Episode Transcript
[00:00:01] Speaker A: Entre le jour de juin 2012, où il demande l'asile auprès de l'ambassade d'Équateur à Londres, et le jour de juillet 2024, où il rentre enfin chez lui en Australie après avoir plaidé coupable d'enfreinte à la loi américaine sur l'espionnage, Julian Assange aura passé douze ans en captivité effective. Son crime?
avoir diffusé des informations sensibles pour les pouvoirs en place, notamment sur des crimes de guerre. Vous écoutez Après couverture.
Julian Assange, le fondateur de Wikileaks, a été finalement libéré après, c'est quoi, 12 ans d'emprisonnement, pour le dire rapidement. Je vais juste rappeler les grandes dates vite vite parce qu'on a beaucoup de choses à dire sur cette situation-là.
Et puis, on risque de se disperser assez rapidement. Donc, juste lancer quelques repères. Julian Assange est donc le fondateur de Wikileaks. L'objectif de Wikileaks, dès le départ, c'est toujours resté le même, c'est d'offrir une tribune aux lanceurs d'alerte mondialement. Certains lanceurs d'alerte se sont prévalus de cette offre-là.
Il a commencé tranquillement, ça fonctionnait comme si comme ça, il n'y avait pas tant de visibilité, jusqu'à 2009 où là, il dévoile par l'intermédiaire d'un lanceur d'alerte qui lui a transmis de la documentation une possible fraude bancaire internationale, mais il est surtout connu pour la diffusion, en 2010, des documents qui ont été subtilisés par Manning, qui est un soldat américain, qui révèle des exactions, des crimes de guerre commis en Irak... Par l'armée américaine. Par l'armée américaine. Il met ça en ligne et il tient une conférence de presse.
présente le document qu'il appelle collateral murder, meurtre collatéral, qui fait la démonstration qu'il se passe de mots, de l'attitude, disons, cavalière, pour dire le moins, d'un escadron, d'une faction de l'armée américaine qui a abattu des civils pour aucune raison, d'une manière non provoquée.
[00:03:09] Speaker B: Puis donc c'est pas juste, parce que des fois c'est ça, c'est pas juste des mots, des textes, des e-mails, c'est qu'en fait c'est des vidéos et de l'audio où on entend les snipers cibler des cibles, demander la permission de tirer, tirer, les gens tomber, les enfants courir autour. On a accès en fait à du matériel qui habituellement est gardé secret.
Donc ça saisit parce que ça va de soi, mais c'est différent des fois de lire un compte-rendu de quelqu'un qui raconte quelque chose d'horrifique et de le voir dans la vidéo, ça saisit pas de la même façon.
[00:03:45] Speaker A: Tout à fait, tout à fait. Et là on est en 2010, je vais juste le mentionner au passage, on va peut-être revenir parce que l'environnement internet en 2010 et pas du tout le même qu'aujourd'hui. C'est un autre monde totalement. Là, il commence à être connu à partir de là parce que ce qui est présenté là, s'est considéré comme un affront à l'armée américaine, un dévoilement de secrets d'État potentiels. On lui reproche toutes sortes de choses, dont le fait d'avoir potentiellement mis en danger des gens protégés par l'armée américaine. On fait un procès à Manning, qui est emprisonné aussi. On trouve finalement c'est qui, le délateur. Il est traité comme un délateur.
Et Julian Assange commence à comprendre que là, il est pris au sérieux. D'autant plus qu'en 2012, des accusations pour viol, je pense, agression sexuelle, sont portées contre lui depuis la Suède. Lui, il est en Angleterre à ce moment-là. Les accusations portées contre lui...
Des accusations ? Deux ans plus tard, il va se réfugier en Équateur parce qu'il comprend rapidement que ces accusations-là sont un subterfuge pour le forcer à se rendre en Suède pour subir son procès et de la Suède d'être extradée aux États-Unis, ou pourrait peser contre lui des accusations similaires à celles qui ont été portées contre le délateur Manning.
[00:05:34] Speaker B: À savoir des actes d'espionnage, en fait.
[00:05:37] Speaker A: Oui.
[00:05:37] Speaker B: Contre lesquels...
Les États-Unis ne rigolent pas. C'est 175 ans potentiellement de prison, la peine de mort aussi.
Mais peut-être que je t'interromps près, juste pour dire, parce que c'est un cas qui nous a toutes les deux fascinés. On n'a pas appris qu'il existait avec sa libération il y a quelques jours, mais en même temps, je pense que je peux parler pour toi, on ne s'est jamais plongé autant que depuis quelques jours dans tout ce qui s'est passé. Et tellement en passant que moi dans mon souvenir, c'est fou, Dans mon souvenir, c'était quelqu'un qui avait eu une notoriété, Julien Assange, pendant plusieurs, plusieurs années. Puis à un moment donné, bon, il y avait eu des histoires, puis il était à l'ambassade de l'Équateur à Londres, enfermé, il pouvait pas sortir, tout ça. Mais il avait eu sa notoriété pendant des années. Dans les faits, donc, il fonde Wikileaks en 2006. En 2009, il commence à être plus connu. En 2010, il y a tout un éclat avec ce que tu viens de mentionner. Puis à partir de 2012, Il est emprisonné, mais en fait il ne peut pas sortir de l'ambassade de l'Équateur. Donc six ans plus tard, de 2012 à 2019, il est pris dans l'ambassade. Après ça, il est en prison. Donc sa notoriété n'a pas été très longue en comparaison de tout le temps où il est enfermé.
[00:07:02] Speaker A: C'est qu'en même temps, il est enfermé, on dit emprisonné, mais c'est un auto-emprisonnement en fait. Il est allé se réfugier à l'ambassade de l'Équateur pour échapper à la justice qui le pressentait comme fatale pour lui, potentiellement fatale pour lui. Mais il a continué d'être actif.
[00:07:22] Speaker B: Oui, c'est ça.
[00:07:23] Speaker A: Et d'être l'homme de l'année du New York Times.
C'est important de signaler ça, là, que 2010, 2011, 2012, l'environnement Internet, le World Wide Web, Facebook, etc., c'était pas du tout ce que c'est aujourd'hui, dans le sens où la circulation, c'est-à-dire la communication de tout le monde avec tout le monde semblait possible. C'est comme si, là, on sentait que les frontières s'ouvraient.
qu'on pouvait, par exemple, faire une révolution en Égypte grâce à Facebook. C'était les casseroles au Québec. Là, on passait par Internet pour mobiliser des gens pour faire tomber, tu sais, un premier ministre, par exemple.
c'est dans cette mouvance-là. Donc, il pouvait encore apparaître héroïque pour beaucoup de gens et devenir symboliquement représentant d'une forme de révolution possible, t'sais.
[00:08:32] Speaker B: Ouais, donc de 2012 à 2019, Dans l'ambassade, avec quand même donc une certaine liberté, non pas de mouvement parce qu'il ne veut pas sortir dehors, à moins qu'il va être arrêté s'il l'est, parce qu'il y a quand même un policier toujours en face de l'ambassade, tout le temps prêt à l'arrêter, mais donc avec Internet, capable de faire des entrevues, tout ça.
Mais à partir de 2019, emprisonné dans une prison à haute sécurité, il a coupé du monde. Donc de 2019 à 2024.
[00:09:01] Speaker A: Ils ont fait en 2019 un raid carrément dans une ambassade étrangère. Donc avec l'autorisation du nouveau président, il y a eu un changement à la présidence de l'Équateur. Le nouveau président a refusé de le protéger, donc a autorisé la Metropolitan Police de Londres à investir l'ambassade pour sortir Julian Assange de force et l'amener en prison.
[00:09:27] Speaker B: Puis, bon, une des affaires qui interpelle, c'est qu'il y a deux positions opposées qui existent de compréhension propose.
pour définir ce qu'il est, ce qu'il fait et ce qu'il représente. Entre les deux, il y a différents degrés de gris. Peut-être qu'on va trouver d'autres positions, mais il y a deux grands mouvements qui s'opposent. Selon ma compréhension, d'un côté, on peut dire où on dit c'est quelqu'un qui est pour la liberté d'expression, qui est pour que les gens, le peuple, puissent avoir accès à de l'information sur le fonctionnement des institutions et qui avec ces informations-là puissent en prendre acte, en prendre compte sans filtre. C'est-à-dire, sans point de vue éditorialiste, Wikileaks veut neutre, au sens où voici les documents qu'on a reçus, on ne vous dit pas d'où ça vient, on vous montre les documents au complet, donc ce n'est pas, on vous résume, puis on a déjà un pro tel gang, anti tel gang, on vous montre le fonctionnement de l'institution dans laquelle vous vivez et vous déciderez, et on croit que vous y avez accès.
Alors, donc, de ce point de vue-là, pour le résumer, on pourrait dire que c'est très similaire à du journalisme d'enquête. Les journalistes d'enquête ont des sources qui leur donnent de la documentation. Fait que de ce côté-là, c'est la version la plus noble de l'affaire. Il y a des juristes qui sont avec lui, il y a des journalistes qui sont avec lui, il y a l'ONU qui est avec lui, comme quelqu'un qui fait quelque chose de fondamentalement bien. De l'autre côté, une autre position, c'est de dire que Il a été, c'est déjà la version sympathique, mais il a été beaucoup trop cavalier à révéler toutes sortes de documents à l'emporte-pièce, qui en fait met en danger tous les gens, tous les noms qui sont dans ces petits documents. Donc en fait, pour le résumer, c'est que s'il dit «Voici comment votre gouvernement, le gouvernement américain, a agi en Irak quand ils ont lancé la guerre, avec des noms d'espions, de sources, bien là ça met en danger tout ce monde-là, puis ça donne un avantage au pays ennemi, disons en l'occurrence l'Irak. Alors en fait c'est comme si de fait il était pro-Irak contre les États-Unis et c'était un espion de l'Irak. Donc il est condamné potentiellement ou il est accusé d'acte d'espionnage.
Alors pour ceux qui pensent comme ça, Bien, c'est quelqu'un de condamnable, il n'a pas sa raison d'être, il ne fait pas attention, ce n'est pas du journalisme, c'est de l'espionnage, en fait. Et comme de raison, plus il s'en prend à des gens au pouvoir pendant la révélation du Wiki, plus ces gens-là ne l'aiment pas. Parce qu'il a révélé pendant la campagne de Clinton, Hillary Clinton, plein de trucs sur elle, qui a contribué à ce qu'elle perde, à ses élections. On a comme une raison pour tout ce monde-là, c'est une personne contre qui il faut lutter, puis on l'accuse de plein de choses. Et donc, t'as ces deux mouvements-là qui s'opposent. Pendant un bout de temps, donc en 2007, 2008, 2009, 2010, il y a quand même beaucoup de gens qui sont avec lui parce que, assez habilement, il s'arrange, quand il reçoit des documents, pour s'associer à des journaux, des médias connus et respectés, qui partagent les documents. Alors, ça lui donne une espèce de couvert de journalisme d'enquête parce qu'il s'associe à des journalistes d'enquête. Et donc, le Washington Post dévoile les documents de WikiLeaks en collaboration avec WikiLeaks. Mais c'est à partir du moment où ça, ça a tombé que ça chute vers l'adpris dans l'ambassade. C'est précipité.
[00:13:24] Speaker A: Est-ce qu'on peut penser que ça a commencé à tomber avec la campagne électorale de 2016? C'est-à-dire que déjà, l'armée américaine avant, le gouvernement américain, l'appareil d'État américain veut sa tête, veut trouver une façon de le faire expatrier chez eux.
pour le citer à procès et le condamner pour espionnage. Mais il bénéficie de la sympathie et du soutien. On parle de WikiLeaks pendant la campagne de 2016 amplement et amplement. Et là, Donald Trump est élu.
Parce que le résultat net des courriels, de ce qu'il a dévoilé sur le camp d'Hillary Clinton, c'est en grande partie la cause de l'élection de Donald Trump.
[00:14:19] Speaker B: Ça a contribué beaucoup.
Parce que tu me disais, ça a mis un peu en lumière la division entre le camp Hillary Clinton et Bernie Sanders, puis comment Hillary Clinton avait manipulé contre lui. Fait qu'il y a des gens dans le clan de Sanders qui ont quitté le navire.
[00:14:35] Speaker A: Qui ont été dégoûtés du Parti démocrate et qui sont peut-être allés voter Donald Trump. C'est-à-dire que c'est parti en grand nombre.
Aussitôt que Donald Trump est élu, là, Wikileaks, ça ne l'intéresse plus. Parce qu'en fait, ce que Julian Assange semble montrer aussi, c'est qu'il est infatigable. Lui, ça ne lui dérange pas. C'est qu'il est gentil, c'est qu'il est méchant. Ce n'est pas ça son enjeu. Son enjeu, c'est que ce soit dit.
c'est que ce soit partagé. Donc, il n'y a pas de loyauté. Ce n'est pas parce qu'il a diffusé de l'information qu'il porte ombrage à Hillary Clinton qu'il va s'empêcher d'en diffuser, qu'il porterait ombrage à Trump. Et je pense que Trump l'a compris assez vite. D'autant plus que l'appareil d'État américain avait déjà une dent contre lui.
[00:15:27] Speaker B: Oui, c'est ça.
[00:15:29] Speaker A: Dans le même temps, pas longtemps après, il y a des élections présidentielles en Équateur et on a un nouveau président. Et là, les intérêts nationaux de l'Équateur...
qui semblent aller davantage dans le sens de la bonne entente avec les États-Unis, qui, eux, financent des projets, financent l'Équateur, et que dans les tractations, bien, le nouveau président se dit, bien, pourquoi est-ce que je défendrais un seul homme, puis que je perdrais tous les avantages que je pourrais tirer de bien m'entendre avec les États-Unis?
[00:16:03] Speaker B: Puis il y a les coûts aussi. Il y a toujours à quelque part une affaire, une question d'argent qui est surgie. À un moment donné, ils disent, bon ben, c'est plus un mois, deux mois, trois mois, trois, quatre mois, ça fait des années et des années.
que Julien Assange est dans l'ambassade de l'Équateur à Londres. Alors, il a essayé un coup à ça. Alors, à un moment donné, il dit, bon, bien, ça coûte tel million par année et avec cet argent-là, on aurait pu construire, je ne suis pas trop là, tu sais, toujours la même chose. Combien d'écoles? 140 écoles, 4 hôpitals, c'est bien ça. Donc là, à un moment donné, il y a eu une usure. Puis il y a des gens aussi qui décrivent sa personnalité comme étant colérique. Puis à un moment donné, il y a du monde qui commence à dire, pourquoi on continue, en fait, à soutenir cette personne-là. La cause s'effrite, en fait. Jusqu'à temps qu'en fait, ils décident de ne plus le soutenir et que la police débarque.
[00:16:59] Speaker A: Et qu'il n'y a pas beaucoup de résistance, en fait. Il ne se trouve pas beaucoup de...
Il y a beaucoup de monde qui le soutiennent comme citoyen, mais il ne se trouve pas beaucoup de monde dans... C'est des lieux de pouvoir pour le soutenir.
[00:17:13] Speaker B: Oui, mais c'est aussi ça.
Il y a plein de particularités dans cette histoire qui est incroyable, dont entre autres le fait qu'on peut en parler intellectuellement et décrire les forces et l'idéologie de l'un et de l'autre, mais il y a aussi très concrètement un homme, Julien Assange, qui vit dans un tout petit appartement qui ne peut pas en sortir pendant des mois et des mois et des mois.
Il y a comme le réel de cette affaire-là aussi. Puis on dirait qu'à un moment donné, force est d'admettre que les gens l'oublient. Les gens discutent autour Et même lui, à la limite, parce que des fois, il est interviewé de l'ambassade, puis il discute politique. J'ai regardé l'entrevue, à la fin de l'entrevue, on lui dit « Bon, mais en même temps, il nous reste 15 secondes. Comment ça va? Ça fait 4 ans, vous n'avez pas vu le jour dehors. » Puis là, il y a 15 secondes pour dire un truc, mais il devient plus émotif. Donc, à un moment donné, bien, ça fait partie de la vie.
Il est là, puis c'est quelque chose qu'on sait, mais ça fait-tu 2 ans, 4 ans, 5 ans? Ça fait déjà 6 ans! Ah ben oui! C'est fou, c'est comme pris pour acquis à un moment donné.
[00:18:31] Speaker A: Ah oui, mais c'est...
[00:18:32] Speaker B: C'est troublant.
[00:18:33] Speaker A: Oui, c'est très troublant.
que nous aussi, de notre vivant et de notre vivant d'âge adulte, on a su qu'il était allé se réfugier à l'ambassade d'Équateur, qu'on a su qu'il vivait là pour éviter d'être extradé, qu'il était en danger de mort parce que le gouvernement américain voulait sa peau, puis que c'est devenu...
[00:18:58] Speaker B: De choses à laquelle on s'adapte comme d'autres choses.
[00:19:01] Speaker A: Pas vraiment vaguement, mais l'histoire est floue.
[00:19:03] Speaker B: Parce que l'ambassade est adjacent à un magasin assez chic, hein? Ah, je sais pas. Bon, il y a des gens, c'est pas grave, mais tu vas magasiner, puis à quelques mètres de toi, derrière la paroi, il y a Julien Assange qui est là depuis des années. On a tous des exemples dans nos vies de choses aberrantes, des fois, qui existent, qu'on fait avec parce que ça a toujours été comme ça. Mais cet exemple-là, il est comme patant. À un moment donné, c'est comme ça. Il peut pas sortir. Il y a comme un échec émat. Les échanges diplomatiques sont comme un peu gelés. Ça négocie, mais ça avance pas.
d'année en année en année.
[00:19:44] Speaker A: Oui. Il y a une élection ici, il y a une autre élection là-bas. Tu sais, quelqu'un qui dit «Ah oui, mais moi pendant tout ce temps-là, j'ai eu le temps d'avoir des enfants, j'étais célibataire, j'étais jeune célibataire, j'ai rencontré ma femme, j'ai eu des enfants», tu sais. Puis lui, il est juste comme resté là. Pour le crime, d'avoir divulgué de l'information qu'on lui a partagée.
[00:20:13] Speaker B: C'est ça.
[00:20:14] Speaker A: C'est un crime de l'aise-majesté. C'est pour un crime de l'aise-majesté entre toi et moi. Non?
[00:20:21] Speaker B: Il y a l'écueil. Ceux qui sont pro-Julien Assange vont dire « Lui, il fait juste d'une façon nulle. » donner l'opportunité à quelqu'un de déposer de l'info, il la diffuse, mais c'est pas lui qui la cherche, c'est pas lui qui... Mais d'autres, comme il y avait un passé de pirate informatique, enrobent ça de piratage informatique, fait que c'est comme s'ils encourageaient des vols dans un... Ils encourageaient le piratage informatique et ils respectent pas le secret d'État. Puis c'est toute la question. Est-ce qu'un État peut avoir des secrets? Quels secrets? Jusqu'à quel point?
Et c'est tout ça qui est au.
[00:20:59] Speaker A: Cœur de cette histoire. Donc, toi, tu penses que... Parce que ce qui est arrivé à Manning, ce que Manning a fait, c'est qu'il a pris au sérieux l'invitation que Wikileaks faisait. Parce que c'était pas le seul Wikileaks. Avant, il y en avait d'autres qui divulguaient des informations qui étaient transmises par des lanceurs d'alerte ou autre.
Mais Wikileaks fait le pas d'essayer de devenir mainstream, disons, d'essayer d'avoir une visibilité, de ne pas rester un site, une niche pour des geeks qui s'intéressent à des détails, mais de vraiment s'associer, comme tu disais, à des journaux, The Guardian, peut-être The Washington Post.
[00:21:40] Speaker B: Oui, The Washington Post, oui, tout à fait.
[00:21:43] Speaker A: Et donc, ça a encouragé des gens à aller vers lui.
Mais on dit aussi que ça a encouragé des gens à aller chercher de l'information, à aller pirater des systèmes pour pouvoir les diffuser. C'est ce qu'on lui reproche en fait.
parce qu'il connaît le monde des pirates informatiques et que ça a déjà été un hacker.
[00:22:02] Speaker B: Exact, ouais.
[00:22:03] Speaker A: Tu sais, ce qu'il disait à un moment donné, vraiment cute, ou quelqu'un le disait, c'est qu'en fait, lui, il a été hacker, puis il a été complètement flabbergasté de se rendre compte que le gouvernement américain est rempli de hackers. Puis il comprenait pas, dans son esprit, un hacker, c'est comme, par nature, ça devrait être un anarchiste, en fait.
un anti-establishment. Bien non, il y en a plein qui sont recrutés au service du gouvernement américain pour entrer dans les systèmes des pays étrangers ou des individus. Parce qu'il y a aussi... Oui. Puis il y a aussi Edward Snowden. Pendant toute cette même période-là, ils se sont rencontrés, ils se sont mutuellement soutenus. Je vais juste le dire en passant, mais lui aussi a payé de sa vie d'avoir essayé de divulguer, bien de...
Oui, il a payé de sa vie, il n'est pas mort, mais ça lui a coûté, sérieusement, de divulguer de l'information qu'il a ramassée.
à l'intérieur de l'appareil d'État américain.
[00:23:05] Speaker B: Ouais, c'est ça.
[00:23:06] Speaker A: C'est dans le même...
[00:23:07] Speaker B: C'est la même chose, c'est le même principe. Mais donc, tu vois, les mots, c'est fou. La différence... Des fois, j'écoute, on écoute des gens parler de ce qui s'est passé, puis selon qu'ils présentent les faits ou qu'ils présentent ce qui est arrivé en parlant de lanceurs d'alerte ou de pirates informatiques, déjà, ça a une coloration complètement...
Tu sais, si tu dis qu'il y a quelqu'un qui lance une alerte, ça le dit, là. Je lance une alerte dans cette institution dans laquelle vous croyez. Voici des documents qui montrent un fonctionnement complètement immoral, non éthique, contre la loi. Vous devez le savoir. C'est très différent de dire, bien, il y a des pirates informatiques qui donnent de l'information privée sur plein de monde, qui illégalement, on prenne accès à de l'info en... Tu sais, un pirate informatique, Ça a la connotation, c'est comme quelqu'un qui informatiquement pénètre par infraction un endroit où il n'y a pas le droit, donc c'est illégal. Alors quelle importance, quel encouragement on donne à ça? C'est quasiment l'équivalent de dire un voleur rentre chez vous, vole quelque chose, puis il se rend compte que la chose qu'il a volée Tu devrais pas l'avoir pis ta cul... Il y a comme toute une autre connotation complètement pis entre ces deux pôles-là, ben en fait, selon le camp qu'on choisit, tu peux avoir une interprétation complètement différente de...
[00:24:33] Speaker A: Pis c'est peut-être pour ça qu'il insiste que sa femme, qui a été son avocate aussi, insiste pour dire c'est un journaliste.
[00:24:42] Speaker B: Oui.
[00:24:43] Speaker A: Et on lui a donné des cartes de journaliste. Je ne sais trop quelle association. Il est reconnu comme journaliste. C'est un journaliste. Alors, ce n'est ni un lanceur d'alerte. Ce n'est pas plus un lanceur d'alerte qu'un pirate informatique. C'est un journaliste. Ce qu'il fait, c'est de l'édition. C'est un éditeur. Il diffuse. Alors, on lui envoie l'information.
Il en évalue la pertinence, c'est-à-dire la qualité, il fait de son mieux, et il la diffuse, c'est ce qui fait point.
[00:25:11] Speaker B: C'est ça, et c'est même l'ultime journaliste, selon ces gens-là, parce qu'il n'y a rien d'un éditorial, comme tu disais tantôt, parce qu'il n'y a pas de bon camp, de mauvais camp. Lui, il compte toutes les institutions. En fait, il veut montrer le fonctionnement de toutes les institutions, indépendamment de la personne qui est en charge de l'institution à un moment donné. Alors, comme de raison, les gens prennent personnel ce qu'il fait parce que parfois c'est...
C'est toi qui es en charge de l'institution quand ils révèlent des secrets. Mais lui son affaire c'est de toujours dire, laissez-vous pas prendre par une histoire de parti démocrate contre républicain ou un tel ou Bush puis Bush, Clinton. Voici le fonctionnement de l'appareil qui mène en fait.
[00:25:57] Speaker A: Puis la citation que tu m'avais envoyée, là, j'en ai retenu... Ce que j'en ai retenu, c'est...
Tu sais, par rapport à ce qu'on discutait du brouillage d'ombres, faire la différence entre le signal et le bruit.
[00:26:10] Speaker B: Oui, on en a parlé l'autre fois.
[00:26:11] Speaker A: Oui. Puis cette citation-là que tu m'envoyais évoquait, de mémoire, évoquait l'idée qu'en fait, Il a été interpellé, Julian Assange, où il s'est rendu compte à un moment donné que là où l'effort était le plus grand pour supprimer le bruit, C'était là où probablement il y avait le message. C'est-à-dire, c'était là que c'était intéressant d'aller chercher. La citation est beaucoup plus longue que ça, mais cette idée-là que ce qui est la ligne d'intérêt, ce qui t'émet le réel signal auquel tu devrais t'intéresser, c'est là où il y a un effort de l'étouffer, en fait. Parce que c'est là où il y a quelque chose à perdre à ce que ça sache, pour les pouvoirs.
[00:27:08] Speaker B: C'est là que ce qu'il propose au départ, dans sa vision, c'est quelque chose d'un blit de paradigme, parce qu'il y a tellement de polarisation et de clivage dans le monde, dans une société entre gauche, droite, bourgeois, non-bourgeois, une sorte de catégorie qu'on peut inventer. Lui, c'est comme s'il décrit une espèce de...
d'océans d'informations.
Oui. Sans catégorie, c'est comme un océan où il y a plein d'informations. Parfois, il y a des vagues quand on essaie de masquer quelque chose.
[00:27:45] Speaker A: Oui.
[00:27:45] Speaker B: Parce que quand tu pèses d'un côté, ça monte de l'autre. L'idée, c'est justement d'avoir accès à tout ça, mais sans...
Justement, sans catégorie, sans parti pris, ce qui vient quand même sortir du paradigme habituel et tout bouleverser dans un sens. Il y avait quelque chose d'une grande transgression dans ce qu'il proposait.
On essaie de délimiter les contours. Il y a des gens pour et contre, selon les termes qu'on utilise.
Il y a quand même un scandale, je pense, qui est incontournable. C'est le fait qu'une fois que l'Équateur l'a lâché, il est allé en prison. Admettons même que ça, c'était correct, qu'il aille en prison, parce qu'il avait fait quelque chose de pas correct. Il n'avait pas respecté.
[00:28:56] Speaker A: S'approbation.
[00:28:57] Speaker B: S'approbation. Donc, quand il a reçu le mandat d'arrestation, il s'est caché dans l'ambassade. Le UK l'a dit, bien ça, si tu fais ça, sache qu'on va te dire que tu ne respectes pas ta probation, on va t'amener en... Tu vas aller en prison pour ça. Donc, quand il est sorti, il était allé en prison. C'était supposé être pour 50 semaines. Ça a duré plus que 4 ans, sinon 5, dans une prison à...
Sécurité maximum. 23 heures sur 24 seules, pas de procès, en flottement, en attente. C'est difficile de justifier que ça c'est correct.
Oui. Vraiment. La seule raison où on peut dire que c'est correct, c'est dans des cas où on oublie les principes et on rend ça personnel. C'est-à-dire qu'il y a des fois où on se dit « Regarde, telle personne, c'est un tueur en série, c'est un fou furieux, c'est un malade. » Donc, on a bafoué ses droits par la suite, mais bon, on ne va pas se sentir mal à l'aise. On fait comme une parenthèse pour cet être ignoble. Il n'y a pas eu de procès, c'est tout croche, il est en prison trop longtemps, mais ce n'est pas grave. Cette personne-là n'a pas le droit à ses droits. Parce que, à sa face même, ce n'est pas le cas ici, je veux dire, on ne parle pas d'un fou furieux qui a tué des gens partout. D'avoir été comme ça en prison tant d'années, pas de procès, juste pris dans des tractations diplomatiques à n'en plus finir, c'est quand même quelque chose.
[00:30:30] Speaker A: Ça ramène aussi à l'idée générale que ça se peut de rendre quelqu'un fou. Quand on parle de santé mentale, par les temps qui courent, on perd de vue trop souvent, j'ai l'impression, le rôle de l'environnement dans le développement de ce qu'on appelle des troubles mentaux, qui peuvent être la dépression. L'impuissance apprise, ça fait longtemps qu'on connaît ça, c'est appris, c'est-à-dire c'est appris par l'environnement. L'environnement te montre que peu importe ce que tu fais, ta situation ne changera pas.
L'état d'impuissance à prise est très similaire à l'état de dépressif. Pas que la dépression, c'est toujours ça, mais c'est juste une illustration du rôle de l'environnement. On en a beaucoup, beaucoup parlé dans les années 70, dans les années 80, un peu dans les années 90, mais il y a eu comme un shift. On se contente de dire que c'est biopsychosocial.
on perd de vue trop souvent le rôle de l'environnement. Qu'est-ce que c'est pour quelqu'un d'abord d'être traqué parce qu'il n'a pas juste été enfermé en isolement?
dans une prison à sécurité maximum en Angleterre sans qu'aucune accusation formelle ne soit déposée contre lui, donc sans possibilité de se défendre. Il y a une raison pourquoi on a un système de justice. Théoriquement, un accusé a droit de savoir de quoi il est accusé, a droit à une défense pleine et entière devant un juge qui est impartial. Ça, c'est comme la condition du fonctionnement d'une société qu'ils veulent appeler une société de droit, d'une société démocratique. Ça a l'air que, dans son cas, lui, c'est pas nécessaire. C'est pas juste qu'il est enfermé dans cette prison-là. En Angleterre, de son côté, comme la France se vante d'être un des pays des droits de l'homme, des droits de la personne, donc il est détenu en Angleterre pour des crimes qui auraient été commis en Suède.
[00:32:46] Speaker B: Et les plaintes qu'il a eues ont été abandonnées. Il y a des plaintes faites contre lui de quelqu'un. À cause de ça, il a un mandat, il se cache, on ne lui dit pas. Il ne se cache pas, mais il va dans l'ambassade. À cause de ça, il ne respecte pas sa caution. Finalement, la plainte tombe.
mais il va quand même en prison, pas de procès, plus de quatre ans pour non-respect. Il y a de quoi d'absurdité après absurdité. Tu peux pas plaidoyer qu'il a été traité d'une façon équitable. Ça n'a pas de sens.
[00:33:18] Speaker A: Non. Il n'y a aucune commune mesure entre ce qu'on lui reproche et ce qui est arrivé. Déjà, tu sais, pas entre ce qu'on lui reproche, entre ce qu'il a fait, disons, et ce qui est arrivé. Parce que ce qu'on lui reproche, ce n'est même pas dans les premières années. C'est après X temps qu'il est enfermé à l'ambassade de l'Équateur. On finit par dire, finalement, c'est un espion. On a moussé aussi l'opinion publique.
[00:33:41] Speaker B: Il y a ça aussi. Oui, oui. Il y a toute l'idée que...
Parce qu'il y a ça qu'on n'a pas parlé encore, mais ça se trame, c'est que peut-être que c'est un espion russe.
[00:33:49] Speaker A: Ah oui, bon c'est ça. C'est ça, parce que Vladimir Poutine, c'est quand même... On essaye, on essaye de le faire le grand mal, le seul malin de toute la planète.
[00:34:00] Speaker B: Mais avec l'idée qu'il y a peut-être un moment donné des documents qu'il a reçus qui seraient venus d'un lanceur d'alerte ou d'un pirate informatique, dépendamment comment on le situe, russe, qui aurait été un intermédiaire de la Russie. Et donc, il serait dans l'axe du mal de cette façon-là. Mais même si tout ça c'est vrai, Il reste que, à un moment donné, il y a juste la façon dont quelqu'un est traité, comme tu dis, pas de procès, pas de chef d'accusation, pas de moyen de se défendre, de se défendre pendant des mois, des mois et des années.
[00:34:34] Speaker A: Comme on le raconte aussi, c'est que c'est quelqu'un qui a diffusé de l'information en Europe à propos des États-Unis, mais qui est enfermé en Angleterre.
et même pas défendu par son propre pays qui est l'Australie.
Donc l'Australie ne s'est pas proposée pour le rapatrier jusqu'à récemment.
[00:34:56] Speaker B: Non, non, tout à fait. Mais tu sais, il y a une ironie dans l'affaire par exemple. Il y a une ironie incroyable. Puis on pourrait peut-être faire un...
plus d'emphase là-dessus, mais donc il y a eu plein de tractations pour finalement sa libération. Mais c'est possible qu'une des raisons, une des forces qui a fait que finalement ils l'ont libéré, c'est qu'il y a un journaliste du Wall Street Journal en ce moment, Evan Gerskovich, je sais pas si on se parle de son nom, mais qui est un journaliste d'enquête du Wall Street Journal, qui est un vrai journal des États-Unis, qui est en prison en Russie.
Le Wall Street Journal, à chaque semaine, dit «Together for Heaven», ça n'a pas de sens, c'est un journaliste d'enquête, c'est notre journaliste, il faut qu'il sorte de là. La Russie dit «Bien, c'est un espion, alors nous on le poursuit pour espionnage».
Alors il y a des gens qui disaient «Mais ça paraissait tellement mal dans l'opinion publique, de dire à la Russie, libérez-le, quand eux répondaient, bien, Julien Assange, c'est la même chose, puis vous libérez pas plus, que ça a participé à dire, bien regarde, si on le libère, ça va enlever ça de l'équation, puis ça va peut-être participer à ce qu'on puisse libérer plus facilement le journaliste du Wall Street Journal.
[00:36:07] Speaker A: C'est incroyable, hein? C'est possible, hein? C'est incroyable, hein?
[00:36:10] Speaker B: C'est pas impossible, je m'y connais pas assez pour vous dire si ça a vraiment été un facteur, mais c'est pas impossible.
[00:36:18] Speaker A: Ce qu'on dit aussi souvent, des gens qui l'ont vu, des gens qui sont allés le visiter en prison, des gens qui sont allés le visiter en Équateur déjà.
[00:36:29] Speaker B: Dans l'ambassade.
[00:36:29] Speaker A: Dans l'ambassade, pardon. C'est à quel point c'est un homme brisé.
et surtout maintenant. Il y a peut-être aussi le fait qu'il n'est plus tant en état de nuire. Ce qu'on décrit comme brisure, c'est quelqu'un qui a de la difficulté à se souvenir même de sa date de naissance quand il comparaît devant un juge dont les idées sont floues. T'sais, imagine l'isolement, l'effet de l'isolement. C'est là aussi où je voulais en venir.
L'usure de l'isolement, tu peux bien croire en ta cause, mais quand t'es tout seul 23h sur 24 pendant des années avec aucune accusation dont tu peux te défendre et que tes accusateurs, c'est aussi des entités en fait. Le gouvernement américain, c'est des entités, c'est pas une personne qui te dit tu m'as fait ci.
[00:37:25] Speaker B: Ou les forces militaires, le Pentagone. Oui, tu te bats contre...
[00:37:32] Speaker A: Fait que tu peux bien avoir des soutiens à l'extérieur, mais t'y vois pas. Ou rarement. Peu. Tu viens de passer 7 ans dans une ambassade, comme dans 300 pieds carrés, sans fenêtres, sans jamais voir la lumière du jour, à continuer à travailler et à recevoir des gens, mais ça joue sur la psyché de quelqu'un. Peut-être aussi que là, à un moment donné, après 12 ans, 14 ans, on se dit, bon, bien, finalement, il est peut-être aussi plus la menace qu'il a déjà été.
[00:38:02] Speaker B: Oui, oui, tout à fait. Bon oui, on peut tout à fait penser qu'il y a des gens qui se sont dit « il est brisé maintenant », puis tout à fait.
[00:38:10] Speaker A: Que tout ça, ça se soit passé pendant qu'on y avait accès, qu'on aurait pu le savoir, mais que ce soit pour ressorti Puis pas plus pour nous, en fait. C'est un peu ce qui est étonnant, d'une certaine façon, non? On s'intéresse à ce qui ressort.
[00:38:30] Speaker B: On s'intéresse au rapport à la transgression. Puis c'est vraiment un cas. Tout dans son histoire, c'est le rapport d'une société à la transgression parce que lui dit, voici des documents qui illustrent la transgression, des transgressions d'une institution, dans laquelle, qui vous chapeautent, mais qui en fait, selon les points de vue, mais qui en fait, qui vous représentent, c'est votre institution, mais ils sont vos serviteurs, alors on vous dit comment ça fonctionne. Puis eux répondent, ben ça c'est vraiment...
C'est vraiment une transgression que lui fait, parce que c'est des hackers qui viennent défaire des secrets d'État qui doivent rester secrets pour protéger les gens. C'est vraiment toute une histoire de secrets et de transgressions partout. Et selon l'angle dans lequel on le prend, les méchants changent rapidement.
[00:39:19] Speaker A: Puis il y a la coche de plus, c'est l'ironie de la chose, c'est que cet homme-là, on l'a brisé en l'enfermant. Mais c'est comme au vu et au su de tout le monde, mais en même temps, en en parlant, sans que ça ressorte du reste, justement, sans que ça fasse aucune vague dans l'océan d'informations. Oui, oui, c'est ça. Tu sais, il y a d'autres choses, d'autres actualités, d'autres événements. Puis bon, de temps en temps, s'il arrive quelque chose d'exceptionnel, comme son arrestation, on en parle. Mais entre-temps, tu sais, bouf.
[00:39:56] Speaker B: Et lui-même, comme je te dis, ce qui est tout à fait saisissant, c'est des fois de le voir faire des entrevues à partir d'un ambassade et discuter avec d'autres journalistes, d'autres interlocuteurs de politique.
[00:40:08] Speaker A: Comme abstraitement, c'est ça? Avec une distance, ton genre.
[00:40:11] Speaker B: Oui, puis il y a un moment.
[00:40:12] Speaker A: Donné, l'entrevue est finie.
[00:40:13] Speaker B: Merci Julian, merci Paul, merci André. Lui, il ne peut pas sortir d'où il est, là. Il n'a pas sorti depuis, tu sais, trois, quatre, cinq ans de l'ambassade. Mais bon, à un moment donné, les gens le savent. C'est quelque chose qui est accepté, puis c'est comme ça. Puis les pourparlers continuent. Puis l'ONU vient d'émettre un document qui demande sa libération. Mais tu sais, quand tu as des documents symboliques, d'institutions symboliques, qui n'ont pas d'effet à court terme, bien, il m'en.
[00:40:41] Speaker A: Est dit bon ben... Mais c'est que c'est quand même incroyable, c'est incroyable, c'est scandaleux, c'est comme insupportable. Parce que ce que j'allais dire aussi, c'est que par-dessus l'institution qui est l'armée américaine, mais là, on parle de la CIA aussi, parce que là, ça s'en va loin, tous ces trucs-là, il y a la Cour pénale internationale qui est censée juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.
Là, on a un vidéo de crime de guerre. On l'a, c'est-à-dire... Oui, le vidéo en 2010. Des dommages collatéraux. La guerre, c'est la guerre. C'est pas beau, malheureusement. Là, on a des civils innocents qui font rien, qui se font tirer dessus. Et là, ceux qui viennent les aider se font tirer dessus en plus. Et là, dans la rigolade. Ça, c'est un crime de guerre. Le crime de guerre a jamais été investigué. Il n'y a jamais eu de plainte. Il n'y a jamais eu rien.
Les gens qui ont commis le crime de guerre ont jamais été inquiétés. Celui qui a payé...
c'est Julian Assange pour l'avoir diffusé, entre autres choses. Ce qu'il a diffusé aussi, c'est des courriels privés qui révèlent des choses que peut-être une candidate du Parti démocrate qui se prétend de gauche et qu'on aime tous se faire croire qu'il est de gauche. C'est pas de la gauche, c'est un parti institutionnel, un parti de pouvoir, un parti d'alternance de pouvoir.
qui a eu comme tractation et jeu de coulisses, etc., qui a fait en sorte de favoriser une candidate contre des autres. Ça, ça a été révélé.
L'opposant du parti républicain s'en est délecté et là, tout d'un coup, il a tellement répété Wikileaks, Wikileaks, Donald Trump, que Wikileaks est associé à Donald Trump et c'est foutu. C'est-à-dire, c'est criminel de penser qu'on peut trouver de l'information compromettante et penser que c'est important.
dans des documents que des lanceurs d'alerte envoient à une plateforme qui est prête à les diffuser. C'est rendu mal vu. C'est mal vu d'interroger des institutions. C'est mal vu de poser des questions légitimes dans une démocratie.
[00:43:06] Speaker B: Mais il y a un point de capiton quand même que je pense qu'on va devoir explorer plus parce que je ne sais pas trop ce qui est arrivé parce que Au départ, donc Wikileaks est lancé en 2006, 2007, 2008, 2009, il y a quand même, à ce moment-là, la majorité du monde avec lui.
Donc on pourrait dire qu'il l'a perdu à partir du moment où il s'en est pris à l'institution militaire américaine, qui n'ont pas aimé ça en 2010, puis c'est là que ça s'est retourné contre lui. Ça se peut. Mais il s'est passé quelque chose, c'est sûr, parce qu'il y avait jusqu'à ce moment-là quand même, puis c'était peut-être un aspect politique de sa part, mais donc comme on l'a dit, il s'associait au Guardian, Wikileaks, il s'associait au Washington Post, fait qu'il y avait un aura de crédibilité, parce que ce qu'il recevait donc, encore une fois, il montrait aux journaux, les journaux disaient oui, c'est une bonne histoire, on ne la dit plus, c'était le date, alors c'est dur après ça de ne pas dire que c'est une journaliste d'enquête quand c'est le Washington Post qui le montre. Mais à partir d'un certain moment, non seulement il s'est mis à dos les journalistes, Puis là, je ne sais pas trop pourquoi, il y en a qui disent que c'est parce qu'il était careless, qu'il voulait aller trop vite, qu'il protégeait passé des noms qui auraient pu être révélés. Mais il s'est mis à dos, je veux dire.
les cartes de crédit, Paypal, les gens n'avaient plus accès à le soutenir financièrement, ces comptes de banque étaient fermés. À partir d'un certain moment, c'est le fun de le retracer dans le temps, mais il y a vraiment plusieurs institutions aux États-Unis, des grandes institutions, qui l'ont laissé tomber du jour au lendemain. Parce que là, c'est une chose, le Guardian qui ne te suit plus, puis là, finalement, c'est le New York Times. Mais quand PayPal, MasterCard, tout l'argent, c'est le pouvoir, quand tous les endroits où tu peux ramasser, collecter, gérer ton argent te «freeze», là, c'est vrai que c'est quelque chose qui vient de changer complètement. Fait que qu'est-ce qui est arrivé à ce moment-là?
[00:45:09] Speaker A: Où est-ce que c'est allé trop loin pour eux?
Parce que tu as quelqu'un dont on dit qu'il a un sale caractère, en fait, qui n'est pas nécessairement agréable, je ne sais pas trop, au niveau de la personnalité. Est-ce que c'est vrai ou est-ce que c'est de la calomnie? Est-ce que c'est une sorte de loose canon, c'est-à-dire que je collabore avec vous dans une optique transactionnelle, je collabore avec vous tant que vous m'êtes utile, Mais le fait de collaborer avec vous, ça ne m'empêchera pas de continuer. C'est-à-dire que je ne me sentirai pas redevable envers vous si j'ai d'autres informations à dévoiler qui risquent de vous mettre dans l'embarras.
Tu sais, c'est un peu l'histoire Trump, Hillary Clinton Trump, c'est-à-dire Trump qui dit oui, I love Wikileaks, I love Wikileaks, etc. Aussitôt qu'il arrive au pouvoir, je veux dire, on monte la pression, en fait, par Mike Pompeo. On monte la pression, bien peut-être que parce que c'est pas quelqu'un d'acquis, justement parce qu'il ne prend pas parti pour un contre l'autre, tu sais, c'est un loose cannon, c'est peut-être ça.
[00:46:21] Speaker B: Mais il y a ça, en fait, oui. Mais en fait, il y a probablement deux choses. Il y a probablement l'idée, au moins deux choses, il y a probablement l'idée qu'il y a des gens, à un moment donné, qui se sont dit, ça vient de passer à un autre niveau là. C'est une chose de montrer qu'une banque dit à ses clients d'aller dans tel paradis fiscaux, puis tout ça. Mais là, à partir du moment où tu t'en prends, à la machine militaire américaine et que t'es accusé d'acte d'espionnage, qui a vraiment des conséquences drastiques, c'est-à-dire 175 ans de prison, la peine de mort. Probablement qu'il y a des institutions qui se sont dit, ok, mais c'est que si on continue, nous autres, on va être accusés de collaborer avec celui qui fait des actes d'espionnage, donc d'espionner. Puis là, c'est quoi l'avantage qu'on a? Je me demandais, tu peux imaginer facilement l'incision de dire, OK, pourquoi qu'on continue? On risque de tomber avec lui, puis de se faire accuser d'espionnage, en fait, puisqu'on participe à financer la personne qui est accusée d'espionnage. On arrête ça tout de suite.
[00:47:19] Speaker A: Oui.
[00:47:20] Speaker B: Fait qu'il y a ça probablement qui est arrivé. Puis l'autre aspect, tu sais, quand on disait tantôt, que c'est terrible, pas de procès, c'est inhumain, tout ça. Une des façons de faire passer ça, tu viens de l'évoquer, c'est de rendre ça personnel, c'est-à-dire de se mettre à parler de sa personnalité. Puis là, c'est vrai que tu peux avoir toutes sortes de calomnies, plus ou moins vrai, mais là, il y a plein d'articles qui disent littéralement, c'est un pas propre, c'est un pas fin. À l'ambassade, il engueulait tout le monde, il se prend pour un autre. On est allé parler à un des types avec qui il a lancé WikiLeaks, Il disait que WikiLeaks était supposé être des grands idéaux. Lui, ce qu'il voulait, c'était se montrer la face partout. C'est un narcissique. Fait que là, à partir du moment où t'as plein, mais t'sais, des articles après article après article, qui décrivent non plus les idéaux ou les grands pans fondamentaux, mais juste sa personnalité désagréable, c'est vrai. Puis en plus, quelqu'un accusé d'agression sexuelle en Suède. C'est vrai qu'à un moment donné, ça peut amener des gens à dire « bon, bien, évidemment, il doit bien y avoir pas de fumée sans feu ». Alors je pense que j'ai trouvé une façon de te craquer.
[00:48:57] Speaker A: Il ne faut pas me craquer.
[00:49:02] Speaker B: Ça va qu'on me suit. Parce que j'ai à l'esprit, j'allais dire certains amis à moi, mais en fait c'est un ami à moi, je n'ai pas tant, mais que je sais que s'il nous écoutait, ce qu'il ne fait pas. Mais s'il nous écoutait ou si je lui en parlais, il dirait, sans aucun doute, je le connais, parce qu'il y a un grand respect pour les institutions. Il y a comme un respect, puis il y a une façon... Moi, je trouve ça un peu naïf parfois, mais c'est peut-être moi qui est cynique, de dire, une société, pour que ça fonctionne, ça prend certaines grandes institutions fortes qui sont habitées de gens en...
en majorité bienveillants et qui veulent redonner et qui veulent faire une société meilleure, il faut avoir une espèce d'espoir en lui-même. Et donc, pour que ça ait lieu, il ne faut pas toujours torpillonner les institutions à chaque fois qu'il y a peut-être quelque chose de pas correct qui se passe, qu'on n'est pas au courant. Il faut, au contraire, trouver des façons que les gens reprennent confiance et donc que l'institution communique mieux, qu'il y a certaines choses qui ne soient peut-être pas dites, mais pour retrouver une quiétude, une paix sociale et un respect des institutions. Alors lui, il dirait que les mouvements comme ça, par Wikileaks, de torpiller des institutions, c'est fondamentalement pas correct. Puis oui, des fois, ils font des choses pas bien, mais lui, il a la foi qu'ils vont s'autocorriger.
[00:50:36] Speaker A: Il y a des gens qui ont la même foi par rapport au marché. Si le marché se régule, il va se réguler tout seul. Oui, c'est un principe similaire, exactement.
La femme de Julian Assange, parce qu'ils sont maintenant mariés, ils sont mariés pendant qu'il était en prison, ça a aussi été son avocate australienne, parce qu'il est australien de nationalité, et ce n'est que très récemment que l'Australie a participé à sa libération. C'est mêlé de prendre en charge un de ses citoyens. C'est quand même spécial aussi. En tant qu'avocate, elle a aussi pris la parole en son nom pendant qu'il était incarcéré. Une des choses qu'elle a dites, une des choses qu'elle disait à un moment, c'est Ce qui est arrivé, c'est quelque chose au niveau de la justice, juste d'un point de vue de la justice, de l'appareil judiciaire, quelque chose de catastrophique, de monstrueux. C'est-à-dire que l'appareil judiciaire commet une erreur et ce qui est révélé dans le dossier de Julian Assange, c'est la difficulté justement, de l'appareil judiciaire, de s'autoréguler, de reconnaître son erreur. La lourdeur de tout ce qui est impliqué dans le fait de reconnaître et de réparer une erreur initiale équivaut à un déni de justice. Ce qu'elle disait aussi, c'est, dans la suite de ce que tu dis, c'est qu'une des raisons pour ça, que ce soit comme ça, c'est que On veut pas donner l'occasion à quiconque de mettre en doute la confiance dans l'appareil judiciaire. La confiance dans l'appareil judiciaire, c'est quelque chose qui est fondamental dans les démocraties. Et ce qui pourrait mettre en doute cette confiance-là, on veut l'éviter à tout prix. Donc, on veut éviter de reconnaître qu'on a fait des erreurs. On veut mettre...
Ah, t'sais...
C'est tellement compliqué de faire réparer quelque chose qui est mal parti au départ. Parce que si on reconnaît à la fin que c'était mal parti au départ, c'est que là, ça ébranle la confiance dans l'appareil de justice.
[00:53:13] Speaker B: C'est drôle qu'on parle de ça parce qu'il y a un lien qu'on n'avait pas nécessairement pensé entre ça et l'affaire, mon vilain, de la dernière fois. C'est le même principe. La justice, c'est tout croche. C'est tout croche. Mais de l'accepter, il y a comme des forces qui sont épouvantables pour continuer dans le même créneau, pour pas admettre l'erreur. Parce que justement, c'est pas juste une mini-erreur, c'est la possibilité que tout s'écroule. Et que ce soit un paquet de mini-erreurs qu'il faut combattre.
[00:53:42] Speaker A: Mais je pense même, je ferais le petit pas de dire, mais je pense même que c'est beaucoup inconscient pour la plupart des gens. C'est-à-dire que c'est des gens qui sont impliqués parce que les appareils, ça fonctionne parce qu'il y a des gens qui sont impliqués. C'est des personnes humaines.
Tu sais, quand on parle de l'appareil de l'État, c'est pour que l'appareil de l'État fonctionne, c'est qu'il faut des gens qui le fassent fonctionner. Et les gens qui le font fonctionner, ils ont chacun un travail à faire. Pour faire leur travail en toute bonne conscience, en toute satisfaction, peu importe leur motivation, il faut quand même qu'ils pensent qu'il y a une importance à ce qu'ils font. Je pense que la confiance même des gens qui sont partie prenante de l'institution, ne veut pas être ébranlé. C'est-à-dire que c'est tellement fort, on parlait la dernière fois à propos de Guillemot-Vilain, des biais cognitifs, puis de l'angoisse que ça peut créer, de te rendre compte que ce en quoi tu as toujours cru, c'était pas ça, finalement. Tu sais, de te remettre en cause tes croyances fondamentales, ça peut être tellement anxiogène que là, tu peux développer des tonnes de mécanismes pour pas que ça arrive.
[00:55:07] Speaker B: Oui, c'est ça. Des fois, même, c'est d'une grande créativité.
[00:55:10] Speaker A: Oui, oui. Dans le déni, puis dans le...
[00:55:14] Speaker B: Dans ne pas voir ce qui est...
Tu peux pas pas voir, mais...
Oui, puis d'une certaine façon, ça se déploie en ce moment aux États-Unis en lien avec le complexe militaro-industriel.
qui n'a pas commencé avec WikiLeaks en 2010, mais qui a participé. Parce qu'on aurait pu dire, bon, bien, ils ont découvert quelque chose. Ils ont découvert, en fait, qu'il y avait des soldats qui ont fait une bévue. C'est un truc très isolé. C'est grave pour les gens qui sont à l'autre bout des tirs, mais ça reste... Il y a un moment dans le temps, il y a cinq, six personnes qui se font tirer dessus avec des soldats qui disent, comme ils sont dans un jeu vidéo quasiment, Mais il aurait pu dire, OK, on va faire enquête, puis les gens seront punis, puis tout ça. Mais il y a toute l'idée de, mais il n'y a peut-être pas juste une erreur, il y en a peut-être un paquet, puis un va amener l'autre, puis l'autre, puis l'autre, puis à un moment donné même remettre en question la justification d'être allé en Irak.
[00:56:15] Speaker A: Au complet.
[00:56:17] Speaker B: Puis, tant qu'à faire, pas seulement en Irak, mais en Iran, puis au Vietnam, puis de tout faire écrouler, quand même un complexe.
[00:56:26] Speaker A: – Le récit national. – Oui, qui est incroyable.
[00:56:28] Speaker B: – Un complexe. – Oui, c'est ça. Et on peut penser qu'il y a de ça aussi contre quoi il faut s'opposer.
en attaquant la personne, en attaquant Wikileaks.
[00:56:39] Speaker A: Il n'a pas pris une cible, une petite cible. Non, c'est ça. C'est ça. C'est que pour que les conséquences soient aussi graves, les enjeux devaient être majeurs. Je pense que...
juste dans la suite de ce qu'il disait lui-même, c'est-à-dire que pour qu'on ait la motivation et l'énergie à mettre pour contrer le discours d'un seul individu ou la capacité de nuisance, du point de vue de ceux qui se trouvent à être dénoncés ou qui se trouvent à être condamnables d'après cette information-là, qu'on mette toute cette énergie-là pour écraser une seule personne, ça montre l'importance des enjeux qui sont soulevés. Puis oui, est-ce que les enjeux qui sont soulevés, c'est on risque de passer, nous, les Américains, au tribunal pénal international de la haie pour crime de guerre? Pas sûr que c'est ça, parce que c'est quoi la composition de ce tribunal?
Tu vois, déjà, ce tribunal-là, la crédibilité de ce tribunal-là se trouve interrogée par cet événement-là. Qu'on n'ait pas accusé ces gens-là de crimes de guerre, c'est quand même... Pourquoi? Ça pose la question.
mais la logique même de la guerre. Pourquoi on va en guerre? Et qui collabore à la fabrication des guerres? Et on le sait, et ça fait longtemps qu'on le sait, que les Américains sont des votes en guerre pour la domination du monde, l'hégémonie dans le monde. Je veux dire, ils créent des guerres dans tous les pays, ils mettent leur...
Tu sais?
[00:58:19] Speaker B: Mais ça fait longtemps qu'on le sait.
[00:58:20] Speaker A: Il y a une industrie, il y a...
Le complexe qu'on évoquait, c'est une industrie, en fait.
[00:58:30] Speaker B: C'est ça.
[00:58:30] Speaker A: Il y a des gens, des compagnies qui bénéficient du fait qu'on vote en guerre.
[00:58:35] Speaker B: C'est ça. Mais oui, sauf que, tu sais, comme on disait dans un autre podcast à un moment donné, tu sais, des gens vont se représenter ce qui se passe à l'intérieur d'un cadre, et ce cadre-là, disons, dirait, à l'intérieur d'un cadre qui dirait, Il y a les États-Unis, il y a des pays voyous. Est-ce qu'on essaie diplomatiquement de régler des choses? Est-ce qu'on intervient? Est-ce qu'on doit intervenir? Est-ce qu'on intervient de la bonne façon, avec assez de force, pas assez de force, trop vite, avec... de façon militaire, pas assez dans la diplomatie? Mais là, à l'intérieur de ça, il y a toute une discussion qui peut avoir lieu avec plein de gens qui ont différentes opinions des...
des colombes, puis des gens qui sont plus pro-guerre, tout ça. Mais la version que t'amènes de dire non, non, mais c'est pas la question de passer diplomatie à ces diplomaties. La question à côté, c'est qu'il y a une industrie qui bénéficie de ça puis qui veut y aller. Mais ça sort du cadre dans lequel la discussion est posée. Ça fait que c'est pas si simple, pareil, parce que...
T'as une dissonance cognitive pour quelqu'un si tu poses la problème en sortant du cadre dans lequel tu patauge depuis des fois 10, 15, 20, 30 ans avec la base que ce qui est sûr, c'est qu'on fait ça pour les bonnes raisons. On fait ça pour la démocratie. Après ça, est-ce que parfois on se trompe? Oui. Est-ce qu'on va trop vite? Tout est dans un cadre respectable pour l'institution.
Mais c'est vrai que si tu sors de ça et tu te dis mais la question est ailleurs, c'est pas trop rapidement vers les armes ou trop lentement, c'est nécessairement vers les armes parce que c'est une industrie, tu fais éclater les paramètres de la discussion.
Puis ça revient à ce que tu disais tantôt, c'est dur quand même.
[01:00:28] Speaker A: C'est insupportable. C'est insupportable.
[01:00:31] Speaker B: Ça prend du temps, puis en disant non, c'est pas vrai. Puis en plus, aux États-Unis, c'est que tout ça est emblué d'un nationalisme, puis d'une définition de ce que c'est être Américain, puis d'être patriote. Ça fait que c'est dur de chiquer ça.
[01:00:48] Speaker A: Il y a une citation, Paul Valéry, c'est un auteur français que j'apprécie beaucoup, entre autres pour ses petites réflexions. En passant, il y a des carnets qui disaient, parmi dans ces carnets, une des choses suivantes, c'était la guerre, c'est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent, mais ne se massacrent pas. C'est là que Julian Assange est allé mettre le doigt.
où il aurait peut-être mieux aimé ne pas le mettre s'il y avait à cœur sa santé mentale et sa propre vie.
Il est allé mettre le doigt sur pas juste des choses qui concernent le complexe militaro-industriel américain, tout le fonctionnement de l'appareil à fabriquer des illusions américaines, dont l'appareil politique, parce que là, il est allé se mêler de la campagne du Parti démocratique qui se fait faussement passer pour un parti de gauche. Sauf respect, là. C'est pas mon pays.
J'ai le droit d'observer que c'est pas un parti de gauche, c'est un parti de... C'est comme le Parti libéral ici. C'est comme si on disait que le Parti libéral était de gauche. Non, c'est un parti d'establishment, en fait. Ça fait qu'on alterne. Les Républicains et les Démocrates, c'est deux gangs différentes, mais en fait, ils font la même chose.
avec les mêmes objectifs, parce qu'ils sont alliés aux mêmes personnes, et que l'économie américaine roule dans une certaine logique qui bénéficie à certains en utilisant d'autres, en fait. Tu sais, il y a l'expression « il ne faut pas tirer sur le messager », qu'on attribue peut-être à tort à...
l'anglais américain, « Don't shoot the messenger », en fait, ça remonte à Sophocle, puis à Antigone. L'idée que le messager... En fait, l'histoire d'Antigone, rapidement, c'est l'histoire de la fille d'Édipe qui ne peut pas tolérer que son frère Polynis n'ait pas de sépulture après avoir été tué par son autre frère Éthéocle.
si je me souviens bien, et qui, malgré les ordres de l'oncle qui est le souverain du royaume, l'oncle Créon, malgré ses ordres formels, décide, peu importe ce que ça va lui coûter, de donner une sépulture à son frère, donc elle va l'enterrer avec ses mains. En tout cas, c'est une tragédie qui a été reprise plusieurs fois.
dont par Lacan, entre autres, comme illustration de la question de l'éthique, dont j'imagine et j'espère qu'on va parler à un moment donné. Qu'est-ce que c'est que l'éthique, qui n'est pas la déontologie, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas dans le même registre, à mon avis.
Mais dans le Antigone de Sophocle, le messager donc vient dire à Créon que Polynèse a eu une sépulture, a été enterrée. Et dans son propos, le messager dit, mais en fait, c'est très funeste, exactement les mots, je me souviens pas, mais c'est le messager s'expose du fait d'annoncer une mauvaise nouvelle au souverain.
Et de là a découlé, Shakespeare a une citation qui ressemble, l'idée que d'être porteur de mauvaise nouvelle, c'est de s'exposer au courroux de la personne à qui on l'annonce et des conséquences de ce courroux-là.
Je trouvais ça intéressant parce qu'à sens, si c'est quelque chose, c'est que c'est le messager en fait. La question d'annoncer au monde que le souverain, qui est ici en l'occurrence l'État américain, au complet, militairement parlant, politiquement parlant, puisqu'il a exposé Hillary Clinton pour les tractations qu'elle faisait pour accéder au pouvoir de la plus grande puissance qui n'ait jamais existé au monde, pour avoir énoncé La vérité, c'est tout en fait. Il n'y a personne qui est allé dire, mais non, mais il n'a pas dit la vérité, mais non, mais ce n'est pas vrai. Ce qu'on a dit, c'est mon Dieu. Ce qu'il dit, ça met en danger.
[01:05:59] Speaker B: En fait, il ne dit même pas, il révèle.
[01:06:05] Speaker A: Oui, c'est ça. Il n'invente rien. Il n'y a personne qui l'a accusé d'inventer quoi que ce soit, de manigancer quoi que ce soit non plus.
Donc, on reconnaît qu'il a révélé quelque chose de vrai, et c'est pour ça qu'il doit payer.
[01:06:21] Speaker B: Oui, oui. Non, non, mais c'est pour ça que lors de sa libération récente, dans les tractations, puis la diplomatique, puis la recherche d'un accord, il a dû plaider coupable à un chef d'accusation d'espionnage.
Mais quand même qu'il crée un précédent, parce que si les journalistes Tu sais, si on ouvre la porte à ce qu'à chaque fois qu'un journaliste fait enquête, on dise « Ouais, mais là, dans ton enquête, tu révèles des secrets.
[01:06:51] Speaker A: » T'es un espion. T'es un espion. T'es un espion pour Poutine. Oui.
Ou pour la Chine, oui.
[01:06:55] Speaker B: Ça crée quand même un précédent qui n'est pas anodin.
[01:07:00] Speaker A: C'est qu'il faut faire un exemple de lui, exactement. Là, on a essayé de faire un exemple de lui. Ça a peut-être fonctionné parce que c'est peut-être pas anodin. J'ai insisté au début pour dire que l'environnement, Internet, Google et YouTube et Twitter et compagnie, et pas aujourd'hui ce qu'il était en 2010 et ne permettrait probablement pas aujourd'hui ce qu'il a contribué à permettre en 2010. Je pense en particulier, peut-être 2010, 2011, 2012, en particulier à la révolution égyptienne.
Mais il y a d'autres choses, énormément de choses qui se passaient à ce moment-là. Edward Snowden aussi a diffusé sur Internet, il le savait lui aussi que c'était au péril de sa vie. Il s'est poussé, il a pensé à sa sortie. Il y a lui aussi, dont ça vaudrait la peine de parler, qui est un autre messager.
Et à 100, j'étais dans cette mouvance-là. Aujourd'hui, l'Internet, je m'excuse, en tout respect pour tout un chacun. Google, et puis mon ami, quand je cherche sur Google, c'est plus du tout la même chose aujourd'hui que quand je cherchais sur Google avant.
[01:08:18] Speaker B: Non, c'est vrai que ça a beaucoup changé. Ça a complètement beaucoup changé. Il y a 15 ans, c'était encore des grands idéaux d'avoir Internet comme étant une plateforme complètement éclectique, sans aucun...
droit de regard de personne et que ça faisait partie de Wikileaks aussi, le fait d'avoir plein de sites miroirs qui fait que si à un moment donné il était obligé d'en fermer un, il y en a six qui ouvraient un peu partout, dans des juridictions différentes. Donc ça faisait partie du plan, il n'y avait pas moyen vraiment d'y relier à un endroit, à une personne, c'était distribué partout, c'était le libre.
C'est la liberté.
[01:08:57] Speaker A: L'autoroute de l'information.
[01:08:58] Speaker B: Oui, et à révéler des choses. Tu as raison de le souligner. Le propos n'a jamais été est-ce que les papiers qui ont été révélés étaient inventés ou faux ou des contrefabrications.
L'enjeu, c'est toujours, est-ce que ces secrets-là peuvent être dévoilés? Puis eux, ils disent, bien, le reproche qu'on nous fait que ça met en péril la vie de gens, c'est une certaine personne, le nom de gens qui sont dévoilés, bien, qui sont ces gens? Parce qu'on le dit comme une pétition de principe, mais il n'y a jamais personne qui a dit, bien, c'était moi, voici ce que j'ai subi. Fait que c'est effectivement pas simple.
[01:09:35] Speaker A: Puis aussi, c'est...
La question de l'éthique, c'est aussi lié à la question de la presse libre, la liberté de la presse. On nous dit en ce moment que, bon, bien, à cause de Facebook et de Google et de machin, de YouTube et de toute la soi-disant désinformation qui circule et des intérêts étrangers qui voudraient intervenir pour faire leur propagande, sur les réseaux, etc., il faut absolument financer une presse libre. Une presse libre qui serait financée par l'État, en fait, parce qu'en ce moment ici, on ne peut pas diffuser Quand on est Journal de Montréal ou Le Devoir, on peut pas diffuser l'information comme ça sur les réseaux parce qu'il y a des enjeux entre le gouvernement puis les GAFAM, les gros conglomérats Internet. Donc, il faudrait financer la presse pour qu'elle continue à pouvoir nous fournir l'information dont on a besoin dans une démocratie.
Puis en même temps, ces gaffes-femmes-là ont comme travaillé, il me semble, à infléchir la liberté de circulation de l'information sous toutes sortes de prétextes, c'est-à-dire que l'information qu'on a en premier, c'est celle qui est payée le plus cher.
pour vrai, t'sais. Si je google n'importe quoi, les 10 premières affaires qui m'apparaissent, c'est sponsorisé, puis on me le dit même pas, t'sais. Ça prend du temps, maintenant, avant que je trouve ce que je cherche. Il faut que je me rende à la page 12. Puis encore, si je trouve quelque chose, je suis même plus sûre si c'est vrai, déjà, t'sais. Là, là, il y a comme une crise de la presse.
qui s'est comme vraiment accentuée entre 2010 et 2024. En 2010, tout le monde embarquait sur l'autoroute de l'information et puis un journaliste avait équivalent de voix à quelqu'un qui est un organisateur de la révolution sur la place Tahir en Égypte. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
Mais là, qui a le pouvoir de circulation de l'information? Qui détient l'information? Je pense que Wikileaks, le sort de Julian Assange, est vraiment central à nous permettre de comprendre, c'est-à-dire qui nous informe, à quel sujet, puis de quoi, en ce moment, aujourd'hui, maintenant.
[01:12:27] Speaker B: Cela dit, est-ce que tu crois qu'il va être capable, ta prédiction serait-ce qu'il va être capable de poursuivre et de rebondir où il a été entre guillemets « blisé » et sa carrière de révélateur, de secret d'État est derrière lui?
[01:12:49] Speaker A: Il y a vraiment longtemps, j'ai vu un documentaire sur les perroquets. C'était vraiment un beau documentaire. Il faudrait que je le retrouve un jour parce que ça m'avait vraiment bouleversée. Tu sais que les perroquets, c'est des animaux très sociaux qui vivent longtemps, mais qui ne vivent pas tout seuls. Puis quand on acquiert un perroquet, Pour le perroquet, c'est pour la vie. On devient sa personne. Quand un perroquet n'est pas en interaction avec un autre, avec sa personne, il peut devenir fou. Il y a des gens qui achètent des perroquets, puis qui les mettent en cage, puis qui ne jasent pas avec eux, puis qui n'ont pas d'interaction avec eux, puis qui peuvent rendre les perroquets fous.
Et parmi ces perroquets devenus fous, c'est-à-dire ils s'arrachent les plumes, on ne peut plus communiquer avec eux, ils ne sont plus en interaction, c'est presque une forme d'autisme de perroquets, il arrive qu'ils ne soient plus réhabilitables.
L'isolement, ça rend réellement fou dans un sens vraiment fondamental. Je pense que si c'est vrai pour un perroquet, ça peut être d'autant plus vrai pour un être humain, tu sais. C'est une forme de torture. Il a vécu de la torture, le gars.
[01:14:27] Speaker B: Et on ne sait pas comment... sans doute, mais on n'en a pas encore... Il n'y a pas encore fait d'entrevue depuis qu'il est sorti il y a quelques jours. Mais donc, on ne sait pas le dernier cinq ans en prison dans un...
endroit très fermé a été subi, a été vécu. Ce qui donnerait quand même un peu d'espoir de ce qui précède son arrivée en prison, mais c'est quand même 4-5 ans en prison. Pour moi, c'est le fait qu'à l'ambassade, malgré tout, malgré vivre dans 330 pieds carrés, il y a quand même eu deux enfants.
[01:15:01] Speaker A: Oui, c'est vrai. Oui, c'est vrai.
[01:15:04] Speaker B: Indique une certaine capacité de se projeter dans l'avenir, puis de vouloir... Tu sais, c'est pas évident que dans ce contexte-là, il y aurait fondé une famille. Donc, il y a deux enfants de 5 ans et 7 ans. Il y en a un qui est né en 2017, un qui est né en 2019. Donc, 2019, c'est juste avant qu'il soit emprisonné. Donc, il a vu ses enfants en prison. Il les a jamais vus libres, donc c'est tout récent.
On va voir un peu. Pour moi, ça, c'est significatif. Par contre, là, le 4 ans de prison, qu'est-ce qu'il va y avoir, une première entrevue? On va le voir assez rapidement, en fait, par le ton. En fait, s'il y a une entrevue.