dernière fois, quand vous rencontrez un psychotique ou quand vous êtes en entretien en général, vous savez où vous en allez. [00:23:08] Speaker B: Oui. [00:23:09] Speaker A: C'est ces principes de base-là qui vous permettent de savoir où vous en allez. [00:23:14] Speaker B: Oui, dans l'application pratique de ces principes. Comment dirais-je? On peut avoir une idée, un concept, mais Ce concept-là, pour qu'il soit utilisé, il faut qu'il soit appliqué. [00:23:33] Speaker A: Oui, qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que ça veut dire réellement ? [00:23:38] Speaker B: Et l'un des éléments lacaniens qui m'a servi de base pour le traitement de la psychotique, c'est par exemple la notion de de forclusion du nom du père. Oui. [00:23:59] Speaker A: Donc, on le disait l'autre fois, la forclusion, on en parlait l'autre fois, c'est le rapport à la castration. Oui, absolument. On manque chez la mère. [00:24:09] Speaker B: Oui, c'est ça. [00:24:10] Speaker A: On manque chez le premier objet d'amour. [00:24:13] Speaker B: Oui, c'est ça. Et Lacan est allé plus loin que Freud. Ce n'est pas juste la castration de l'organe du pénis. C'était l'absence du nom du père. C'est la forclusion du nom du père. Donc, c'est la dimension phallique de la castration du pénis. C'est la dimension phallique. Le nom du père, c'est la dimension phallique de la castration. Donc, l'élément symbolique. Absolument. [00:24:46] Speaker A: C'est ça ce qui structure en fait. [00:24:49] Speaker B: Oui. [00:24:49] Speaker A: Ce qui est le socle autour de quoi un individu va tourner au cours de sa vie. [00:24:57] Speaker B: Oui. [00:24:57] Speaker A: Alors, on parlait de dénégation, de refoulement et de forclusion dans la théorie, dans les théories lacaniennes. [00:25:06] Speaker B: La forclusion étant... Que la chose n'a pas... [00:25:13] Speaker A: Il y a l'histoire de la création du monde et là j'oublie qui sont les dieux impliqués, les origines du monde, je pense que c'est Ouranos et Gaïa qui sont continuellement en train de se coller un à l'autre à tel point qu'il est impossible d'enfanter. Tous les enfants sont écrasés. Jusqu'à ce que, je pense que c'est Ouranos et Gaia, je le dis de mémoire, jusqu'à ce qu'il y ait effectivement castration. Là peuvent naître des enfants qui auront leurs propres problèmes aussi, mais c'est l'idée du vent, du vent et de la terre ou du ciel et de la terre qui sont continuellement en contact et entre entre qui on ne peut pas survivre, en fait, qui écrasent tous les naissants. C'est un peu le... Avec aucune idée que ça peut être différent parce que c'est à la naissance du monde, donc l'avenir n'est pas encore arrivé. On n'a pas eu... On ne sait pas. On n'a aucune idée. Jusqu'à ce qu'il y ait une castration effective d'Ouranos par Gaïa ou l'inverse ou... Je ne sais pas si c'est la mer et la terre, je ne me souviens plus exactement, mais c'est un peu... [00:26:35] Speaker B: Oui, ça recoupe ça. Donc, le... La forclusion, c'est un terme juridique qui a été adapté par Lacan. [00:26:48] Speaker A: Ah oui ? [00:26:49] Speaker B: Oui, c'est un terme juridique. Le dictionnaire lacanien, c'est le fait qu'il n'a pas existé. Donc on s'entend, le déni a existé, mais on ne le reconnaît pas. [00:27:06] Speaker A: C'est comme l'absence. De parler d'absence, ce serait parler de présence, nécessairement. [00:27:13] Speaker B: Implicitement. [00:27:14] Speaker A: Mais si jamais rien n'est arrivé, qu'on n'a aucune notion, on ne peut pas parler d'absence puisque l'objet n'a jamais existé. [00:27:25] Speaker B: C'est ça, la forclusion. Et faisant que je sache, il est possible que Appliquer une dimension freudienne, ma culture freudienne n'est pas assez large pour venir étoffer cette idée, mais a priori c'est Lacan qui s'en est servi de ce terme de forclusion du nom du père. Et le nom du père c'est justement le fait que la mère institue le père dans une espèce de triangulation. Voici c'est ton père, elle lui donne en quelque sorte place, ce qui vient supprimer la stricte dualité mère-enfant, où l'enfant est considéré comme une partie de la mère, où la mère considère l'enfant comme une partie, l'enfant n'a pas sa propre existence. [00:28:23] Speaker A: Oui, l'enfant la complète. Il n'y a pas d'autres besoins, il n'y a pas d'autres désirs, il n'y a rien, c'est elle et l'enfant. [00:28:30] Speaker B: Donc la forclusion du nom du père est un des éléments du lacanisme que j'ai adopté mais que j'ai appliqué d'une certaine façon. En fait la façon c'est d'en prendre la dimension imaginaire. On a donc la dimension symbolique de la Fauclusion, c'est-à-dire la notion que le nom du père, c'est la dimension phallique, c'est l'autorité, c'est la loi, etc. Moi, je me suis basé sur une dimension imaginaire du nom, en l'occurrence du patronyme, et j'ai axé une partie de mon travail là-dessus. Alors je vais peut-être préciser le travail que je faisais à partir de l'imaginaire du nom. Je faisais, quand j'avais affaire à un patient, c'est bien rare que je ne commençais pas par lui demander de mépler son nom en bonne et due forme. Il pouvait arriver qu'il y ait des particularités dans l'épilation du nom. par exemple que si c'était Martin, ça ne s'écrivait pas M-A-R-T-I-N quand il écrivait son nom. Donc il pouvait y avoir là une hétérogénéité que je notais si ça arrivait. Si le Martin en question, au lieu d'être M-A-R-T-I-N, c'était M-A-R-T-H-E-I-N par exemple, j'en aurais pris note comme une hétérogénéité susceptible de supporter éventuellement bien d'autres choses. Donc je demandais que le nom soit épelé. Je demandais s'il y avait eu des modifications du nom, s'il y avait par exemple un changement de nom, si ce n'était pas le nom originaire quand on tenait compte de la filiation patrimoniale, pas patrimoniale, patrilinéaire, je voulais dire, oui. Et là je ferais un aparté qui pourrait avoir une connotation bien pratique. J'ai remarqué chez certains criminels dont j'ai eu connaissance qu'il y avait des particularités du nom et ça m'a amené à penser que Singulièrement au Québec, je ne sais pas ailleurs, mais c'est pour le Québec, je le sais. Singulièrement, il me semble qu'on accorde un peu trop facilement les changements de nom. Alors, je prends l'exemple de Marc Lépine. Marc Lépine, je n'ai vu nulle part qu'on a mentionné qu'il avait changé de patronyme. Or, il avait un nom, son père était d'origine arabe, il avait un nom arabe. Et à un moment donné, il a changé de nom pour prendre celui de sa mère, qui s'appelait Mme Lépine, donc il s'est appelé Marc Lépine. Et je pense que chez un adolescent qui veut changer de nom, ça devrait attirer l'attention. Et pour moi, ça ne devrait pas être considéré comme une banalité. Et je m'offusque du fait que ça soit accordé si facilement. [00:32:13] Speaker A: — Oui. [00:32:16] Speaker B: — On me dira qu'on peut pas accorder beaucoup de temps à tous les gens qui veulent changer. Non. Si je prends le nom de Lépine, si on s'était inquiété de savoir pourquoi il voulait renier le nom de son père et aller vers celui de sa mère et que ça eut donné, suite à une psychothérapie ou à un approfondissement des raisons pour lesquelles il changeait de nom, peut-être qu'on aurait évité les drames. Un autre exemple, vous vouliez peut-être dire quelque chose, je vous ai interrompu. [00:32:50] Speaker A: En fait, c'est que le nom c'est quelque chose qui nous est donné de l'extérieur, on ne choisit pas son nom. Et quand on peut changer son nom, c'est que l'on devient le décideur. [00:33:04] Speaker B: Une dimension mégalomaniaque, sinon narcissique peut-être. Mais il y a un arrière-plan qui pose question à ce niveau-là, d'être son propre père finalement. Si on décide qu'on se donne soi-même le nom qu'on veut, on nie la dimension symbolique paternelle. Et il y a un autre exemple, c'est celui de Magnota, le fameux criminel qui avait changé de nom également. Et ça n'est pas anodin. Dans Magnota, il y a le la syllabe magna, qui signifie grand. Donc moi, quand j'ai affaire à quelqu'un comme ça, je cherche à savoir s'il y a des fantasmes derrière cela. Un fantasme de toute puissance, par exemple. Donc ça, c'est ce que je vais extraire d'une dimension imaginaire à partir du nom. Et je reviens là-dessus que ça ne devrait pas être si simple que ça de changer de nom. Et si on revient à l'épine... Franchement, le nom l'épine, ça attirait mon attention aussi. Il y a une épine quelque part sur le plan imaginaire, voyez-vous. Il est passé d'un nom arabe que je ne connais pas. Je ne sais pas si ce nom avait un sens particulier chez les Arabes. Mais dans le nom l'épine, ça a tiré mon attention. Une épine, donc quelque chose d'épineux. Et on voit la suite, ce qu'il en a été. On a dit beaucoup de choses sur ce cas. Je pense qu'il y aurait beaucoup à dire aussi. Nous avons parlé dans un précédent podcast d'un cas particulier du médecin qui avait tué ses enfants. Là il y aurait beaucoup de choses à dire, mais... Dans ce cas, c'est sûr que je ne vais pas du tout élaborer là-dessus parce que c'est un peu trop problématique. Mais ma position, c'est de mettre en doute qu'il y ait une dimension de féminicide. J'ai l'impression qu'il y avait des choses beaucoup plus circonscrites dans la problématique du cas de Mark Lippin. et trouvait que c'était un peu trop convenu d'en faire un féminicide, même s'il alléguait des choses qui pourraient y faire penser. Mais quand on pense de féminicide, on pense d'abord à la mère. Si on veut tuer les femmes, est-ce que c'est sa mère qu'on veut tuer au premier plan de la dimension féminicide ? Revenons à l'application des principes lacaniens, il y a cette dimension de forclusion du nom du Père qui est la dimension symbolique du nom et donc quand j'avais à traiter des psychotiques, je cherchais du côté du nom la dimension imaginaire. [00:37:06] Speaker A: Vous énoncez trois grands paramètres, celui du traitement. que vous préférez appeler travail thérapeutique, comme vous l'avez dit. L'interventionnisme a vocation de créer du discours, c'est-à-dire que le travail avec un psychotique, c'est pas... une simple écoute... une perlaboration, une écoute flottante où il y a la dimension de poser des limites, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Le psychothérapeute, le psychiatre est interventionniste. Les limites sont importantes. C'est des limites qui viennent de l'extérieur, qui contiennent et qui visent à favoriser la construction d'un discours ou l'appropriation. Sans limites, il n'y a pas de discours. [00:38:00] Speaker B: Oui, en quelque sorte, oui. Sans limites, il suffit d'agir et puis il n'y a pas de mise en parole. [00:38:07] Speaker A: C'est ça. [00:38:09] Speaker B: C'est les actes qui remplacent les paroles. Avec les actes, on ne peut pas faire grand-chose au niveau thérapeutique. [00:38:15] Speaker A: C'est ça. [00:38:16] Speaker B: Je veux dire, avec les actings du patient, on ne peut pas faire grand-chose. [00:38:22] Speaker A: Troisièmement, c'est le contenu, le contenu, ça c'est le troisième paramètre, c'est ce que vous évoquez en parlant de forclusion, en parlant du nom, en parlant, c'est-à-dire il y a cinq vecteurs de fantasme que vous identifiez dans l'article. Le corps, la famille comme lieu d'apprentissage de la relation d'objet. La filiation, qui n'est pas la même chose, qui est un peu ça, j'imagine, le nom... Je vais le nommer, puis on... Non, le nom, ça vient après. Donc la filiation, le nom et le symptôme. [00:39:00] Speaker B: C'est ça, la filiation comme étant l'origine. Oui, d'ailleurs, le mot filiation, pour moi, ça... Pas stricto sensu à la mère. Pour la mère, je préférerais créer un néologisme de filiage, en ce sens que l'enfant est en mesure de déterminer ses origines maternelles. Quand il y a une naissance, l'enfant sait implicitement que la naissance vient de la mère, du ventre de la mère. La mère est enceinte, elle dit j'attends un bébé, il est là, il sort du corps de la mère. Je préfère prendre le terme de filiage pour ce qui est de la filiation maternelle. la filiation symbolique qui implique l'intervention de la mère pour énoncer le nom du père, le mettre en scène et établir la triangulation. [00:40:11] Speaker A: Simplement, à chaque fois qu'il y a une naissance dans un hôpital, c'est-à-dire qu'on vient avec les papiers d'un état civil et la mère est là et la mère nomme le père devant deux témoins ou un, je ne me souviens pas. C'est systématique. La mère nomme le père et le nom du père est inscrit sur le registre d'état civil dans l'acte de naissance. [00:40:34] Speaker B: Ça, c'est la dimension légale, bien réelle. Mais elle ne joue pas au niveau de l'enfant, parce que le bébé, il n'en prend pas acte. C'est à partir de... deuxième, troisième année, que la mère commence à introduire le père. Il dit voici ton papa. Que le père devient quelque chose pour l'enfant. [00:41:03] Speaker A: C'est nécessairement qui va de soi, celle selon laquelle le père doit être introduit par la mère. Ça ne va pas de soi, parce que quand on n'y a pas réfléchi ou quand on, comme vous disiez tantôt, on peut changer de nom comme ça et que ça n'a pas d'importance ou qu'on est dans un monde où tomber enceinte, je veux dire, il y a toutes sortes de façons maintenant d'avoir un enfant. Et il n'y a pas toujours de père, point. pas de son origine physique organique d'avoir été enfanté par sa mère. Tout le monde est à même de constater que la mère est enceinte. Il n'y a pas de doute. Le père, ce n'est pas du tout la même chose. Il y a toujours une incertitude. tempéré par la parole de la mère, et ça, ça se reflète même dans le discours d'état civil, dans les papiers d'état civil, comment ça fonctionne, et comment, jusqu'à récemment, le « non » était transmis, c'est-à-dire le « non » paternelle venait à la place, venait combler, en fait, réparer la difficulté de savoir qui vraiment était le père. [00:42:27] Speaker B: Oui, c'est sûr que des gens qui vont contester cela, qui mettront un bémol en disant, il y a des sociétés qui sont matrilinéaires. [00:42:37] Speaker A: Oui. [00:42:39] Speaker B: Ce n'est pas dit que les enfants fonctionnent moins bien dans ces sociétés que dans les sociétés de tradition patrilinaire. Mais je ne connais pas d'autres sociétés, donc dans nos sociétés où la transmission patrilinaire n'est pas considérée, n'est pas respectée pour dire le mot, Pour moi, ça ouvre des interrogations. Quelqu'un qui, par rapport à l'état civil, dirait... Oublions le père. [00:43:15] Speaker A: Inconnu, pas reconnu. [00:43:17] Speaker B: Oui. Je lui donne mon nom et puis je suis seul en cause. Moi, ça me poserait des problèmes si j'avais un patient en face de moi dont la mère avait réagi de cette façon-là. Et le fait qu'il n'y ait pas de père physique, Habituellement, les mères s'arrangent pour maintenir la place du père. Sauf si elles sont elles-mêmes perturbées d'une certaine façon. [00:43:45] Speaker A: Comment je l'avais compris, parce qu'en fait, parce qu'il y a l'inverse aussi est vrai, c'est que le père physique peut être là et puis la mère maintient pas de place. [00:43:53] Speaker B: Oui, absolument. [00:43:54] Speaker A: Mais comment je l'avais compris, c'est justement dans la dimension de métaphore, c'est-à-dire que ce que ça vient, le nom du père, ça vient comme métaphore d'un manque. [00:44:05] Speaker B: Du phallus. [00:44:06] Speaker A: C'est-à-dire que l'idée, c'est qu'il faut que l'enfant comprennent que le désir de la mère n'est pas que tourner vers lui. C'est ça le sens pour pouvoir respirer et s'ouvrir à autre chose. [00:44:20] Speaker B: Oui, il y a une triangulation, il y a un autre en plus des deux. [00:44:25] Speaker A: Que ce soit un père, ou que ce soit un travail, ou que ce soit, vous voyez, ou que ce soit d'une cosmogonie quelconque, ou que... Vous voyez. [00:44:33] Speaker B: C'Est... — Là, vous allez loin. Moi, je... — C'est comme ça que. [00:44:36] Speaker A: Je l'avais compris, de me dire... Parce que c'est pas parce qu'on descend... qu'on est dans une société qui serait matrilinéaire qu'on est tous psychotiques. [00:44:46] Speaker B: C'est... Oui, mais en fait, il semble que dans des sociétés matrilinéaires, il paraît qu'il y a toujours un oncle, un frère de la mère qui joue le rôle du père. Donc même dans les sociétés matrilinéaires, est-ce qu'il ne faut pas pour que l'enfant fonctionne normalement qu'il y ait quand même une tierce personne, que la relation soit triangularisée. Je ne m'y connais pas beaucoup en société non occidentale, on va dire. Je ne peux pas en dire grand-chose, mais il est très probable qu'il y a quand même, en tout cas si on se base sur les enseignements de la psychanalyse, qu'il y a quand même une place qui doit être faite au père. Et si cette place n'est pas faite, la conséquence, c'est la psychose. Éventuellement. [00:45:51] Speaker A: Dans la théorie, dans les théories lacaniennes. [00:45:54] Speaker B: Si on les accepte, quitte à ce qu'on nous prouve qu'il y ait d'autres théories possibles. Le deuxième élément des cinq repères du traitement de la psychothérapie des psychoses, c'est la notion de corps. Donc, de façon très pratique, je donne de l'importance à ce que le patient parle de son corps. Et il me semble que ce n'est pas un travail qu'on fait habituellement. On dirait que, quand c'est du mental, tout ce qu'on attend, c'est de faire parler de façon abstraite. Or, un individu qui parle, même de façon abstraite, c'est quand même un corps qui produit quelque chose. Il y a tous les organes de la phonation, mais il y a bien d'autres parties du corps qui parlent aussi quand un sujet parle. Donc, j'accorde de l'importance à la dimension corporelle et j'en extrais des enseignements. Alors, la base psychanalytique, c'est que le psychotique est considéré comme divisé, comme morcelé par des pulsions. Il y a des lieux originaires des pulsions. En particulier, la psychanalyse freudienne a fait ressortir les orifices naturels comme étant à l'origine des pulsions. Dans le développement de l'enfant, on parle de la phase orale, on parle de la phase anale, qui sont donc les deux orifices du tube digestif, l'un au début, l'autre à la fin. Et tout le monde sait qu'il y a beaucoup d'élaborations au sujet de ces deux orifices au plan psychanalytique. Donc les orifices sont des lieux qui très probablement contribuent à diviser le sujet par le biais des pulsions qui sont centrées sur ces orifices. Donc, quand on fait parler le sujet de son corps de façon très pratique, moi je lui demande de se décrire. Ça commence par le visage, comment il trouve son nez, comment il trouve ses oreilles, comment il trouve sa bouche, comment il trouve ses yeux. Dans le temps, on parlait du fait que les gens avaient des complexes. Maintenant, on ne parle plus du tout de ça. Il n'empêche que les sujets, les personnes, les patients en tout cas, je ne veux pas généraliser pour tout le monde, on va rester strictement au niveau du travail thérapeutique avec des psychotiques. les personnes ont des idées sur leur morphologie, sur la façon que les autres les voient également. Non seulement comment ils se voient, mais évidemment ils se voient en référence à la façon dont les autres se voient. Et cela peut être à l'origine, compte tenu de la dimension culturelle, ça peut être à l'origine de symptômes. En tout cas de fantaises, au début de fantaises. Alors, je parlais du visage, je fais également parler le sujet à propos de ses cheveux. Si je trouve qu'il y a des choses qui ne vont pas ensemble, supposons qu'il soit noir avec des yeux bleus, avec des cheveux crépus, des yeux bleus, ça va me donner des indications. Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose de fantasmatique qui se greffe sur ces particularités-là ? Je ne pense pas, c'est toujours pareil, je ne pense pas qu'on fasse habituellement un travail là-dessus. [00:50:52] Speaker A: Mais c'est parce qu'entre autres, est-ce qu'on peut le dire comme ça? Il y a les orifices du corps associés aux pulsions et dans le développement pour tout le monde. Mais il y a aussi le travail que quelqu'un doit faire pour s'approprier sa propre image ou pour intégrer, pour accéder. Il y a tout ça. C'est-à-dire, est-ce que c'est dans ce sens-là, se regarder dans le miroir et se voir tel que... Ce n'est pas évident de se reconnaître tel, d'intégrer qu'on est ce qu'on voit dans la glace. Ça ne se fait pas, ça ne va pas de soi. [00:51:30] Speaker B: Théoriquement, c'est à partir du stade du miroir qu'il y a une identification à son image spéculaire. [00:51:38] Speaker A: C'est dans cet esprit-là que vous faites parler du corps, quelqu'un, des cheveux frisés... [00:51:46] Speaker B: En fait, je dépasse cette dimension d'identification à l'image pour aller jusqu'à l'identification par rapport au discours environnemental. C'est l'image par rapport à l'image de son milieu. Le patient dont je vous ai parlé, je pense que c'est lui, qui avait les cheveux crépus. Et il avait un teint un peu plus mat que celui de ses autres frères. Il avait aussi quelque chose de très particulier. Il m'avait signalé qu'on lui avait dit qu'il était né gros. Gros, dans le sens de trop gros, voyez-vous. Et qu'il était né gros, il a associé les deux termes, il les a mis en proximité. de sorte qu'il y a eu une espèce de fantasme d'être négro. [00:52:53] Speaker A: Vous l'écrivez en fait, c'est ça, c'est une association de mots, les mots ensemble. [00:52:58] Speaker B: Oui, il les avait juste à poser, être né avec une forte corpulence. Donc il a associé les deux syllabes, nez, gros, pour en faire. Et avoir, avec ses cheveux crépus, une espèce de fantasme au niveau du corps, voyez-vous. Et dans l'article, je signale aussi, je pense que c'est le même patient. Il est probable que j'ai dû changer le nom, parce que son patronyme, le patronyme que je signale dans l'article, Smith, Ça avait donné lieu à un fantasme de judéité, sémite, smite, sémite, etc. Tout ça, ça se rapporte un peu au nom et au corps. Donc si je reviens au corps, je cherche donc ce qu'on appelait dans le temps des complexes et voir s'il n'y a pas des fantasmes associés à ces particularités morphologiques. Pour ce qui est des orifices et des pulsions à partir des orifices, Il y a bien des fantasmes qui prennent naissance chez les psychotiques. Il y a le fameux cas du président Schreiber que Freud a étudié. Il y a tout un livre où les fantasmes de pénétration anale était mis en évidence chez cette personne. Et en général, ça donne issue à des délires paranoïdes, des fantasmes d'envahissement, des fantasmes de persécution. Mais dans mon texte, j'évoque, mais c'est vers la fin, on n'est pas obligé de suivre un ordre particulier pour les principes, j'évoque le fait qu'il y a une sorte de réaménagement du symptôme. C'est pour ça que je dis que j'étudie le symptôme en dernier lieu, parce que les sujets se réapproprient le symptôme d'une certaine façon. Ils sont passés par bien des mains médicales, psychologiques et autres, Et à chaque étape de leur démarche vers la thérapie, ils acquièrent une... une connaissance du symptôme qu'ils intègrent. De sorte que le symptôme qui vous amène en thérapie n'est pas forcément tout nu en quelque sorte. Il a subi bien des modifications à la faveur de divers impératifs. Et l'un des impératifs, c'est un impératif, mettons, socio-économique, on dirait, il peut arriver qu'ils tirent profit de leurs symptômes, qu'ils tirent des pensions, des allocations, et donc le symptôme se cristallise. Mais au départ, c'est pas forcé que c'était comme ça que ça se présentait. Et même un délire, ça je le soutiens, un délire au bout de cinq ans, je suis persuadé que il n'est pas le même délire ou la même façon de l'appréhender que tout début. [00:56:46] Speaker A: Il s'est modelé. [00:56:47] Speaker B: Il s'est modelé du fait de, on va dire au sens large, un facteur environnemental. Et des fois on a tendance considérer que les patients sont fondamentalement honnêtes, qu'ils sont purs, etc. Mais ce n'est pas évident. Il y a eu une espèce de, comment dirais-je, d'apprentissage du symptôme qui se fait et qui peut-être lui donne un autre aspect. [00:57:18] Speaker A: Honnête et sans se rendre compte, réagir et répondre. Ce qui marche, on le garde. Ce qui ne marche pas, on le perd. [00:57:28] Speaker B: Oui, c'est ce que j'ai dit. L'essentiel de ce que je pensais dire, à savoir qu'il faut faire parler le corps en quelque sorte, faire énoncer par le sujet les fantasmes reliés au corps. On n'aborderait même pas les fantasmes en rapport avec la sexualité. tel ou tel élément corporel qui viendrait faire douter de son identité sexuelle, etc. Et c'est sûr que les médecins s'abstiennent très régulièrement, pour ne pas dire toujours, d'aller interroger un patient psychiatrique. sur ses organes génitaux. Il estimerait que c'est inconvenant. Et je me situe au même niveau que eux jusqu'à ce que je fasse cette formation en médecine sexuelle. À savoir qu'avant cette formation, je serais resté sur des considérations, mettons, théoriques, verbales, concernant la sexualité, alors qu'après la formation en médecine sexuelle, je me centrais beaucoup plus sur la dimension corporelle. Et ça pouvait aller jusqu'à demander à une patiente, est-ce qu'il y a des choses qui vous interrogent plus particulièrement sur votre vulve ? Est-ce que vous avez des lèvres trop grandes ou trop petites ? Et quand il m'est arrivé de poser cette question, je tombais pile, je ne sais pas pourquoi, mais je tombais pile en ce sens que la patiente me disait, mais effectivement, je trouve que, etc., etc. L'idée, c'est que Le médecin ne s'imagine pas. que les personnes regardent leur corps, examinent leur corps et en tirent des choses. Des hommes qui sont préoccupés parce qu'ils ont un pénis trop petit ou trop long ou bizarre, si on n'interroge pas ça, on passe à côté de préoccupations qui peuvent ouvrir à des fantaises de différentes sortes. [00:59:50] Speaker A: Puis les gens en parleront pas nécessairement spontanément. Absolument pas. [00:59:56] Speaker B: Et c'est là où je dis que le psychothérapeute, même si psychothérapeute, il y a le gros psy en gros caractère, il faut être interventionniste, poser des questions pour permettre qu'il y ait du discours qui sorte de l'apparence du patient. Faute de quoi on passe à côté de quelque chose. Alors j'ai mentionné le fait que l'entourage peut influencer un petit peu l'expression du symptôme. [01:00:28] Speaker A: Oui. [01:00:30] Speaker B: Et l'entourage qui dit entourage dit la famille et en ce qui concerne la famille avec la formation en thérapie familiale systémique que j'avais, Quand j'avais un patient psychotique, c'est sûr que je me sentais l'obligation que ce patient se mette en scène. dans son milieu familial pour comprendre la dynamique relationnelle, ce qui me paraissait important, de comprendre la dimension relationnelle entre les membres de la famille, parce que quand il y a, si on accepte des théories systémiques, quand on a un patient psychotique dans une famille, ça joue sur tout le reste et le reste joue sur le patient, d'où la notion de circularité en matière de symptômes psychiatriques. Et donc, pour explorer les relations familiales, à défaut de moyens audiovisuels extraordinaires, j'ai trouvé un moyen très simple, à vrai dire je ne suis pas sûr que j'ai inventé ça, il est possible que j'ai acquis ça en provenance d'ailleurs, Ce que j'utilisais comme outil, c'est un tableau d'écrit en feutre et du papier. Un tableau d'une dimension convenable. je faisais inscrire par le patient sa place dans le milieu familial. Et avec un système de flèches, de ronds et tout ça, je faisais figurer les relations entre les membres de la famille. Par exemple, toi et ton frère, est-ce que vous avez une bonne relation ? Comment on figure une bonne relation ? On met une flèche entre les deux. La pointe de la flèche, de celui qui a une bonne relation vers l'autre. Ou s'il y a deux pointes de flèche, ça signifie que la relation est bien dans les deux sens. Donc, mettre en scène, grâce au tableau, mettre en scène, c'est peut-être pas le bon terme, mettre en scène la relation entre les membres de la famille. Ceux qui sont exclus, à ce moment-là, on les met à part dans le tableau. Et donc, il y a une sorte de visualisation à la fois pour le patient et pour les membres de la famille. Là, on parle d'une séance où la famille participe avec le patient à l'entrevue. Ça permet de visualiser les liens. Et bien souvent, les membres de la famille ne prennent pas conscience de ce que des liens sont perturbés. Donc ils l'éprouvent peut-être, mais ils n'en prennent pas vraiment conscience. Et de mettre ça sur un tableau, c'était pour moi un moyen très simple, pas onéreux, facile à mettre en œuvre, de venir montrer c'est quoi les relations, et ça objectivait les relations anormales. S'il n'y avait pas de relation entre le patient et sa mère, par exemple, il n'y avait pas de flèche qui allait. Et on pouvait interroger l'absence d'une flèche entre le patient et, mettons, sa mère ou son père, et puis dire, OK, mais pourquoi ? Et puis faire intervenir les membres de la famille. [01:04:12] Speaker A: Et vous disiez, vous dites dans l'article que vous parlez d'une famille en particulier. Non ? Avec qui ça a fonctionné ? Avec qui il y a eu un effet ? [01:04:23] Speaker B: Oui, bien sûr, mais en fait, j'utilisais très souvent, quand j'avais une famille disponible, j'utilisais très souvent les familles pour participer au traitement. [01:04:35] Speaker A: Ça aide le patient, ça aide la famille, parce que le patient est aussi. [01:04:40] Speaker B: Symptôme de Oui, le symptôme est modifié. [01:04:45] Speaker A: Par les interactions et par le milieu. [01:04:49] Speaker B: Et le milieu est également modifié par la symptomatologie, le comportement du patient. [01:04:57] Speaker A: Puis j'imagine que comme effet secondaire de cet exercice-là, il y a une possibilité de renforcement des liens familiaux puis du soutien de la personne psychotique par la famille. [01:05:10] Speaker B: Absolument. [01:05:10] Speaker A: Une meilleure compréhension. [01:05:12] Speaker B: Une meilleure compréhension améliore effectivement les relations. C'était le résultat très objectivable de ce genre de travail. Un élément aussi très intéressant que j'ai mentionné, c'est la notion de transmission intergénérationnelle. Le travail avec le tableau permettait aussi d'aller chercher la transmission intergénérationnelle de certaines particularités qu'on pouvait retrouver dans des familles. Et à travers le système de relation des membres, c'était bien rare que ne soit pas énoncé que chez telle ou telle collatérale ou ancêtre ou autre, il y avait tel ou tel problème. Et il y a un livre qui a vraiment attiré mon attention, c'est celui de Mme Anseline Schuzenberger. [01:06:14] Speaker A: Oui, Aïe mes aïeux. [01:06:17] Speaker B: Oui, c'est ça. Elle faisait état de phénomènes transgénérationnels qui se transmettent. Et si on n'est pas attentif aussi à aller chercher ça, des fois on passe à côté de l'explication de certains symptômes. [01:07:08] Speaker A: Alors, je vais lire le passage. Bien sûr, il convient d'être attentif à ceci que nous fonctionnons sur deux niveaux. Donc, premièrement, un niveau réel ou intersubjectif, articulé au travail que nous induisons, soit donner un sens au système délirant et le réintroduire dans le discours du sujet. Deuxièmement, un niveau manifeste ou subjectif qui relève du seul patient, qui est ce que le patient vit à partir de notre intervention, ce qu'il en prend en résonance avec son inconscient. De ce niveau manifeste, nous ne saurons jamais rien, et les témoignages actifs ou passifs du sujet quant à l'évolution de sa psychose contemporaine à l'activité psychothérapique ne seront que bombes ou cigues, sans valeur quant aux pronostics à long terme. En cela, la psychothérapie, tout comme la psychanalyse qui l'inspire, est bien, au moins pour le thérapeute, de l'ordre d'une aventure. Je vous reconnais bien là. Ça finit sur une question. [01:08:17] Speaker B: En fait, c'est ce que je dis assez banalement. En matière de psychiatrie, c'est bien rare quand les gens vont bien qu'ils viennent nous dire... C'est rare. C'est quand ils ne vont pas bien qu'ils nous reviennent volontairement. Dans toute ma pratique, je peux dire que j'ai eu des témoignages peut-être dans au grand maximum 5 ou 6 cas. [01:08:50] Speaker A: C'est vrai. [01:08:54] Speaker B: Alors que les chirurgiens, c'est très souvent qu'on vienne remercier son chirurgien ou son cardiologue ou son médecin de famille, c'est bien rare qu'il n'y ait pas ce retour pour les psychiatres, à moins que d'autres psychiatres aient d'autres expériences. Mais quand ça va bien, en général, on n'a pas d'écho. [01:09:20] Speaker A: On n'y pense plus. [01:09:22] Speaker B: On n'a pas d'écho de la part du patient. Mais bon, les quelques-uns que j'ai eus, je pense en particulier à une jeune femme qui habitait dans Charlevoix et qui m'a écrit en me disant que je lui ai vraiment sauvé la vie. [01:09:44] Speaker A: Oui. [01:09:45] Speaker B: Oui, c'était peut-être un petit peu exagéré, mais bon. [01:09:48] Speaker A: Mais moi, je pense que ça se peut tout à fait. [01:09:52] Speaker B: Elle disait qu'elle allait bien et qu'elle avait pu se sortir d'un mauvais pas. Il y a peut-être des points sur lesquels je suis passé un petit peu vite. On les avait déjà évoqués antérieurement, c'est sûr. Ça concerne le non. Bon, j'avais déjà parlé de nom. qui était pléthorique et déficitaire. Tout à l'heure, je signalais le nom d'un patient qui avait été associé à son morphotype. Ce que je dirais, en fait, c'est vraiment d'essayer de sortir le maximum de tous ces repères. Donc tirer le maximum du corps, tirer le maximum des relations dans la famille. tirer tout ce qu'on peut sur le plan imaginaire à partir du patronyme. [01:10:57] Speaker A: Mais ça ouvre beaucoup, c'est par rapport à une approche un peu plus traditionnelle, qu'on interroge les gens sur leur histoire infantile. les accidents, les traumatismes de leur vie, les mariages et les séparations, on le fait naturellement, mais de pousser plus loin, d'orienter des questions dans des nouvelles directions, c'est que ça ouvre à ce que la personne, peu importe qu'elle soit psychotique ou pas psychotique, puisse parler de choses auxquelles elle ne penserait pas parler. [01:11:38] Speaker B: Si on ne l'était pas. Je voulais vous poser la question. Moi, j'ai articulé mon discours sur le fait que j'avais à cœur de mettre en pratique des éléments théoriques. Oui. De les mettre en pratique, c'est-à-dire vraiment m'en servir pour le patient et pas juste pour des échanges entre collègues. [01:12:05] Speaker A: Oui. [01:12:05] Speaker B: Est-ce que vous avez l'impression qu'effectivement, puisque vous avez lu l'article, avez-vous l'impression qu'effectivement ça donne l'impression de quelque chose qui peut déboucher sur une pratique ? [01:12:20] Speaker A: Quand, oui, quand je ne vois plus de personnes psychotiques depuis que je suis en clinique privée individuelle, mais quand je travaillais en ressources en santé mentale auprès de psychotiques, ça, c'est le genre de choses qui m'aurait beaucoup, beaucoup intéressée. En particulier pour la raison suivante, c'est qu'à lire Lacan, lire des séminaires, faire des cartels, c'est ce qu'on faisait, c'est ce qu'ils font beaucoup les lacaniens, à se rencontrer, à élaborer, à réfléchir. À partir des textes de Lacan, on reste souvent un petit peu sur notre faim, essentiellement sur ce que ça veut dire ou comment ça devrait se traduire dans le travail lui-même. de savoir, par exemple, que la forclusion de la métaphore paternelle et comment le délire s'articule, vous parlez du nœud borroméen, s'il y a un des anneaux qui est coupé, tout se déglingue. Tout ça, c'est très intéressant, mais dans la pratique, c'est difficile de déduire quelles conséquences ça peut avoir. Puis oui, travailler avec des personnes psychotiques, c'est quelque chose qui m'aurait intéressée certainement. Pour la pratique clinique, ce que j'allais dire tantôt, je me suis interrompue, mais la pratique clinique quotidienne, avec des non-psychotiques le plus souvent, d'autres types de personnes. C'est dans la continuité, c'est intéressant pour moi parce que c'est dans la continuité de quelque chose que le fait d'avoir essayé de travailler avec des personnes psychotiques m'a appris, c'est l'humilité, c'est l'approche arrivée avec des questions et pas avec des réponses. [01:14:18] Speaker B: Donc je suis fondé à penser qu'il faut être activiste et il faut savoir où on va. On va me dire que peut-être est-ce qu'on n'influence pas le patient. Je ne pense pas. Je ne pense pas qu'on greffe des fantasmes au patient. Oui. Gisela Pankow, à élaborer une méthode de greffe de fantasme. Bon, je ne sais pas trop comment... elle peut faire et est-ce qu'elle greffe vraiment un fantèse ? Si elle le greffe, est-ce que ça pousse ? J'ai du mal à penser qu'on greffe des fantaises. Par contre, qu'on puisse orienter de telle sorte que le patient puisse exprimer ses fantaises, là, c'est effectivement un acte thérapeutique, à mon avis, indispensable. Parce que le psychotique, c'est pas quelqu'un qui, à part son sont sa production délirante, c'est pas quelqu'un qui va vous apporter spontanément son vécu. Il y a tellement de censures de toutes sortes qu'il viendra pas vous apporter son vécu intime. Il faut aller le chercher et donc il faut savoir où on va. Et si on admet les théories psychanalytiques, on admet qu'il y a une grande part d'origine sexuelle dans toute la problématique de la psychiatrie, si on peut dire. Et si on n'interroge pas ce registre-là, je ne vois pas comment on peut aider le patient. [01:16:17] Speaker A: Notre. [01:16:20] Speaker B: Première conversation... Attendez, avant que j'aie perdu le fil, je remarque une chose, c'est qu'il y avait au CHUM une clinique de médecine sexuelle dont je m'occupais. Mais avant moi, et même après moi, il y avait la clinique de médecine sexuelle dirigée par le Dr Allary. quand mon département de psychiatrie n'avait aucun intérêt, n'a manifesté aucun intérêt pour le maintien de la clinique de médecine sexuelle. Quand l'hôpital Saint-Luc a disparu de la Seine et que ça a été le CHUM, la médecine sexuelle n'a intéressé personne. En plus, je pense que le docteur Allary s'est plus ou moins retiré de l'enseignement de médecine sexuelle et depuis il n'y a personne qui l'a remplacé. Ça veut dire que les médecins n'ont aucun enseignement en matière de médecine sexuelle. Il y a une clinique de médecine sexuelle à Montréal, au Montréal Général, mais elle est centrée essentiellement sur les problèmes d'identité sexuelle. Il y a un manque assez considérable qui fait qu'effectivement les jeunes médecins ne sont pas formés et que toute la dimension sexuelle échappe à leurs investigations. [01:17:56] Speaker A: Oui, je vous ai interrompu. J'allais dire qu'au début d'une de nos premières conversations, ce que vous avez dit, c'est que de vous orienter ou d'approfondir vos connaissances en matière de médecine sexuelle, ça avait remis en question votre perspective sur tout le travail qui est fait en psychiatrie. [01:18:22] Speaker B: Oui, ça avait réintroduit. toute la dimension corporelle, ça avait introduit toutes les causes physiques éventuelles qui pouvaient intervenir dans les problèmes psychiatriques. Les dimensions hormonales et puis tout ça, voyez-vous. Et je donnais l'exemple que Habituellement, quand un homme venait par exemple pour dysfonction érectile, on l'envoyait automatiquement au psychologue. [01:18:59] Speaker A: Oui. [01:19:01] Speaker B: Jusqu'à ce que la dimension vasculaire soit mise au premier plan chez des personnes qui ont ce genre de problème. [01:19:10] Speaker A: Oui. [01:19:11] Speaker B: Et avec des résultats, c'est sûr que Si on envoie au psychologue quelqu'un qui a des vaisseaux péniens bouchés, le psychologue pourra faire tout ce qu'il veut, mais ça ne donnera aucun résultat. Donc ça a eu cette formation en médecine sexuelle. a eu des conséquences importantes. Et ça a notamment permis que j'aborde les problèmes réels de sexualité avec des patients, je me sentais à l'aise parce que j'avais cette formation. Et j'étais comme tous les autres avant, j'abordais ça mais sur un plan plus théorique que véritablement concret. [01:19:58] Speaker A: Peut-être que la prochaine fois on pourrait parler de ça, l'impact sur votre pratique, votre formation. [01:20:05] Speaker B: Est-ce qu'il y aurait à dire? Je pense qu'on peut peut-être s'arrêter là-dessus.

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