Conversations avec Dr Deumié: 2. Parcours

Episode 79 April 27, 2024 01:22:06
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Apr 27 2024 | 01:22:06

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D'une formation française à une pratique québécoise, entre former et enseigner, le Dr Louis Deumié raconte son parcours et compare le monde d'où il vient du monde où il vit.

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[00:00:01] Speaker A: D'Une formation française à une pratique québécoise, entre soigné et enseigné. Conversation avec le Dr Demiers, deuxième partie. Vous avez eu une très, très longue carrière et vous avez fait beaucoup, beaucoup de choses. J'imagine qu'à travers tout ça, il y a des choses que vous avez retenues plus que d'autres. [00:00:36] Speaker B: En fait, je pense qu'il y a eu une espèce d'antinomie entre la dimension de la carrière professionnelle, et la dimension de service aux patients. [00:00:58] Speaker A: Oui. [00:01:00] Speaker B: J'ai, par exemple, fait des articles, mais je n'en ai jamais fait la promotion. J'ai eu, on pourrait dire, soit une déconvenue, soit une mauvaise information, en fait. Quand je suis venu au Québec, c'était donc à la suite du fait que des Canadiens, des Québécois, étaient venus former le personnel de l'hôpital privé où je travaillais. Ils étaient venus donc former ce personnel en thérapie familiale systémique. [00:01:42] Speaker A: Donc ça c'était en France où vous avez fondé un hôpital psychiatrique privé d'une cinquantaine de lits. [00:01:52] Speaker B: C'est ça. [00:01:54] Speaker A: Avec une approche... [00:01:56] Speaker B: Psychothérapie institutionnelle. [00:01:58] Speaker A: Voilà. [00:01:59] Speaker B: Et c'était donc une institution où nous faisions un travail d'avant-garde en ce sens que, par exemple, tout le personnel de la clinique, de l'hôpital privé, était formée en thérapie systémique, qu'il s'agisse du balayeur ou du directeur de l'hôpital privé. Et tout le personnel participait au traitement. C'est ça, la thérapie institutionnelle. Et donc, ces Canadiens qui étaient Jacqueline Prud'homme et Frédéric Labelle ont vu le travail qu'on faisait et m'ont proposé de venir au Québec étant entendu que c'était en rapport avec mes façons de faire, enfin, de ma pratique. Et c'était sous-entendu, donc, que je puisse un petit peu faire la même chose, qui était un travail d'avant-garde, que je puisse faire la même chose ici. Or, ça ne s'est pas passé du tout comme ça. [00:02:59] Speaker C: Je suis venu ici, à l'hôpital Douglas. [00:03:03] Speaker B: Donc c'est le Douglas et l'université McGill qui m'ont recruté. Et ce que j'ai trouvé sur place n'a absolument pas permis que je puisse faire ici la même chose que je faisais en France. Donc je vous disais qu'il y a eu une sorte d'ambiguïté quand je suis arrivé ici. Avant de me recruter, on m'a demandé mon curriculum évidemment. Et je m'attendais à ce que ce qui figurait dans le curriculum serve de base à ce qu'on me demande d'enseigner. Ni l'université McGill, ni par la suite l'université de Montréal ne m'ont jamais demandé quoi que ce soit en rapport avec mon CV. c'est-à-dire en rapport avec ma spécialité. Donc, ce que je disais, c'est qu'effectivement, je n'ai jamais eu la capacité à promouvoir ma carrière en ce sens que moi, j'attendais qu'on me demande de faire des choses. Et manifestement, dans notre univers nord-américain, On s'attend plutôt à ce que ce soit l'individu qui fasse un peu lui-même sa promotion, qui se vende. C'est un terme qui est bien connu, je pense, un savoir se vendre. Et manifestement, je n'ai pas su me vendre et je n'ai pas su vendre mes idées non plus, puisqu'elles n'ont absolument pas été accueillies nulle part. [00:04:39] Speaker A: Mais vous avez fondé un hôpital de jour ici. [00:04:43] Speaker B: Oui. [00:04:44] Speaker A: Et vous avez fondé l'association des hôpitaux de jour. [00:04:47] Speaker C: Absolument. [00:04:48] Speaker A: Est-ce que c'était dans cet esprit-là pour mettre à profit votre expérience ? [00:04:55] Speaker B: À l'hôpital de jour, effectivement, j'ai mis... J'étais chef de département, donc je faisais en principe un petit peu ce que je voulais. [00:05:05] Speaker A: Oui. [00:05:07] Speaker B: En tout cas, en partie, on va dire, compte tenu des budgets et tout ça. Mais j'ai mis certainement en action certaines de mes idées. Par exemple, j'avais le principe que les patients ne devaient pas être, à l'hôpital de jour, catégorisés en spécialité. en particularité clinique, mettons plutôt. Pour moi, à l'hôpital de jour, des psychotiques devraient pouvoir interagir avec des névrosés et inversement. Donc, l'hôpital de jour recevait en même temps tout le monde. Quand je n'ai plus été responsable de l'hôpital de jour, c'est parce qu'il s'est passé tout de suite, on a divisé les patients en patient psychotique, patient ceci, patient cela, voyez-vous. Ça n'a pas respecté du tout l'idée de départ que j'avais pour l'hôpital de jour. J'ai beaucoup mis en oeuvre aussi la participation des parents. Et même que je ne me trompe, au moins pour une patiente, J'ai pu faire participer la famille à des packings, des enveloppements humides, à l'Hôtel Dieu de Montréal. [00:06:40] Speaker A: Oui ? Alors donc, est-ce que vous pouvez parler de cette expertise-là que vous avez développée en France à l'hôpital que vous avez fondé et que vous n'avez pas pu nécessairement transférer entièrement ici, qui implique, qui inclut cette technique-là du packing et de l'implication de la famille dans le traitement des personnes? [00:07:04] Speaker B: Si on parle du packing, il y a une émission de télévision qui a. [00:07:11] Speaker C: Été faite. [00:07:13] Speaker B: Là-dessus, c'était mes débuts à l'Hôtel Dieu, je pense. C'était le docteur Stipp qui était à l'époque résident dans mon service. qui avait des connexions dans les médias et qui a suggéré donc que ça puisse passer à la télévision. Il y a eu effectivement une émission qui a été faite sur le packing à l'hôtel Dieu. [00:07:43] Speaker A: Une émission de points. Oui. [00:07:46] Speaker B: En fait, comme je le dis dans des articles que j'ai écrits là-dessus, le packing, c'est un enveloppement humide. où le patient, une fois enveloppé, peut percevoir les limites de son corps. Le psychotique, souvent, n'a pas une idée très précise des limites de son corps. Il est morcelé, comme on dit, le terme consacré, le morcellement du psychotique. Et l'idée du packing, c'est en l'entourant de façon très serrée avec des draps humides, qu'il puisse percevoir diverses sensations tactiles et globalement l'unité de son corps. L'autre avantage que ça a, c'est de mettre à la disposition du patient pendant une heure des soignants. Parce que le psychotique, comme bien souvent, il n'a pas grand chose à dire, on passe rapidement auprès de lui. On recueille les symptômes et puis il n'y a pas beaucoup de recherche psychopathogénique de savoir comment il fonctionne, qu'est-ce qui se passe en profondeur. Quand on est pendant une heure auprès du patient, on lui consacre tout ce temps et il y a plus de chance qu'il puisse y avoir une interaction que si on passe cinq minutes avec lui. Et donc, il y a ces deux avantages du packing. C'est donc de percevoir l'unité du corps, de percevoir les sensations, parce que non seulement il est enveloppé, mais il est frotté, etc. pour le réchauffer. Et la deuxième chose, c'est qu'on est à sa disposition pendant une heure. C'est sûr qu'avec les budgets de la santé publique, mobiliser des gens pendant... Il y a le psychiatre, il y a l'infirmière, ça fait du personnel à consacrer au patient. C'est pas toujours facile à mettre en oeuvre. [00:10:09] Speaker A: Vous avez suivi votre formation, commencé votre carrière à l'époque où l'antipsychiatrie battait son plein, non? Vous avez... Vous avez eu des échos de ça, j'imagine. Oui, certainement. Beaucoup de psychiatres essayaient justement, essayaient des nouvelles approches, la thérapie institutionnelle, la milieu-thérapie. Et puis, il y a eu un changement. À un moment donné, est-ce qu'on peut dire dans les années 80, où on dirait que les choses se sont resserrées, quand vous êtes venu ici, vous êtes parti de l'hôpital, vous avez appliqué cette technique-là une fois, dites-vous, ici, avec un patient, mais la difficulté... Ah non, les. [00:11:01] Speaker B: Packing, j'en ai fait plusieurs. [00:11:03] Speaker A: Ici? Oui, oui, absolument. [00:11:05] Speaker B: Ah oui, ah oui? [00:11:08] Speaker A: Non. [00:11:08] Speaker B: En fait, en 1985, quand j'ai quitté Pinel, J'ai été recruté par le docteur Jean-Pierre Lausson, à l'Hôtel-Dieu, qui était chef du département. C'était un Français. Et donc qui était sensible et informé de la façon globalement dont la psychiatrie était exercée en France. Et avec lui, je faisais ce que je voulais. Et lui, il avait effectivement pris en compte mon CV et il savait comment je travaillais. Donc lui, il savait ce qui allait se passer et donc j'avais un petit peu carte blanche pour faire ce que je voulais à l'Hôtel Dieu au niveau thérapeutique. Donc effectivement, je fais souvent des packings. [00:12:02] Speaker A: Ah oui. [00:12:02] Speaker B: Oui. Et au niveau de la participation des parents, il était très favorable également à ça. J'ai eu absolument aucune limitation venant de sa part. Par la suite, je suis devenu chef du département de psychiatrie de l'Hôtel-Dieu. Là aussi, j'ai eu une certaine liberté d'action. et j'ai eu une collaboration parfaite de la part des infirmières, du personnel infirmier du département de psychiatrie de l'Hôtel-Dieu. Je pense que le personnel était certainement plus ouvert à des choses nouvelles que les collègues psychiatres. [00:12:46] Speaker A: Ah oui. [00:12:49] Speaker B: J'ai pu constater cela autant au Douglas qu'à l'Hôtel-Dieu. de la part du personnel, j'ai... Sauf à Pinel, où il y a eu un petit peu des réticences. C'est sûr que c'est un peu particulier. Mais à Douglas, de la part des infirmiers, j'ai pas eu de problème non plus. [00:13:13] Speaker A: Vous disiez tantôt qu'en fait, il y a eu une sorte de malentendu. Vous faites une distinction entre le soin au patient et la carrière, c'est-à-dire le rayonnement professionnel. Est-ce qu'on peut... Et qu'il y a eu un malentendu quand vous avez quitté la France pour venir ici. Quant à ce que vous alliez pouvoir proposer et comment vous alliez pouvoir mettre à profit ce que vous aviez enseigné en France à des Québécois qui vous ont recruté, qui vous ont évité à venir le faire ici? [00:13:53] Speaker B: C'est ce qu'ils ont vu, en tout cas. Je n'ai pas vraiment enseigné. C'est eux qui venaient enseigner notre équipe en thérapie familiale systémique. [00:14:02] Speaker A: Ah, eux venaient ? Oui. [00:14:05] Speaker B: Frédéric Labelle et Jacqueline Prudhomme sont venus former l'équipe de l'Institut psychothérapique du Parc de la Ménantière en thérapie familiale systémique. Ils ont observé comment on travaillait et c'est comme ça qu'ils m'ont proposé de venir avec sous-entendu l'idée de faire la même chose au Québec. [00:14:27] Speaker A: Et ça ne s'est pas vraiment passé comme ça. Vous avez un peu erré pendant un certain temps, si j'ai bien compris, entre l'hôpital Douglas, l'hôpital Pinel, l'Institut Philippe Pinel, avant d'arriver à l'Hôtel-Dieu. Il y a eu comme ce que vous souhaitiez mettre en place. Ce n'était pas ce qu'on vous demandait nécessairement. [00:14:52] Speaker B: En fait, on ne me demandait rien. C'est ça le plus embêtant. Je pense que des personnes qui... Jacqueline Prudhomme et Frédéric Lamelle, qui ont constaté le travail qu'on faisait en France et qui ont pensé que je pouvais faire bénéficier de ces avancées-là au Québec, il y a eu un hiatus entre elles et les hôpitaux qui m'ont recruté. En fait, réflexion faite, les hôpitaux et l'université de McGill m'ont recruté parce qu'il manquait de psychiatres. Ils n'en avaient rien à cirer de ce que je faisais au niveau thérapeutique. C'est ça mon analyse a posteriori. J'ai quand même mis en place des choses. Comme je vous dis, j'ai eu la collaboration des infirmières au Douglas. J'ai mis en place, pas tout à fait un système institutionnel, c'était impossible, mais des rouages institutionnels. Par exemple, des réunions de patients qui ne se faisaient pas. Par exemple, des entretiens entre infirmières et patients en individuel, ça ne se faisait pas. Et ça a si bien été pris en compte que quand j'ai quitté le Douglas, ils ont recruté l'hôpital, en tout cas l'unité où je travaillais, a recruté le docteur Bigra en tant que superviseur. Bigra était psychanalyste lacanien. Ils l'ont recruté en tant que superviseur pour en quelque sorte me remplacer dans certaines choses que je faisais. Donc j'ai quand même mis en place des choses. Ce n'était pas tout ce que j'aurais souhaité. Mais au niveau de l'enseignement, l'université McGill a estimé que l'enseignement que j'apportais, ça ne les intéressait pas. C'était aussi l'époque où la loi québécoise empêchait les nouveaux psychiatres de s'installer à Montréal, sauf s'ils avaient un poste de professeur. Et comme moi, j'occupais un poste de professeur, et que McGill avait ses poulets à placer, bien, on m'a un petit peu signifié que, ma foi, l'enseignement que je donnais n'était pas indispensable à l'Université McGill. Et c'est comme ça que j'en suis parti. Mais j'ai quand même mis des choses. [00:17:41] Speaker C: En place au Douglas. [00:17:45] Speaker A: Vous l'interprétez comment, en fait? Parce qu'on commençait au début de notre discussion, on évoquait peut-être une différence dans la perspective entre le système judiciaire français pour traiter, par exemple, une affaire criminelle comme celle du docteur Turcotte et le système québécois. Là, vous avez aussi le clash, est-ce qu'on peut dire ça, entre toute votre formation en France et ce que vous découvrez ici, ce que vous enseignez et comment vous avez le sentiment qu'on vous dit, bien, en fait, c'est pas indispensable et c'est pas comme ça qu'on veut fonctionner, en fait, à McGill. Est-ce qu'il y a un problème culturel ? [00:18:35] Speaker B: Non, je pense que c'est plus qu'un problème culturel. On était dans deux mondes différents, au niveau de la psychiatrie. Le Douglas ne savait même pas ce que c'était. Les thérapies institutionnelles, ça n'existait pas. Comme je vous dis, c'était des mondes différents. C'était un système plutôt asilaire typique à l'époque où je suis venu. Et donc, comme je vous dis, les infirmières n'étaient pas très proches des patients. C'était des soins, comment dirais-je, classiques, on va dire. [00:19:19] Speaker A: Et en fait, ce que vous disiez aussi, c'est qu'il y avait une ouverture quand même davantage du côté des infirmières, du personnel non psychiatre, en même temps que pour enseigner... [00:19:34] Speaker B: Le patron qui était René Deschamps, je pense qu'il avait quand même lu mon CV. [00:19:42] Speaker A: Oui. [00:19:43] Speaker B: Et il m'a laissé faire dans mon unité. [00:19:47] Speaker A: Oui. [00:19:48] Speaker B: J'ai jamais eu d'obstacle à créer les réunions. Enfin, donc, un certain nombre de rouages institutionnels, j'ai pas eu d'obstacle de sa part. Et c'est de McGill que m'est venue l'opposition. Parce que l'enseignement basé sur la psychanalyse lacanienne, c'était inconnu à McGill. Et donc, à la faveur du fait qu'ils avaient besoin de mon poste, Ils n'ont pas vu que j'étais indispensable. Il faut dire aussi que je suis arrivé ici avec un permis restrictif. Je n'ai jamais vu l'utilité de passer des examens parce que j'avais un titre professoral et il y avait un manque de psychiatre. Je n'ai jamais vu l'utilité d'aller passer des examens du Collège Royal et puis tout ça, d'autant plus que Ça demandait de consacrer beaucoup de temps à la préparation de ces examens. Nous, en Europe, on n'était pas formés aux questions à choix multiples pendant les examens. [00:20:58] Speaker C: Et il fallait... [00:21:00] Speaker B: C'était connu qu'il fallait un minimum de trois mois à faire des allées et venues à Ottawa. C'était même pas sûr en Montréal. Il fallait aller à Ottawa pour faire la préparation aux examens. Et moi, je ne me voyais pas sous-tirer trois mois d'exercice professionnel aux patients. Il y avait tellement de besoins au niveau des patients, et c'est là aussi où je vous signalais... Cette ambiguïté entre la carrière et puis, pas ambiguïté, mais une contradiction carrément entre la carrière et le soin au patient. Je voyais plus d'intérêt au soin au patient qu'à ma propre carrière. On va dire que le temps consacré à la carrière, c'est quand même du temps en moins pour les patients. Sans aucun jugement de valeur. Il faut bien des gens qui soient professeurs. Si ça avantage leur carrière, tant mieux. [00:21:59] Speaker A: Est-ce qu'il y a... C'est quelque chose qu'on a chez les psychologues, c'est que les gens qui obtiennent des postes maintenant, ce qui n'était pas nécessairement le cas, disons, dans les années 80 ou début 90, maintenant, les gens qui ont des postes d'enseignement sont tous d'abord docteurs PhD en psychologie. C'était pas nécessairement le cas. À l'ouverture de l'UQAM, certains profs sont devenus profs avec une maîtrise en psychologie, mais c'est des praticiens. Là, on devient prof d'abord, il y a toute cette logique-là, obtenir son doctorat, soutenir, donc faire une recherche, diffuser les résultats de ses travaux de recherche. Et là, on entre dans une compétition pour des postes prestigieux à vie qui ne mettent pas nécessairement... Une compétition où la pratique clinique n'est pas nécessairement mise en valeur. Et finalement, ceux qui enseignent, ce n'est pas les cliniciens. Rarement. Alors là, il y a ce... Il y a tous, il me semble. Puis les cliniciens, on leur enseigne aussi à eux, via la formation continue, mais l'inverse, c'est pas nécessairement vrai. C'est-à-dire les enseignements ou les réflexions qui viennent de la clinique, un à un, individuels, un à un, pas de la clinique sur des échantillons larges. C'est difficile à diffuser. Vous avez ça donc en psychiatrie aussi, c'est-à-dire, il y a les psychiatres administrateurs, les psychiatres présidents d'associations de psychiatres, les psychiatres... comment je pourrais dire... politiciens, si on peut dire d'entendre, les psychiatres enseignants, et là, les psychiatres praticiens, c'est les mêmes. [00:24:10] Speaker B: Il y a certainement un peu une antinomie, je dirais. Je ne sais pas si dans d'autres domaines c'est la même chose. Mais le fait d'avoir une carrière universitaire, J'ai l'impression quand même, c'est un peu ce que vous sous-entendez, j'ai l'impression que ça fait un peu ombrage à la pratique, je vais dire ça carrément. Le travail clinique répercuté au niveau de l'enseignement passe par un cheminement qui certainement sous-entend des accommodements. Autrement dit, Quand on fait une carrière dans le domaine médical, j'ai l'impression qu'il y a probablement des facteurs qui ne sont pas strictement liés à la pratique qui interviennent. Les sujets de recherche, souvent, il faut que ce soit des sujets de recherche à la mode. [00:25:21] Speaker A: Pour être subventionné. Oui. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait quelqu'un qui est intéressé par le sujet de recherche. Oui. [00:25:27] Speaker B: Donc, au départ, il y a des biais un petit peu. Est-ce que Quelqu'un qui proposerait une recherche à partir de ce qu'il a observé dans sa pratique aurait automatiquement une oreille favorable pour les subventionnaires. Ce n'est pas sûr. Il faut que la recherche aille dans le sens de la mode, de l'intérêt. [00:25:53] Speaker A: On voit des fois dans des revues médicales, des articles comme « nous vous soumettons des observations sur un cas de peu importe, cancer, ceci, avec tel particulier, un cas singulier, un cas particulier, quelque chose d'inusité, quelque chose d'individuel, de différent, que nous vous soumettons, à vous les médecins qui nous lisez, les spécialistes du domaine, Ce qu'il n'y a pas nécessairement, à moins que je me trompe, en psychiatrie, qu'il n'y a certainement pas en psychologie. Nous vous soumettons, comme Freud faisait. Alors, bon, bien, moi, j'ai rencontré telle jeune patiente, elle m'a dit ceci, je lui ai répondu cela. Finalement, voici pourquoi est-ce que la psychanalyse a raté. Puis après, bon, bien, peut-être qu'elle a raté pour une autre... Tu sais, des corrections et des recorrections. mes réflexions à partir d'un corps, on dirait que là, c'est plus... Il y a plus preneur pour des choses comme ça dans le monde psy. Est-ce que je... Tentative psychothérapique comme... avec une personne est à limite. Est-ce que c'est quelque chose qui est publiable aujourd'hui? [00:27:23] Speaker B: Par exemple, si on va dans le domaine des publications, il y a un tel formalisme que ça limite, voire même ça annule carrément toute tentative de partir d'un cas, par exemple. C'est ce que vous dites. D'ailleurs, ce formalisme carrément, peu de temps après mon arrivée au Québec, j'ai cessé de publier. Et ce n'est pas faute d'avoir fait des observations sur le terrain. C'est que ce formalisme, d'une part, je n'étais pas formé à la recherche, comme ça se fait de façon vraiment très organisée. [00:28:15] Speaker C: Et d'autre part, Il y avait trop. [00:28:21] Speaker B: De conditions pour ce formalisme. Donc je me suis contenté de mon travail de praticien et les observations que je faisais n'ont pas échappé à mon esprit scientifique. C'était toujours la base d'une réflexion, mais qui n'était pas communicable. De façon simple, il aurait fallu que je me moule dans le moule nord-américain pour pouvoir communiquer, envoyer ça à une revue qui acceptera de publier. On me dirait toujours, il manque ceci ou cela. J'ai d'ailleurs essayé de faire une recherche officielle, vous avez dû voir ça dans mon CV, à propos des hôpitaux de jour. Et pour cela, j'ai recruté un psychologue en partant de l'idée qu'il avait une formation en recherche et tout ça. Et lorsque j'ai présenté ça. [00:29:22] Speaker A: Il y. [00:29:22] Speaker B: A un organisme québécois qui s'occupe des recherches, je ne me souviens plus exactement. FRSQ, est-ce que c'est ça? [00:29:30] Speaker A: Oui, Fonds de recherche en santé du Québec. [00:29:36] Speaker B: Le projet de recherche m'est revenu avec des observations que je n'étais pas en mesure de mettre en œuvre. Et entre temps, le psychologue que j'avais recruté n'était plus à l'Hôtel Dieu, donc ça a fini, ça s'est terminé comme ça. Ça n'est jamais allé plus loin, la tentative de faire part de cette recherche concernant les hôpitaux de jour. Donc, effectivement, si on revient à mon expérience au passage de l'expérience française à l'expérience canadienne, j'ai été un porte-à-faux. Et donc ma carrière universitaire, je ne me tenais pas vraiment à cœur de monter en grade par le biais de publications officielles et tout ça. [00:31:11] Speaker C: En fait, il m'est venu une idée. Là, je vais complètement à côté, mais après tout, c'est un podcast. [00:31:17] Speaker A: Mais oui, exactement. [00:31:20] Speaker C: Quand je relisais mon CV, puisqu'il me faut quand même des bases, ce qui me paraissait quand même assez original, surtout, Quand je vois en quoi consiste la formation des jeunes psychiatres maintenant, puisque j'ai un exemple sous les yeux, ma fille qui va terminer sa psychiatrie, quand je compare, je prends conscience du fait que Quand je faisais mes études de psychiatrie, premièrement, j'avais une grosse responsabilité clinique. J'étais interne dans un hôpital. À l'époque, on vivait dans l'hôpital. Quand ma fille me disait que 6 patients, c'était une énorme charge de travail, je lui ai fait la réflexion. Mais moi, j'étais responsable de 125 patients. C'était à l'hôpital de Sainte-James-sur-Loire. Ma patronne avait des rhumatismes épouvantables. Elle arrivait à se lever à peine vers midi. Elle venait faire un tour dans le service et à une heure, deux heures, elle rentrait chez elle. C'est tout ce qu'elle pouvait faire. Tout le reste du temps, c'était moi qui étais présent. J'étais seul. l'équivalent des résidents, j'étais seul interne, responsable en somme des 125 patients. 125 patients. Alors quand ma fille me parle de 6 patients, je dois me raisonner en me disant on n'est plus en 1974 et puis c'est pas le même contexte. L'autre chose, c'est quand je regardais mon CV, je vois tout ce que j'ai pu faire que les jeunes psychiatres ne peuvent pas faire ici, par exemple. En tout début de mon internat, j'ai fait de la médecine préventive infantile et on pouvait faire ça. J'allais dans un camion, un énorme camion, ou dans des pas en ville. J'habitais à Angers à cette époque-là. C'était dans les entourages des communes environnantes d'Angers, à peut-être 30-40 kilomètres d'Angers. On passait dans des campagnes avec le camion. et en donnait des services aux gens, aux campagnards, aux agriculteurs. On examinait les enfants de ces gens-là en médecine préventive. [00:34:19] Speaker A: Vous arriviez à Brûle-Pourpoint comme ça, où il y avait des rendez-vous? [00:34:26] Speaker C: Le camion, il n'y avait pas de rendez-vous. Les gens savaient que le camion passait à tel jour, c'était assez régulier. Mais les familles n'avaient pas de rendez-vous, le camion était là, les gens venaient, ils attendaient et puis on envoyait leurs enfants. On les examinait. Et je me dis, ça c'est quelque chose que ma fille ne connaîtra jamais. J'ai fait également ce qu'on appelait des vacations dans des établissements qu'on disait consacrés à l'enfance inadaptée. En fait, il y avait des troubles de personnalité, il y avait des établissements où c'était des handicapés mentaux. Et ça non plus, ma fille connaîtra pas ça. Autrement dit, beaucoup d'expériences péripsychiatriques qui étaient possibles, au fond probablement du fait du statut d'interne. On avait la possibilité, c'était moins rigide qu'ici. [00:35:35] Speaker A: Le fait que le statut d'interne, et aussi à une certaine époque, c'est-à-dire est-ce qu'il... Il y a eu une évolution de la médecine en général, non? Du déplacement du médecin à la rencontre, au chevet du malade. Chez eux, les médecins de campagne qui vont voir les gens, qui vont accoucher une femme dans sa maison, qui aient une médecine de plus en plus intra-hospitalière, et des médecins qui ne sortent plus, en fait, des hôpitaux. Au début des CLSC, ici, c'était... L'histoire que j'en sais, c'est que les CLSC, c'était des cliniques de quartier que des médecins, des travailleurs sociaux mettaient sur pied pour aller à la rencontre des gens dans les quartiers, en dehors des hôpitaux. Et puis, ça s'est institutionnalisé. Ça a gardé plus ou moins l'idée générale de la vocation. mais on va au CLSC. Les spécialistes en sortent peu ou les professionnels en sortent peu. [00:36:49] Speaker C: Mais ça n'est pas ouvert du tout. Il faut être inscrit, il faut avoir son médecin de famille dans ce CLSC. Sinon, il faut aller dans des heures de consultation d'urgence. C'est très cadré et c'est pas vraiment ouvert. [00:37:06] Speaker A: Oui. [00:37:09] Speaker C: C'est sûr que je ne sais pas comment en France la médecine a évolué parce que je suis parti quand même depuis très longtemps, depuis 1981. Mais quand je regarde ici, je me dis que c'est sûr que la médecine est devenue impersonnelle, trop cadrée. Oui, quand on entend dire à la radio que les urgences sont bondées, quand on entend dire que les médecins ne reçoivent plus de patients et que les patients n'ont qu'une alternative, enfin ils n'ont pas d'alternative, ils n'ont qu'une seule solution, c'est d'aller à l'urgence, c'est sûr que ça n'est plus la médecine que j'ai connue à mes débuts. Et je pense que j'ai déjà soulevé l'idée que pour moi la médecine en tant que médecine telle qu'on l'a connue, elle va disparaître, et que ce serait une médecine prosiguée par des machines. Je suis convaincu qu'on va vers ça. l'attitude des médecins, leurs revendications très étroites concernant leur bien-être, ça pave le chemin à cette médecine mécanique. Ça n'est plus très humain, c'est syndical, c'est financier, c'est organisationnel, ça n'est plus vraiment humain. [00:38:37] Speaker A: En première année de médecine, je le dis pour l'avoir vécu, en première année de médecine, les jeunes de 18-19 ans sont à peine arrivés, qu'on leur dit, ils n'ont même pas encore commencé leurs cours, qu'on leur dit, vous êtes l'élite de la société, vous êtes la crème de la crème. Et j'avais des camarades, ça je parle de, je sais pas, quatre-mille-neuf-cent-quatre-vingt-douze, treize, des camarades qui se disaient qu'ils n'avaient pas encore fini, même pas commencé leur première année de médecine, qui étaient convaincus que les études sont tellement difficiles qu'on mérite un salaire à la hauteur. Quand on... Vous voyez, le chemin est... Le chemin est ainsi fait et la culture est telle... J'ai l'impression que ça mène à des choses comme ça. Quand on a 18 ans puis que là, on est la crème de la crème, bien, après tout ça, en plus, c'est difficile. Les études de médecine, c'est pas nécessairement plaisant. Surtout l'internat. Bon, c'est... À la fin, semble-t-il que certains de mes camarades qui étaient un peu plus communautaires dans l'esprit ont fini leurs études en se disant, non, moi, j'en ai tellement bavé que je mérite... Il y a comme quelque chose dans la culture depuis le début de la formation qui se perpétue... [00:40:23] Speaker C: C'est sûr que pour moi, c'est pas la médecine que j'ai connue à mes débuts. Et les études maintenant, c'est absolument pas l'esprit de ce dans quoi j'ai navigué. Je vous ai parlé de la variation, la variété plutôt, de services que j'ai rendus. Mais il y a aussi la variété d'études que j'ai faites, de formations que j'ai faites, que j'ai reçues. Quand je pense que J'allais à des séminaires à Paris presque toutes les semaines. Ma formation psychanalytique, c'était deux fois par semaine de Angers à Paris. Il fallait que je prenne le train. Quel est le jeune qui ferait ça maintenant? Et ça, c'était tout en assumant mes responsabilités professionnelles. dans l'hôpital privé, en fait, je préfère dire clinique, parce que clinique, au Québec, étymologiquement, ça ne va pas du tout. Qui dit clinique dit coucher. Donc, la clinique, c'est quand on a des lits, ce qui n'est pas le cas dans ce qu'on appelle clinique ici. Quand je pense que l'hôpital privé, s'il faut que les Québécois m'écoutent, je travaillais 80 heures par semaine. J'étais de garde puisqu'on était deux psychiatres responsables et œuvrant dans cet hôpital privé de 55 lits. On était de garde un week-end sur deux. Bon, c'est sûr que peut-être ma famille en aurait souffert si ma femme n'était pas elle-même psychiatre et bien impliquée dans la famille. Bon. Et je comprends les préoccupations des jeunes psychiatres d'ici de ce qu'ils appellent qualité de vie et puis qu'ils veulent travailler le moins possible, quatre jours semaine et tout. Je comprends tout cela, mais je ne peux pas m'empêcher de me dans cette atmosphère de la médecine qui était très ancrée sur le dévouement aux patients, sur le don de soi à la médecine et tout ça, ça m'a complètement imprégné. Et je ne peux pas m'empêcher de faire la comparaison, que la médecine ici et maintenant, peut-être en France aussi, soit devenue vraiment une médecine fonctionnaire, de gens qui calculent leur temps. Et je vous dirais qu'il est probable que l'esprit de la médecine a complètement changé, que ce soit en France ou ici, à partir du moment où il y a eu la prise en charge par les organismes sociaux, la sécurité sociale en France. et la Régie de l'assurance maladie au Québec. À partir du moment où c'était des tiers qui payaient, le médecin ne se sent plus vraiment engagé envers le patient, il se sent engagé envers l'organisme. Ça, c'est une idée. Je sais pas, peut-être que ça peut être largement controversé, ça peut être contredit éventuellement, mais j'ai comme l'impression qu'à partir du moment où on n'est pas engagé financièrement envers le patient, il y a quelque chose qui manque. on devient une espèce de fonctionnaire, on est redevable par rapport à la RAMQ par exemple et ça dégage un peu notre responsabilité, mettons humaine, vis-à-vis du patient. Cliniquement, nous sommes toujours redevables au patient, on doit lui donner un diagnostic, on doit le traiter. Mais je me demande dans quelle mesure, psychologiquement, on n'est pas un peu, peut-être à la limite humainement, on n'est pas un peu dégagé de nos responsabilités vis-à-vis des patients. [00:44:33] Speaker A: Il y a ça, il y a aussi la hiérarchie, non? C'est-à-dire que pour quelqu'un d'ordinaire, avoir accès, par exemple, à un psychiatre, donc un médecin spécialiste, passe nécessairement par différents niveaux hiérarchiques. Il faut monter une échelle. Alors, il faut d'abord qu'on trouve un médecin de famille. Il faut que le médecin de famille fasse une requête. La requête, elle tombe à un endroit où, théoriquement, il y a des psychiatres. Mais elle est reçue par des réceptionnistes avant d'être transmise aux psychiatres qui... qui. [00:45:21] Speaker C: Font de la filtration. [00:45:23] Speaker A: C'est ça, j'imagine. [00:45:24] Speaker C: Ils filtrent les demandes. [00:45:27] Speaker A: Donc, passer de la demande au service, c'est pas facile non plus. Et j'imagine... que le psychiatre et tous les médecins spécialistes, c'est l'impression que j'ai, se retrouvent avec des centaines de dossiers dont ils sont responsables, mais des dossiers de gens qu'ils ne voient pas nécessairement Absolument. [00:45:52] Speaker C: Quelqu'un a évoqué ça à la radio, je ne sais plus qui, qu'avec la prime qu'on a offerte aux médecins québécois pour qu'ils aient des nouveaux patients. Certes, ils inscrivent un nouveau patient, ils reçoivent leur prime de je ne sais plus combien, 125 dollars, mais il n'y a rien qui prouve qu'ils offrent une première consultation ou une deuxième et qu'ils garantissent le suivi par la suite. Au fait, je pense à une chose. J'ai parlé de l'hôpital privé où j'ai exercé. Je dois préciser qu'en fait, je n'étais pas le promoteur. C'est mon collègue, le docteur Georges Jean. qui était le promoteur du projet, qui avait eu des contacts avec la municipalité de Lepin-en-Mauge, cette municipalité qui avait des sous et qui voulait les investir dans une œuvre médico-sociale. Elle avait donc des contacts avec le docteur Georges Jean, que j'avais remplacés dans ses activités avant de terminer mes études, et qui m'avait donc proposé de venir travailler avec lui. Et ce faisant, j'ai dû ne pas accepter un poste médical pour lequel j'avais été nommé au concours de médecin des hôpitaux. On appelait ça médecin des hôpitaux du cadre psychiatrique en France. C'est un concours où j'avais été nommé en 1969 comme adjoint et en 1970... en 1969 comme assistant et en 1970 comme adjoint. C'était la première étape obligatoire avant de devenir médecin des hôpitaux. [00:47:41] Speaker A: C'est quoi la particularité, en fait, de devenir... Pour devenir médecin des hôpitaux, donc, il faut passer le concours. C'est quoi la particul... On peut être médecin, mais sans être médecin des hôpitaux, il y a... c'est comme une sorte de promotion, en fait, d'être médecin des hôpitaux? [00:47:56] Speaker C: C'est une autre carrière. Là, on devient médecin fonctionnaire, en quelque sorte, versus les médecins qui ne sont pas médecins des hôpitaux et qui sont des praticiens en cabinet. [00:48:07] Speaker A: OK. Comprenez-vous? [00:48:08] Speaker C: Donc, à l'époque, en tout cas, en France, c'était comme ça. Soit on était médecin en cabinet, privé, où on était médecin des hôpitaux, fonctionnaire. L'un n'empêchait pas l'autre, d'ailleurs. Les médecins fonctionnaires avaient le droit de consacrer un certain pourcentage de temps à une activité privée. Je ne sais pas si ça a changé. Et donc, pour devenir médecin des hôpitaux en France, il fallait passer un concours. Et donc, c'était une espèce de sélection pour laquelle il fallait travailler, il fallait étudier particulièrement. Et donc, j'avais été nommé, mais je n'ai pas pris de poste. Puis j'ai accepté d'aller créer cet hôpital avec le collègue Georges Jean. [00:49:01] Speaker A: Ça part du d'esprit dans lequel vous étiez à ce moment-là. [00:49:03] Speaker C: Mais je sais pas, qu'est-ce que vous... quel esprit vous supposez? [00:49:07] Speaker A: J'imagine... j'imagine un emploi de... c'est-à-dire, travailler comme médecin des hôpitaux, c'est travailler dans un cadre plus rigide, comme vous dites, fonctionnaire, mais quand même prestigieux, peut-être, puisqu'il y a un concours, un concours qui est difficile, il y a une sélection, un écrémage, mais le cadre est plus... carré. se dire, oh ben tant pis, c'est pas ce que je veux faire, je vais aller fonder quelque chose de nouveau, je vais faire de l'innovation, je préfère. [00:49:39] Speaker C: Être... Non, c'était pas si beau que ça. [00:49:43] Speaker A: Non? [00:49:44] Speaker C: Non, c'était plus terre-à-terre minable que ça. En fait, Le cadre en France était quand même beaucoup plus ouvert. En tant que médecin du cadre psychiatrique, c'est comme ça que ça s'appelait, on faisait ce qu'on voulait dans les services. On pouvait inaugurer des choses. Personne ne vous demandait des comptes sur le plan clinique. Contrairement à ce qui se passe ici, là, on ne peut pas lever le petit doigt sans justifier. On ne peut pas faire d'expérience sans justifier. Puis la raison pour laquelle j'ai accepté, en fait, je vais vous faire une confidence, c'est que... Ma femme, à l'époque, quand il fallait pour... j'aurais pu être médecin-chef. Au lieu d'être médecin adjoint, j'aurais pu prendre un poste de médecin-chef dans... mais il aurait fallu que j'aille à Strasbourg alors que j'habitais à Angers. Et donc ça signifiait être éloigné de la maison et tout ça. Et quand j'ai évoqué cette possibilité avec ma femme, elle m'a dit, ben oui, c'est comme ça, tu pourras aller sauter toutes les infirmières de l'hôpital à Strasbourg. Alors je me suis dit, bon, ben voilà, si c'est ça que ça signifie, je vais aller avec Georges Jean et on va aller en clinique privée. Et puis voilà. [00:51:19] Speaker A: Ah, c'est par fidélité. [00:51:22] Speaker C: C'est un peu trivial. C'est une espèce de... Si on veut une espèce d'honnêteté psychologique ou une crainte, c'est aussi trivial que ça. C'est pas... [00:51:34] Speaker A: Mais en fait, c'est de la loyauté. C'est pas trivial, en fait. La famille, c'est quand même quelque chose qui est important dans l'ensemble de la constellation, dans un parcours de vie. [00:51:48] Speaker C: Oui, mais je ne suis pas sûr qu'on prend, à moins de façon inconsciente, qu'on prend vraiment, qu'on tient compte de tout ça. Peut-être que j'étais ambivalent et qu'effectivement, aller travailler avec Georges Jean, pour moi, ça représentait de créer quelque chose parce que l'hôpital n'existait pas. Il a fallu qu'il soit construit, cet hôpital privé. et nous avons collaboré étroitement à son architecture. Mais lui beaucoup, beaucoup plus que moi évidemment, parce qu'il était le promoteur. Et c'est vrai aussi que j'ai peut-être perçu inconsciemment qu'on pouvait créer des choses alors qu'à l'hôpital, même si on avait des Dans le milieu public français, je veux dire, dans le cadre des hôpitaux psychiatriques, même si on était libre de faire ce qu'on voulait, il y avait sûrement des limites quand même. Alors qu'à l'hôpital privé, on n'avait de comptes à rendre à personne, sauf les hautes autorités administratives, s'il y avait quelque chose d'épouvantable, les autorités seraient intervenues. Par exemple, pour mettre sur pied les traitements de packing, je n'avais pas de compte à rendre à personne. Pour faire participer la famille au traitement, on avait de permission à demander à personne. Quand on a fait venir Jacqueline Prudhomme et Frédéric Labelle pour former notre équipe en thérapie familiale systémique, on a eu de demandes à faire à personne. On s'est mis d'accord qu'on allait dans ce sens-là et Georges Jean m'a suivi dans ce sens-là. Il n'avait pas de formation psychanalytique, il était neuropsychiatre, mais il était très ouvert à tout puisque, en fait, Mes idées sont quand même, qui étaient articulées surtout sur la psychanalyse, on les a acceptées, on les a mises en œuvre et on a vraiment travaillé ensemble de façon vraiment très soutenue et intéressante. Mais donc, mon changement d'orientation, effectivement, j'ai mis un trait sur tout ce qui était façon de devenir connue, parce que. [00:54:08] Speaker A: Effectivement, Est-ce que des fois, vous vous demandez qu'est-ce qui serait arrivé si vous aviez accepté le poste de médecin des hôpitaux? [00:54:20] Speaker C: C'est clair. J'aurais continué à faire des publications. Je serais devenu connu. Je serais un ponte de la psychiatrie française. [00:54:28] Speaker A: Un grand patron. [00:54:30] Speaker C: Oui, c'est comme ça que les choses... Parce que j'ai quand même fait beaucoup de publications. Je commençais à être connu parmi mes collègues. J'aurais probablement eu des idées novatrices comme pour l'hôpital privé et puis je serais devenu connu. C'est pas cette orientation-là que j'ai prise. Est-ce que ça a été conscient ? Moi, je pense, et je vous l'ai dit, que c'est l'idée, la réflexion de ma femme qui m'a poussé à changer d'orientation. Mais est-ce qu'il y avait autre chose derrière ? C'est bien possible. Je veux dire autre chose, c'est-à-dire l'idée de faire quelque chose de plus constructif, plus créatif et tout. [00:55:24] Speaker A: Ça, des fois, les gens nous mettent des limites, mais on les accepte parce que ça nous arrange aussi certaines phases. [00:55:32] Speaker C: Oui, c'est plus compliqué. Ce n'est pas forcément dans un seul sens. Les décisions humaines, sauf peut-être pour les paranoïaques, les décisions humaines sont probablement plus complexes qu'on pourrait le penser. Le paranoïaque, lui, il va aller dans sa dirigeance sans aucune autocritique. Il est convaincu de son bon droit, d'avoir les bonnes idées, les bonnes décisions, et il ne se pose pas de questions. Donc ça, ça va mieux avec les dirigeants de pays. [00:56:04] Speaker A: C'est toujours parano, un peu de chose vraie. [00:56:10] Speaker C: Enfin, les vrais, les vrais dirigeants. Je ne pense pas que des gens comme le président français actuel soient paranoïaques. [00:56:20] Speaker A: Ni un dirigeant. [00:56:25] Speaker C: En tant que dirigeant, je ne pense pas qu'il laissera des souvenirs impérissables, contrairement à des gens comme nous. [00:57:01] Speaker A: Par le paranoïaque qui est peut-être certain du chemin qu'il doit suivre, envers et contre tous les décisions qu'on prend dans la vie. [00:57:16] Speaker C: C'est peut-être plus complexe qu'il n'y paraîtrait si on devait juste les relater. Dans la réalité, c'est très probablement plus complexe. [00:57:27] Speaker A: Dans votre parcours, en fait, le parcours tel que vous le racontez, vos années de formation, le travail que vous avez fait en France, les choix que vous avez faits professionnels, c'est aussi ce qui vous a permis, est-ce que je me trompe, de réunir ce que vous avez appris de la psychanalyse, et ce que vous avez appris d'une approche systémique familiale. C'est quelque chose, c'est assez innovant, disons, quand vous écrivez dans l'évolution psychiatrique l'approche lacanienne des psychoses. C'est pas que l'approche lacanienne, en fait. C'est une approche lacanienne qui se marie à une approche systémique qui inclut l'institution complète en traitement, mais la famille aussi. [00:58:24] Speaker C: Oui, en fait, je pense que bien des Lacaniens ont eu le point de départ dans les théories lacaniennes. Mais il y en a qui ont certainement élargi les notions lacaniennes. Oui, certainement. Et il y a une sorte peut-être d'ambiguïté en matière de thérapie systémique par rapport à l'époque où Vous voyez, du point de vue psychanalytique, il était largement répandu que la mère était responsable des psychotiques. [00:59:12] Speaker A: Oui, comme des autistes aussi. [00:59:15] Speaker C: Oui, absolument. Il y avait toute une théorie, en particulier lacanienne, sur l'autisme qui impliquait étroitement la mère comme génératrice des problèmes. Et si on considérait ce point, si j'avais considéré ce point comme rigoureux, j'aurais écarté la famille au lieu de vouloir l'impliquer au traitement. Donc, très probablement, j'ai adapté largement la théorie lacanienne, je l'ai adapté à ma pratique. En fait, l'élément principal, que j'ai retenu de toute la théorie lacanienne, c'est le nom du Père, la notion du nom du Père en tant qu'élément symbolique. Et à partir de ça, comme on en a déjà parlé, j'ai aussi ouvert à la notion, à l'imaginaire du nom. Je ne suis pas resté au symbolique du nom comme Lacan le fait. Mais je suis allé à l'imaginaire du nom et donc c'est quoi au niveau imaginaire le patronyme. [01:00:36] Speaker A: Quand on s'appelle De Gaulle, qu'est-ce qu'on s'imagine qu'on est? [01:00:40] Speaker C: Oui, ça c'est le côté symbolique. [01:00:44] Speaker A: Symbolique ? [01:00:44] Speaker C: Ah non, le côté imaginaire, je veux dire. Donc, je me suis éloigné de simplement la notion symbolique du nom, c'est-à-dire le nom du père, c'est-à-dire l'intervention du père. [01:00:58] Speaker B: À travers son nom. [01:00:59] Speaker C: L'Intervention du père pour séparer la mère de l'enfant, pour que l'enfant ne soit pas une partie de la mère. L'intervention symbolique, c'est ça. La parole du père qui vient séparer la mère de l'enfant, dire cet enfant n'est pas une partie de toi. Et donc, la tertiarisation de la relation dans la famille. Mais enfant-père, Alors qu'avant l'assomption du sujet, comme dit Lacan, c'est la mère et l'enfant, ils forment une espèce d'une seule personne en quelque sorte. L'enfant est une partie de la mère. quand intervient la parole du père. [01:01:43] Speaker A: Du point de vue de l'enfant, c'est ça aussi, c'est-à-dire c'est l'expérience subjective d'un bébé. [01:01:49] Speaker C: Oui, bien sûr, c'est le bébé qui vit ça, si on peut dire, qui intègre ça. Il entend que la mère fait une place au père, à travers le nom du père, ton papa. Il voit que la mère fait une place à une troisième personne. Et donc c'est comme ça qu'il y a la place du père et la place du symbolique. Donc c'est cette notion que j'ai retenue. Mais effectivement à travers le patronyme, je suis allé chercher la dimension imaginaire. Que représente le nom pour quelqu'un ? La structure du nom, la phonématique du nom. Et la dernière fois je pense qu'on avait évoqué des noms pléthoriques et des noms déficitaires. Et donc ça c'est la structure phonématique du nom. Et je n'ai pas vu que des lacaniens aient embarqué là-dedans. Bon, je ne sais pas tout, évidemment. Je ne peux pas dire qu'en dehors des ténors de l'époque, les Leclerc, par exemple, et bien d'autres... les écrits des lacaniens du Québec, je ne me suis jamais vraiment consacré à cela. Peut-être qu'il y en a un qui a écrit d'autres choses que la dimension symbolique du nom, c'est possible, je ne sais pas. [01:03:18] Speaker A: Dans vos années de formation, vous parlez des années, la fin des années 60, début des années 70, Paris... Fourmis, non? Ça battait son plein, là, Lacan, c'était... [01:03:30] Speaker C: Ah oui, l'école lacanienne était primordiale. Les autres écoles internationales, c'était marginal. [01:03:37] Speaker A: Ah, c'est ça. [01:03:39] Speaker C: Ah oui, le gros, tous les intellectuels allaient vers Lacan. [01:03:44] Speaker A: Chez Lacan. [01:03:45] Speaker C: Oui, absolument. Et je pense que... Ça a d'ailleurs dépassé les limites de la France. Quand je vois, par exemple, à la radio, on ne parle jamais d'imagination, on parle d'imaginaire. Ça, c'est un terme strict. C'est Lacan qui a promu ce terme-là, qui s'est répandu un peu partout. Maintenant, on n'entend plus les gens parler d'imagination. Or, l'imagination, c'est le fait. Et l'imaginaire, c'est une espèce de structure. Ce n'est pas la même chose. Évidemment, au Québec, on n'est pas à un terme impropre prêt. [01:04:29] Speaker A: On prend beaucoup de liberté avec le français. [01:04:34] Speaker C: Ça, ça me sidère un petit peu. Je n'aime pas ça. Tout comme l'évolution La féminisation des titres, par exemple, je conçois que c'est possible. Bon, il n'y a pas de raison, mais quand on est habitué à une langue, on peut admettre qu'elle évolue, mais évolue... Il y a des fois des évolutions qui sont difficiles à accepter, on va dire. [01:05:08] Speaker A: Mais il y a aussi des évolutions, non, des évolutions qui viennent de... qui sont comme organiques, c'est-à-dire on... Il y a un mot que quelqu'un propose qui devient à la mode et ça se répand et puis on s'entend plus ou moins sans que ce soit réglementé d'aucune façon. [01:05:26] Speaker C: Oui, c'est exact. [01:05:27] Speaker A: Et puis il y a des changements qui sont décrétés par des organismes, surtout en français. Il y en a au Québec et il y en a en France, et ce n'est pas les mêmes. Et puis le rapport des gens à ces organisations-là, ils ne sont pas les mêmes non plus de ce que j'en comprends. Au Québec, l'Office de la langue française ou les profs de français ou les profs de littérature qui ont des théories. de ce qui est acceptable et de ce qui ne l'est pas et donc ça part du haut et ça cherche à s'imposer. Ce n'est pas organique de la même façon. Je ne comprends pas. Un auteur, une autrice, ça va. Un écrivain, une écrivaine, ça va. Il ne me semblait pas qu'il y avait d'enjeux jusqu'à récemment sur la féminisation, sauf peut-être pour médecins. Un médecin et une médecine, c'est plus compliqué. [01:06:21] Speaker C: C'est pas certain. Non, comme je vous disais, il y a bien des choses... Enfin, pourquoi on n'appellerait pas quelqu'un une autrice? Mais cette idée obsessionnelle de toujours faire figurer le féminin, ne pas accepter par exemple que masculin et féminin globalement en pluriel puissent s'énoncer comme ça se fait. [01:06:48] Speaker A: Ce que j'ai trouvé personnellement, moi, quand j'ai... Je faisais des études littéraires au début, dans ma jeunesse, puis on m'enseignait ça, le sexisme de la langue française et tout ça, puis j'étais assez perméable à ça, et pendant plusieurs années, je faisais des efforts. pour écrire neutrement, jusqu'à ce que je me rende compte que ça m'empêchait de penser. C'est qu'à chaque mot ou chaque phrase, je devais m'arrêter pour essayer de trouver le mot juste dans le but de rendre le texte neutre ou bi des deux sexes. [01:07:35] Speaker C: Au niveau social. [01:07:36] Speaker A: Oui, alors que ce n'était pas le propos du texte. Et ça m'empêchait de penser. [01:07:41] Speaker C: Une espèce d'obligation parasite. [01:07:43] Speaker A: Oui, c'est ça. Exactement. [01:07:44] Speaker C: Un élément parasite qui vient parasiter la pensée. Le fait de toujours devoir mettre le, la entre parenthèses, ça complique drôlement les choses. [01:07:55] Speaker A: En même temps, est-ce que... est-ce que... comment je dirais? Est-ce que chez les Lacaniens, il n'y a pas eu une dérive dans ce sens-là aussi? Je donne... parce que vous parliez... on est parti de là pour... on est parti du mot imaginaire et de... du sens du mot imaginaire, disons, dans la langue ici, par rapport à ce que c'était, mais en fait, peut-être que c'est un héritage du parler lacanien, disons. Puis pendant que vous parliez, je pensais au mot réel, le réel. Alors, on a le nouage réel, imaginaire, symbolique. C'est une innovation, c'est intéressant. Sauf que le réel, c'est pas la réalité. C'est pas la seule chose qui est pas la même chose chez Lacan qu'ailleurs. Il y a force, il y a tellement de choses qui sont pas la même chose qu'on peut peiner à parler avec des gens qui comprennent pas le nouveau sens. Donc le réel, c'est pas la réalité. Ce qui fait qu'on peut se sentir heurté, si on est lacanien, d'entendre des gens parler du réel en voulant dire réalité. Mais... le mot réel, Lacan l'a emprunté à une langue qui existait déjà pour en changer le sens. Vous comprenez où je veux en venir? Est-ce que c'est pas quelque chose qu'on peut retrouver dans plein de groupuscules ou plein de communautés, cette tentation de changer le sens des mots? [01:09:35] Speaker C: Comment dirais-je, leur catégorie. Au niveau grammatical, je ne sais pas, est-ce que, par exemple, réalité, est-ce que c'est un substantif et réel, comment on pourrait le classer au niveau grammatical ? Ma culture grammaticale n'est pas assez poussée pour... Et ça me pose des questions. J'aimerais bien pouvoir mettre ça dans des petites boîtes pour expliquer la différence entre les deux. Mais pas au niveau psychanalytique, au niveau du langage. [01:10:11] Speaker A: Français. [01:10:14] Speaker C: Donc je penais tout à l'heure à classifier imagination par rapport à imaginaire. Il faut dire que si probablement j'étais chez moi tranquillement versus notre situation qui est un petit peu plus officielle, ma pensée serait peut-être un peu plus libre. [01:10:36] Speaker A: Ah oui? [01:10:36] Speaker C: Oui, probablement. Mais c'est quelque chose sur quoi je me suis déjà posé bien des questions, même tout seul avec moi-même. [01:10:45] Speaker A: Oui. [01:10:45] Speaker C: C'est comme, par exemple, Ma théorie de l'obsessionnalité par rapport à obsessionnel tout court, j'arrive pas à savoir au niveau grammatical, ça relève de quoi obsessionnalité, j'arrive pas à définir cela. Cliniquement, je peux décrire qu'est-ce que j'entends par obsessionnalité, mais au niveau grammatical, j'ai du mal. Est-ce que c'est un substantif? Qu'est-ce que c'est? J'ai posé la question à un de mes beaux frères qui est philosophe et il ne m'a pas répondu de façon... Il ne m'a pas répondu strictement sur le côté grammairien, voyez-vous. Une de mes filles est extrêmement cultivée et elle non plus n'a pas été en mesure de répondre vraiment à ma question. Donc il y a des choses comme ça qui me turlupinent. [01:11:46] Speaker A: Puis qu'est-ce que vous décrivez, bon, c'est obsessionnalité au niveau de la langue pure, mais qu'est-ce que C'est quoi la description clinique ? [01:12:03] Speaker C: Ça serait assez compliqué. Mais mettons que je considérerais que c'est plus une sorte de processus plutôt qu'un tableau clinique véritable. Le tableau clinique que tout le monde connaît, c'est le trouble obsessionnel compulsif qui a dominé tout le champ on fait une place aux troubles de personnalité obsessionnelle aussi, il y a une place clinique bien déterminée, mais à part ces deux catégories, il y a des dimensions beaucoup plus discrètes, si on peut dire, du tableau obsessionnel, que je considère comme une sorte de processus, une façon d'être, mais je n'arrive pas à catégoriser ça de façon très simple, voyez-vous. Mais ça n'est ni un trouble, parce que les gens vivent très bien avec ça, ni un trouble de personnalité, ni un trouble véritable au niveau psychiatrique, toc comme on dit. Donc c'est pour vous dire, au niveau des termes j'ai quelques difficultés, ma culture au niveau de la grammaire n'est pas assez large. [01:13:16] Speaker A: Puis en même temps, est-ce que c'est pas aussi un héritage de la part lacanienne, c'est-à-dire l'obsessionnalité, la question de structure, la dimension structurelle, l'idée que... L'approche des gens n'est pas nécessairement mieux éclairée ou la compréhension des gens ou des problématiques, des symptômes, des difficultés n'est pas nécessairement mieux éclairée par le fait de nommer une série de symptômes, c'est-à-dire de donner un nom à un groupe symptomatique. Peut-être que l'idée de la structure peut. [01:14:04] Speaker C: Mieux éclairer, Probablement, parce qu'effectivement, quand on énumère des symptômes, manifestement, on ne fait pas de lien entre ces symptômes. Et la dimension de structure serait justement la matière commune à tous ces symptômes. j'ai cru trouver quelque chose qui me satisferait entre le boson de Higgs et la notion d'obsessionnalité, à savoir une espèce de matière de base. Ça m'est difficile d'en briller là-dessus de façon plus large aujourd'hui, mais j'ai écrit mes réflexions là-dessus. Donc, votre remarque était très pertinente, en ce sens qu'à partir du moment où on énumère des symptômes, on ne fait pas trop de liens entre eux, or ils interagissent. Et même quand on lit le DSM en longueur, le texte, mais non pas juste les symptômes, on ne trouve pas de lien entre symptômes. Et ça, je trouve que c'est un manque considérable. Il est vrai que l'objectif du DSM, comme je le disais dans une autre conversation, c'est certainement de faire en sorte que les symptômes puissent rentrer dans une machine, qu'un diagnostic en sorte et qu'ultérieurement des médicaments. Donc, c'est sûr qu'on ne peut pas faire de lien. La machine ne pourrait pas faire de lien entre symptômes. Ce ne serait pas son objectif. Son objectif, c'est à partir des symptômes de pondre un diagnostic. Mais dans la réalité de la pratique, il y a des liens entre les différentes manifestations du comportement de quelqu'un. [01:16:16] Speaker A: Puis aussi probablement entre... entre le normal et le pathologique, entre guillemets, c'est-à-dire entre quelqu'un qui souffre d'un trouble obsessif-compulsif extrêmement invalidant et quelqu'un d'autre qui fonctionne très bien... au niveau de la carrière ou dans sa vie. La différence étant l'intensité de l'envahissement, par exemple, de la souffrance. [01:16:51] Speaker C: C'est sûr que le DSM mentionne cette dimension de souffrance, OK? Il faut qu'il y ait une souffrance. Et donc, parmi les... comment on appelle ça? les items, on va dire, d'un diagnostic. Et si on considère l'obsessionnalité, il y a la notion de handicap fonctionnel, il y a la notion de souffrance. En principe, la personnalité obsessionnelle compulsive ne souffre pas. La personnalité obsessionnelle-compulsive, on est convaincu de ce qu'on dit. C'est pour ça qu'il y a un rapprochement d'ailleurs entre paranoïa et obsession. Tandis que dans le trouble, la personne souffre. Il y a un handicap. Des fois, le fonctionnement est difficile. Quand la personne a un trouble, un toc, comme on dit, elle a du mal à respecter les horaires, passe beaucoup de temps à vérifier, ça nuit à son travail, ça nuit à la famille aussi, toutes les... [01:18:03] Speaker A: Les rituels. [01:18:05] Speaker C: Les rituels et tout ça. Tandis que, d'après le DSM, dans la personnalité obsessionnelle, le trouble de personnalité obsessionnelle, Il n'y a pas de souffrance. Les gens sont convaincus, puis voilà, ils sont dans leur bon droit, ils ont des bonnes raisons d'eux, etc. Donc le DSM fait quand même une place dans cette dimension de souffrance. [01:18:28] Speaker A: Pourquoi c'est un trouble de personnalité? Qu'est-ce qui en fait un trouble de personnalité selon le DSM? Pourquoi c'est un trouble, en fait? Si il n'y a pas de souffrance, qu'est-ce qui fait qu'on décide d'en faire un trouble? [01:18:41] Speaker C: C'est quoi le critère? [01:18:41] Speaker A: Eh bien, je vais enlever le mot. [01:18:42] Speaker C: Trouble que j'ai mis de façon inappropriée. C'est personnalité obsessionnelle compulsive. [01:18:49] Speaker A: Ce n'est pas dans les catégories de trouble de personne? Je crois, non. [01:18:51] Speaker C: Le TOC, c'est un trouble. La personnalité obsessionnelle, il n'y a pas la notion de trouble. Parce que, justement, il n'y a pas de souffrance. C'est une personnalité obsessionnelle compulsive. [01:19:04] Speaker A: Parce qu'il y a des troubles de personnalité, comme le trouble de personnalité antisocial, qui n'est pas accompagné de souffrance, mais qui est quand même un trouble de personnalité. Puis pourquoi c'est un trouble? C'est parce que c'est dérangeant pour les autres, en fait? [01:19:14] Speaker C: Non, le trouble de personnalité, par exemple, Borderline, c'est ça que vous avez cité? [01:19:22] Speaker A: Antisocial. [01:19:23] Speaker C: Antisocial, OK. C'est pas dit qu'il n'y ait pas de souffrance. Je ne me souviens pas des critères, c'est le mot que je cherchais, mais c'est des gens qui ont des fois des manifestations explosives qui peuvent être corrôlées à une certaine souffrance. On aura peut-être l'occasion de voir ça de façon plus précise. [01:19:53] Speaker A: Ça me fascine depuis des décennies, cette question-là. [01:19:57] Speaker C: La personnalité antisociale? [01:19:58] Speaker A: Pas dans ce vocabulaire-là, mais ce type de... c'est-à-dire ce qu'on désignait avant... Enfin, on en a parlé un petit peu, là, à un autre moment, c'est l'idée de structure. Alors, la psychose, névrose, perversion. Alors, la perversion, c'est quoi? Est-ce que c'est un statut particulier entre névrose et psychose? C'est quoi? Est-ce que c'est la même chose qu'on désigne aujourd'hui quand on parle de troubles de personnalité? C'est-à-dire un entre-deux ou est-ce qu'on... Tout ça, toute cette question-là d'une catégorie entre névrose et psychose qui... qui est difficile à... cerner, parce que les auteurs qui en parlent sont de différents horizons, puis en parlent différemment. Puis la question de la souffrance ou pas est rattachée. Oui. [01:20:50] Speaker C: Remarquez, dans la dimension de trouble, il y a aussi le fait de nuire à autrui. [01:20:55] Speaker A: Oui. [01:20:56] Speaker C: D'être responsable de la souffrance d'autrui. Donc, peut-être pas simplement de la souffrance personnelle, mais le trouble fait en sorte qu'on peut faire souffrir autrui et ça serait justifié de ce point de vue là de parler de trouble même dans la personnalité obsessionnelle à la limite.

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