L'autodestruction de Kramer

L'autodestruction de Kramer
Après-Coup
L'autodestruction de Kramer

Jun 16 2025 | 01:05:15

/
Episode 97 June 16, 2025 01:05:15

Show Notes

 

La société, c'est la barbarie recouverte d'une fine couche de cellophane.

François Mauriac (Forez), Le Cahier noir

 

Il a incarné Cosmo Kramer pendant neuf ans et, un jour de novembre 2006, la carrière de Michael Richards s'est brutalement arrêtée.

View Full Transcript

Episode Transcript

[00:00:05] Speaker A: Il a incarné Cosmo Kramer pendant neuf ans et un jour de novembre 2006, la carrière de Michael Richards s'est brutalement arrêtée. Vous écoutez Après couple. [00:00:40] Speaker B: Le 17 novembre 2006, dans un petit bar de Hollywood en Californie qui s'appelle The Laugh Factory, il y a Michael Richards qui fait un... spectacle de stand-up comique. Il essaye en fait de revenir au stand-up comique après avoir arrêté pendant plusieurs années. Ça ne fonctionne pas très bien. Mais là, ça va vraiment mal virer. Il est en train de faire des blagues. Il y a des gens qui sont en retard qui arrivent. Ça le dérange. Il y a comme une espèce d'interaction entre les gens et lui. Il y a des Mexicains, il y a des Noirs. Ils traitent... En fait, rapidement, ça prend quelques secondes, ils se lancent dans une tirade raciste envers eux. Et tout de suite, les gens dans la salle, on sent le malaise. Quand on écoute la vidéo, on sent le malaise des gens. Puis il n'arrête pas, il continue. Les gens lui répondent. Les gens dans l'assistance, il y en a un qui lui dit, « Tu n'es même pas drôle. Tu n'as jamais rien fait depuis Seinfeld. » Michael Richards, donc, qui était Kramer dans Seinfeld. Et il poursuit. Il est dans une espèce de rage, on peut dire ça comme ça. Ça s'est passé le 17 novembre 2006. Ça a été un point marquant dans sa carrière. Il a arrêté de faire du stand-up après. Il n'en a jamais refait. En fait, il s'est auto-cancellé. À quelques exceptions près, il a mis fin à sa carrière. Et il continue maintenant à vivre avec cet événement-là. [00:02:29] Speaker A: Presque 20 ans plus tard. [00:02:30] Speaker B: Presque 20 ans plus tard. Ça fait que c'est ça qu'on voulait parler aujourd'hui. C'est des thèmes de honte, d'être embarrassé, d'erreur, de pardon, de culpabilité, de punition et toutes ces choses-là. [00:02:41] Speaker A: C'était Michael Richards, c'était... Je sais pas si on peut dire qu'il y a des préférés, là, mais c'est... peut-être la colle qui a relié tout le cast de l'émission culte Seinfeld qui a marqué les années 90 pour les gens de notre génération. Seinfeld, à ce jour, il est encore dans des bars, des soirées Seinfeld, t'sais. Les gens connaissent les épisodes par coeur. Et Kramer, c'était le personnage haut en couleurs, complètement disjoncté, très physique dans son humour. [00:03:26] Speaker B: Oui, puis ça faisait un grand contraste parce que le ressort comique de Seinfeld, qui est écrit par Jerry Seinfeld et Larry David, c'était autour des mots, c'est des amoureux des mots. C'est fou quand tu les entends décrire comment comment ils vont fabriquer une blague, bien, à certains moments, il y a un mot spécifique qu'il faut qu'il vienne s'intégrer, et c'est lui et pas un autre. Puis l'exemple, peut-être, c'est un peu leur sujet, mais c'est pas partie de l'affaire. L'exemple, il y a un moment donné, il y a un petit extrait dans une émission de Sci-Fi, je sais pas si tu t'en rappelles, il est assis dans son auto, avec une femme qui est sa blonde du moment. Puis elle lui dit, malheureusement, je vais devoir mettre fin à notre relation. Fait que là, lui, il dit, comment ça? Pourquoi? Je pensais que ça allait bien. Puis elle dit, ah, j'aimerais mieux pas en parler. Tu veux-tu vraiment en parler? Puis il dit, oui, mais oui. Je pensais que ça allait bien. Qu'est-ce qu'il y a? Puis elle dit, bien, j'ai vu... I saw your act. Tu sais, je t'ai vu performer ton stand-up comedy. Puis il dit, OK, but what about my act? Jusque-là, ce n'est pas drôle. Ce n'est pas des blagues à la seconde. Il dit « What about my act? » Elle dit « J'ai vraiment pas aimé ça. » Tu ne peux pas arrêter la relation parce que tu n'as pas aimé. L'audience n'était pas bonne, mais elle revient me revoir samedi. Elle dit « Non, tu ne comprends pas. J'ai vraiment pas aimé ça. Je ne peux pas être avec quelqu'un si je ne respecte pas ce qu'il fait. » Puis là, lui, il répond, puis c'est là que toute la blague... Il répond... Mais you're a cashier! Mais le mot cashier... C'est la façon dont il dit, c'est là comme une espèce de défaite de capitaux, c'est là que ça rend ça comique, mais c'est le mot «cacher» qui est important. S'il avait dit «Mais voyons, pourtant, tu travailles comme aide-hygiéniste dans une bonne...» Là, un long truc, ça enlève tout le punch. Cramer, il a une fonction très différente parce que lui, ce n'est que de la comédie physique presque. Et donc, ça vient cimenter un peu toutes les relations entre tout le monde. Et l'avantage comme raison de la comédie, quand c'est plus physique, c'est que ça n'a pas d'âge. Les enfants peuvent comprendre ça. Il n'y a pas de troisième degré des fois. C'est juste la drôlerie de la gestuelle. Il n'y a pas de pays, de culture. Tout le monde peut comprendre quand quelqu'un fonce dans un mur et fait deux pirouettes. Il y a de la clownerie, en fait. C'est du clown qui transcende les générations, les cultures et l'âge, en fait. Moi, ce qui m'interpelle dans cette histoire, et c'est pour ça que je voulais en parler, parce que moi, je pense souvent à cette histoire-là. C'est une figure tragique, je trouve, Michael Richards. Et ce qui m'interpelle parfois, c'est les facteurs atténuants. qu'on peut élaborer autour de ce qu'il a fait. Et c'est sûr, on en parlait avant le podcast, c'est toujours un peu délicat de parler de facteurs atténuants parce que, quel que soit le méfait, il y a toujours quelqu'un qui peut te dire, bien là, tu es en train de banaliser ce qu'il a fait. Puis avant de banaliser, souvent les gens sentent une espèce qu'il faut qu'il fasse quasiment un méa culpa... bien c'est vraiment pas un méa culpa, mais il faut qu'il fasse une espèce de... Il faut qu'ils posent d'une façon bien claire, qu'ils reconnaissent le méfait et la gravité de ce qui a été fait, avant de pouvoir parler, peut-être tranquillement, d'élaborer des facteurs atténuants, parce que tu veux pas te faire dire, ben quoi, toi, t'es pro-raciste, toi, t'encourages les tirades racistes dans un bar, des sortes de personnes que t'es. Mais bon, dans ce cas-là, ça fait 20 ans, je pense que c'est correct de prendre du recul, puis sans excuser ou banaliser ou... Mais en fait, c'est ça qu'on essaie de faire, c'est de réfléchir à des gens qui ont commis des actes qui sont pour toutes sortes de raisons... répréhensibles, ou hors normes, ou transgressives, puis d'analyser où, quand, pourquoi, comment, comment on a réagi, parce que certainement, il n'y a pas de justice. Il y a des gens qui font des affaires... Des fois, on peut dire à leur face même qu'ils sont d'une gravité extrême puis qu'ils s'en tirent bien, puis d'autres qui font des choses qui sont quand même plus dans la portée beaucoup plus petite, puis qui en payent le prix pendant des décennies. Une des choses qui nous intéresse, c'est qu'il n'y a pas de justice nécessairement. Scott Adams, que j'aime bien, le podcasteur, il dit souvent que les choses qui sont justes ou pas justes, c'est un concept qui a été inventé par des gens qui perdaient tout le temps et qui se trouvent des excuses pour justifier que ça n'a pas marché. Parce qu'il n'y a pas de justice, ça n'existe pas, c'est un concept inventé. [00:08:13] Speaker A: C'est un concept inventé, puis en même temps, aussi inventé soit-il, on peut être pris à toujours tourner autour, à réclamer justice, à réclamer en droit. de ce que j'en sais. Il faut pas seulement qu'il y ait justice réelle, il faut aussi qu'il y ait apparence de justice. C'est-à-dire l'importance de... Et des fois, c'est. [00:08:42] Speaker B: Pas juste la gravité de l'acte commis, c'est les remords exprimés par la personne qui a fait l'acte. Donc là, qui juge la véracité des remords ou du faciès contre lui, que là, on va dire, regarde, lui, il est vraiment... [00:08:57] Speaker A: Il est assez payé. [00:08:58] Speaker B: Il a vraiment l'air d'effet. Versus, regarde, non, il a encore l'air fendant. Un autre 5 ans, tu sais, mais là, des fois, des fois, ça n'a pas de sens. Tu sais, si quelqu'un, tu dis, il a l'air baveux, lui, un autre 5 ans en prison, tu dis, bien là, on met beaucoup, beaucoup d'emphase sur un faciès baveux. [00:09:16] Speaker A: Oui. [00:09:17] Speaker B: Il y a une cause portée à ça. Versus des gens, des fois, qui ont facilement l'air d'effet dans leur physionomie, mais bref. [00:09:25] Speaker A: Mais en même temps, c'est important pour avoir un sens de l'ordre des choses, que le monde est ordonné. quand t'es victime de l'injustice, de penser qu'il devrait y avoir justice et de te battre pour qu'il y ait justice. C'est important, sinon il n'y a rien qui tient. Il y a quelqu'un qui disait, il faudrait que j'en trouve c'est qui qui a exprimé ça, qui disait par rapport à la société, en fait la société c'est la barbarie. recouverte d'une fine couche de cellophane. C'est qu'il faut qu'il y ait apparence de justice et justice. Sinon, quoi, t'es livré à la barbarie, en fait, potentiellement, dans cette optique-là. C'est-à-dire, tout peut arriver n'importe quand, et il n'y a pas d'ordre aux choses. En même temps, la justice, ça implique aussi une hiérarchisation des méfaits. [00:10:29] Speaker B: Ben oui. Et des facteurs atténuants. [00:10:32] Speaker A: Et des facteurs atténuants, oui. Et des facteurs aggravants. [00:10:36] Speaker B: Oui, des facteurs aggravants, ben oui, ça va avec. [00:10:38] Speaker A: C'est-à-dire que là, donc Michael Richards, c'est quelqu'un qui était adulé du public puis qui s'est retrouvé à être typecasté parce que c'était Kramer. Alors Michael Richards a inventé Kramer et il l'est devenu. Puis donc, quand l'émission a pris fin après 9 ans, ça a été difficile pour lui, comme pour d'autres des acteurs principaux, de se réinventer. Qu'est-ce qu'il allait faire par la suite? Est-ce qu'il allait avoir sa propre émission? Parce qu'il était adulé. C'est ça. On l'aime encore, Kramer. ils ont mis sur Netflix la série Les 9 saisons de Seinfeld. Donc, les gens d'aujourd'hui se sont aussi attachés à Kramer. [00:11:30] Speaker B: Oui, d'autant plus que son humour, comme on disait tantôt, transcende les décennies. Ça n'a pas mal vieilli parce que les concepts ne sont plus du jour. C'est encore très facile de capter ce que ça veut dire. [00:11:45] Speaker A: Ce dans quoi il essaie de se recycler, c'est dans le stand-up comedy, dans l'humour sur scène. Et donc, cet épisode-là de rage sur scène, C'était dans le contexte où il se reconstruisait dans une carrière post-Seinfeld. Et c'était lui tout seul qui portait son propre spectacle. Les enjeux devenaient d'autant plus importants. Il n'y avait pas autour de lui toute l'équipe qui soutenait son rôle. Des textes écrits pour lui. C'est un... C'est un nouvel effort? C'est une nouvelle... C'est une nouvelle affaire? Il me semble qu'il faisait pas de stand-up avant. [00:12:29] Speaker B: Bien, il en avait fait un peu au début de sa carrière pendant peut-être quelques mois. C'était vraiment pas sa majeure. C'est un comédien, lui. Il est meilleur quand il a un rôle et qu'il lit. Donc, il peut intégrer et mettre sa couleur. Mais c'est un autre mode, c'est un autre médium, le stand-up comedy. T'es tout seul sur scène. Mais puis lui, en plus, c'est que... C'est la misère des riches, on peut dire, parce qu'il a eu un grand succès, puis il a fait de l'argent. Tu sais, t'arrives sur scène, t'es seul. Stand-up comedy, il y a pas de... [00:13:01] Speaker A: T'as pas de filet. [00:13:02] Speaker B: T'as pas de filet, t'es seul. [00:13:04] Speaker A: Oui. [00:13:04] Speaker B: Avec un micro. [00:13:05] Speaker A: Puis tes textes à toi. [00:13:06] Speaker B: Oui. Puis là, les gens ont en tête de toi une image très précise qu'ils aiment beaucoup autour de blagues que t'as faites puis de mots que t'as dit. [00:13:15] Speaker A: Oui. [00:13:16] Speaker B: Entre autres, basé sur la comédie plus physique, qui est dure à faire quand t'es tout seul sur un stage, tu sais. Je veux dire, t'es tout seul avec ton micro, tu peux pas t'enfarger tant que ça. C'est pas ça, le médium, c'est pas ça. Mais puis les gens ont des attentes très élevées. [00:13:29] Speaker A: Ils pensent qu'ils viennent voir Kramer. [00:13:30] Speaker B: Oui, puis nécessairement, tu rencontres pas ces attentes-là, t'es décevant. Puis en plus, il était pas très bon, ça a jamais été un très bon stand-up comédien. [00:13:40] Speaker A: Puis la culture du stand-up comédie, c'est aussi que les gens vont voir ça et se permettent de commenter pendant que t'es sur scène, de réagir à voix haute, d'embarquer, t'sais. Et puis aussi, t'es testé. Si t'es pas drôle, on va te le dire. Si t'es pas à la hauteur, on va te le dire, puis tu vas le savoir en live. Les gens peuvent se lever puis partir, les gens peuvent t'envoyer des commentaires. C'est ça aussi la culture de cet art-là, disons. [00:14:15] Speaker B: Oui, oui, tout à fait. [00:14:16] Speaker A: Et c'est ce qui est arrivé cette fois-là. Les gens qui arrivaient en retard, ont commenté, ont dérangé le spectacle. Et sa tirade enragée, elle a beau donner l'impression d'avoir duré longtemps, dans le grand ordre des choses, ça n'a pas duré longtemps du tout. C'est une demi-minute ou une minute au grand maximum. Mais c'est qu'il est vraiment allé très loin. Il était très, très enragé. [00:14:50] Speaker B: Oui, c'est ça, il a perdu le contrôle certainement de sa colère. [00:14:52] Speaker A: Il a perdu le contrôle et ce qu'il a dit, c'est des choses qui ne se disent pas, qui ne devraient même pas se penser, particulièrement dans le contexte... nulle part, mais en particulier dans le contexte américain, où c'est très sensible. Donc, il a fait référence à la période esclavagiste, Jim Crow, Tu sais, pour... En tout cas, ce qu'on comprend après, on pourrait y revenir, mais juste pour rééquilibrer quelque chose qu'il avait perçu, lui, comme une attaque frontale à quelque chose d'important pour lui, de la part de ces personnes-là. [00:15:37] Speaker B: Oui, puis il n'y a pas de doute que ce qu'il dit est grave. puis est disproportionné par rapport à ce que les gens avaient fait. Vous savez, les gens étaient arrivés en retard, ils avaient fait du bruit, ils avaient dérangé. Tu sais, c'est quelque chose qui arrive tout le temps, là. Après ça, ils l'ont insulté en disant que c'était même pas drôle, c'est pas gentil, mais en même temps, je veux dire, ça arrive tout le temps, là. [00:15:58] Speaker A: T'es là pour ça, entre autres. [00:16:00] Speaker B: Ben oui, puis ça se reprend, puis c'est pas... Il n'y a pas de commune mesure entre ce qu'on lui a dit et ce qu'il a répondu. Alors ça, il n'y a pas de doute, là. [00:16:11] Speaker A: Sauf que la première vraie victime réelle, c'est-à-dire, autant c'est scandaleux, puis autant tu peux avoir été blessé, t'sais, d'entendre ça, t'sais, de te faire engueuler par le comédien qui est sur scène, que t'es venu voir, autant celui qui a payé vraiment cher de sa personne, c'est lui. Le premier à... à avoir été détruit par sa propre rage, c'est lui-même. Parce que le lendemain ou le surlendemain, il était encore sonné et ce qu'il essayait de dire sans être capable de l'articuler comme il faut au David Letterman Show, très rapidement. [00:16:56] Speaker B: Moi je l'ai écouté live. [00:16:58] Speaker A: Oui? Je me rappelle. Oui. [00:17:02] Speaker B: Des fois, ça arrive que t'es là au bon moment. Mais ça change pas rien, on peut l'écouter en différé. [00:17:07] Speaker A: Mais c'était chaud. Tu savais pas tout ce qu'on sait maintenant. [00:17:11] Speaker B: C'est ça, mais je savais ce qui était arrivé. Donc, quelques jours plus tard, Jerry Seinfeld, son ami, son compadre, est invité à David Letterman, puis il s'arrange pour que... Michael Richards puisse apparaître, pas en présentiel, mais par vidéo, pour qu'il puisse s'excuser. Sauf que ça vient d'arriver, puis Internet n'est pas ce que c'était en 2006 comparé à aujourd'hui. Ce qui est arrivé est connu, mais pas si connu. Donc lui, il s'excuse de quelque chose que les gens ne sont pas vraiment au fait. [00:17:44] Speaker A: Donc c'est pour ça que les gens. [00:17:45] Speaker B: Rient en plus au début. [00:17:47] Speaker A: Imagine, imagine aussi. T'as été un comique, on te connaît comme étant cramer, et donc à chaque fois que tu parles, peu importe ce que tu dis, on rit. [00:17:56] Speaker B: Ben oui. Ton faciès... Même quand t'es sérieux. Ben oui. Il peut pas s'empêcher d'avoir sa bouille. [00:18:02] Speaker A: Oui. [00:18:02] Speaker B: Pis les gens, ça leur rappelle de dire sa bouille. [00:18:05] Speaker A: Oui, pis ils sont contents, pis ils sont prêts à rire, ouais. alors que c'est on ne peut plus sérieux pour lui, c'est on ne peut plus grave ce qui est en train de se passer à l'intérieur de lui. [00:18:15] Speaker B: Ça fait que c'est une débandade complète parce que là, il essaye d'exprimer son regret, mais les gens rient. Jerry Seinfeld disait aux gens, arrêtez de rire, ce n'est pas drôle. Mais en même temps, c'est tellement habituel que les gens trouvent ça drôle qu'ils pensent que ça fait partie de la blague. Ça ne marche pas, ça ne fonctionne pas. [00:18:33] Speaker A: Jusqu'au moment où il dit, j'entends les gens rire dans le studio. Mais ce que je veux dire, c'est que je ne me reconnais pas du tout dans ce qui s'est passé. Je ne suis pas quelqu'un de raciste. En même temps, il y a quelque chose qui s'est transmis à travers moi. Là, je paraphrase. C'est ce que j'entendais. J'espère que je n'ajoute pas de ma propre interprétation trop. Ce qui s'est transmis à travers moi, c'est quelque chose de très polarisé puis de grave qui se passe dans notre société. Puis moi, je veux pas être le véhicule de ça, mais je l'ai été. C'est ça. Sonner à sommet. Puis je veux juste dire en passant, pendant qu'on est sur le sujet de Seinfeld, c'est comment... comment ça, ça m'a émue, vraiment. comment ça parle du courage de ce gars-là, Jerry Seinfeld. C'est que c'est pas juste quelqu'un qui aime les mots, puis qui est comique, puis tout ça, puis tu sais, c'est quelqu'un qui reste libre dans sa tête. Puis face à quelque chose qu'un de ses amis a fait, qui pourrait le couler, puis on est au début de l'époque, là, qui va mener à Black Lives Matter, puis... au début de l'époque de cancellation, pour employer un anglais, un américanisme, que là, Seinfeld, ce qui compte, c'est de donner à son ami, de se porter à sa défense en lui donnant l'occasion de parler. En lui offrant sa tribune pour qu'il s'exprime, pour qu'il présente ses excuses, puis qu'il s'exprime. C'est pas tout le monde qui aurait fait ça. Le réflexe... Parce que ça aurait été. [00:20:23] Speaker B: Facile de s'en dissocier. [00:20:24] Speaker A: Exactement. C'est ça, ce qui est le réflexe de la plupart des gens. C'est non, non, je le connais pas, j'ai jamais connu, j'ai jamais vu. [00:20:32] Speaker B: Oui, c'est assez touchant. Jason Alexander qui jouait le rôle de... George. De George. Tu sais, à chaque fois qu'il fait une entrevue, ça revient, on lui dit, puis Michael Richards, l'événement 2006. Puis ils sont un peu tannés d'en parler, tu sais. Puis on le voit, souvent on le voit qu'il... parce que jusqu'à un certain point, tu peux pas être gagnant. Puis ça revient à ce que je disais tantôt. Il faut tout le temps que tu commences en disant, comme de raison, je corrobore pas ce qu'il a dit. Il faut que ça se fasse un topo pour pas que les gens disent, hé, écoute donc, toi, tu banalises ça. Fait que là, il y a comme tout un malaise. Mais à un moment donné, il finit par dire, il dit, regardez, moi... j'ai une chose à dire, c'est toujours la même chose, c'est très bref, il dit, c'est mon ami, je connais son coeur, c'est une bonne personne, c'est mon ami. [00:21:25] Speaker A: Oui. [00:21:26] Speaker B: C'est tout. [00:21:26] Speaker A: Oui. [00:21:27] Speaker B: C'est beau quand même. [00:21:28] Speaker A: Oui. Oui, c'est touchant. [00:21:30] Speaker B: Mais bon, cela dit... [00:21:33] Speaker A: C'est trop rare, en fait. [00:21:35] Speaker B: Bien oui. Bien surtout quand tu peux dire, tu sais, c'est toujours ça, hein, c'est... Quelle position tu... Quelle position quelqu'un doit prendre quand quelqu'un dans son entourage fait quand même une erreur comme ça. Puis c'est vrai que c'est une bonne position de dire, il me semble, je le propose, la société et différentes institutions font en sorte qu'ils vont pouvoir le juger et il va devoir payer sa peine comme il se doit. Mais moi, dans ma position où je suis un de ses proches amis dans sa garde rapprochée, c'est pas mon rôle de faire ça. Puis il peut avoir mon support. Tu sais, ça a de quoi de louable. Sans qu'on dise à cette personne-là, t'es en train de banaliser ce qu'il a fait. Pour vrai, ça s'explique. À un moment donné, les gens proches, t'as besoin des gens proches. Tout le monde a besoin de gens proches. [00:22:28] Speaker A: Puis aussi, il y a une grosse différence. entre quelqu'un qui est soudainement, dans un contexte donné, traversé par une rage qui l'amène à proférer des propos qui sont socialement scandaleux, et quelqu'un qui tient des convictions qui sont scandaleuses. C'est-à-dire, il y a un truc dans le temps aussi. Alors lui, ça l'a traversé. C'est un épisode de rage. Ça n'aurait pas dû arriver. Il aurait dû se contenir. Mais c'est l'affaire d'une fois. Ça ne reflète pas ses convictions. C'est comme une éruption de l'inconscient. C'est comme une éruption. Si toute sa vie antérieure et toute sa vie par la suite démontrent que c'est pas du tout... [00:23:24] Speaker B: C'est un événement parmi plusieurs autres, là? [00:23:26] Speaker A: Si ça démontre que c'est un événement parmi plusieurs autres, c'est pas la même chose que si ça démontre... C'est ce qu'on voit, c'est qu'il n'y a rien de proche dans sa vie de tous les jours, dans ses interactions avec les gens, d'une conviction en lien avec ce qu'il a dit. Ce n'est pas pareil non plus. [00:23:49] Speaker B: Mais tu vois, c'est intéressant. Moi, toi, on est toujours dans ces considérations-là. Mais c'est vrai que si on se met dans la position d'un avocat de la Couronne ou de la Défense, l'avocat qui essaie de le condamner pourrait dire « Ouais, mais quand même, comment de tels propos peuvent émerger de cette personne-là sans qu'il en soit responsable. C'est lui qui le dit et ça viendrait pas à n'importe qui de dire des choses comme ça. Donc, il y a une responsabilité, c'est lui qui le dit. L'avocat de la défense, je pense, pourrait vraiment plaider certains facteurs atténuants, notamment le fait qu'il y a quand même un contexte particulier quand tu fais du stand-up comedy, c'est-à-dire que c'est quand même un contexte où presque tout est permis quand même, dont beaucoup d'exagérations. En même temps, lui, il n'y avait pas de deuxième degré, troisième degré, c'était de la vraie rage. Je ne suis pas en train de dire que ce qu'il a dit, c'était juste un troisième degré qui n'a pas été compris. Mais c'est pour expliquer comment ça peut émerger, c'est que c'est un contexte particulier où tu es en train d'explorer, parce qu'il y avait beaucoup d'aspects adlibs dans son numéro, t'sais. T'es en train d'essayer, de choquer, d'inventer. C'est ça, ton métier. Fait que c'est vrai que, t'sais, si on se met tous les deux sur un stage, puis notre but pendant quelques minutes, c'est d'essayer de choquer les gens, de les faire rire, de trouver des ressorts pour être à côté de ce qui est accepté. Mais c'est vrai qu'on se met dans une position à risque de dire des choses qui dépassent les limites acceptables de la société. C'est un peu ça... C'est un peu ça, l'exercice. [00:25:26] Speaker A: Il y a ça, puis il y a aussi le contexte de la salle de spectacle qui crée quelque chose de particulier. Je sais pas comment, je sais pas pourquoi, mais là, je vais te citer un exemple que tu connais bien pour l'avoir vécu. C'est l'exemple d'une présentation de quelqu'un dans une salle, dans un amphithéâtre qui est comme une fosse avec... T'sais, les chaises montées en cône, là. Et c'est une présentation où on invitait à ce que ce soit libre et improvisé ou libre. En tout cas, le plus libre possible, le moins convenu possible. Et donc une personne fait une présentation et décide de se servir des organisateurs pour illustrer quelque chose de son propos. Les organisateurs, c'est nous. On est contraints, par sa parole, à se retrouver sur scène. Visiblement, ça ne nous tente pas. On se traîne les pieds. En tout cas, elle nous dit « faites ceci, faites cela ». Et là, il y a une dame dans l'assistance hurle, c'est un scandale. Et il y a quelqu'un à l'autre bout de l'assistance qui hurle une injure à cette dame-là qui vient de dire que c'est un scandale. En tout cas, ça a été un moment scandaleux. Je pense pas que ça, c'était très intense. Je pense pas que ça, cet événement-là, serait arrivé dans un contexte d'une salle de classe, par exemple. Tu sais? Il y a l'éclairage de l'amphithéâtre, l'ambiance, la façon dont les sièges sont disposés, le fait qu'il y ait une personne sur scène qui... Tu sais? Qui... Je sais pas, c'est quoi? Ha! Ha! Ha! Ha! [00:27:33] Speaker B: Mais moi, je pense que l'éclairage, il participe. parce que tu vois pas à qui tu t'adresses, il y a la pénombre, c'est pas pareil comme si il y avait quelqu'un en face de toi. Tu cries à ton grand hôte. C'est pas qu'il a crié, c'est un scandale. C'est un peu ça aussi dans le cas de Michael Richard. [00:27:51] Speaker A: Et de la même façon, cette personne-là qui a injurié l'autre madame à la fin, à la période de question, a tenu à aller au micro pour s'excuser, puis essayer d'expliquer qu'il comprenait pas qu'est-ce qui lui était arrivé, c'est pas du tout son genre. C'était comme partie de tout ça. Puis que quoi, quand après l'entracte ou quoi, il s'était rendu compte que ça l'avait lui-même ébranlé et surpris. [00:28:19] Speaker B: Ça fait que ce contexte-là de Comédie Club... Tout à fait. Puis l'alcool, puis tout ça, puis... [00:28:26] Speaker A: Le fait que tout le monde parle autour, puis que tu penses que tu peux passer inaperçu aussi. C'est pas toi qu'on regarde, c'est le gars sur la scène. Ça fait que tu peux te permettre de dire des choses. Mais là, le gars qui est sur scène, lui, qui prend toute la pression de tout ce qui se passe, s'il est pas équipé pour ça, ça peut être brutal. [00:28:46] Speaker B: Puis lui, un peu dans la même lignée de ce que tu dis, il s'adresse aux gens qui viennent le déranger, mais ces gens-là, à part leur faciès ou la couleur de leur peau, tu sais, ils ne connaissent pas, ils ne connaissent pas par leur nom, ils s'adressent en général. [00:28:59] Speaker A: C'est ça. [00:28:59] Speaker B: Ça aide aussi à s'emporter. [00:29:01] Speaker A: Oui. [00:29:02] Speaker B: On pourrait le plaider, on pourrait l'argumenter que ça aide à s'emporter. [00:29:08] Speaker A: Fait que là, tu prenais la perspective de l'avocat de la défense, qui disait, oui, mais c'est un... Il faut prendre en... Il faut, comme facteur atténuant, considérer... Comme facteur, oui. [00:29:18] Speaker B: Moi, je pense que oui, on pourrait... Excuse-moi. [00:29:21] Speaker A: Non, c'est ça. Le contexte particulier... [00:29:22] Speaker B: Le contexte particulier de... d'essayer, puis c'est un peu ça qu'il a essayé de dire par la suite, mais ça ne l'a pas aidé, ça lui a même nuit, en fait. Il a dit, ouais, mais j'ai été, je me suis mis comme dans une espèce de mode de judo, tu sais, d'utiliser la force de l'adversaire, donc d'utiliser l'injure pour essayer de sur-injurier, d'essayer de faire un méthode pour... Là, il s'enfargeait, c'était pas compréhensible, puis en fait, tout ce que les gens voulaient entendre, c'est... J'ai fait une gaffe, tu sais. [00:29:54] Speaker A: Désolée, c'est grave, c'est inacceptable. [00:29:57] Speaker B: Ce qu'il a fini par dire aussi, mais c'est vrai que c'est pas quelque chose qui se théorise facilement parce que... Mais bon, t'imagines, t'as un moment de rage qui, malheureusement, est filmé. C'est ça que j'allais dire. Parce que c'est un hasard. C'était pas filmé, son spectacle. Ça a donné qu'il y avait quelqu'un, que ça s'est passé. En fait, le hasard a fait, on peut le dire comme ça, que c'est arrivé en 2006 et que si c'était arrivé en 1996, dix ans plus tôt, personne l'aurait jamais su. [00:30:26] Speaker A: C'est ça. [00:30:26] Speaker B: Parce qu'en fait, les gens ne l'auraient su parce que quelqu'un aurait dit « Hey, tu sais pas quoi, j'étais dans un spectacle » et il a perdu le contrôle. Mais comme on n'aurait pas pu l'entendre... [00:30:33] Speaker A: C'est ça. [00:30:34] Speaker B: Ça aurait été... Qu'est-ce qu'il a dit? Il a dit ça, il a dit ça... Mais là, il y a quelqu'un qui avait son téléphone. [00:30:43] Speaker A: Puis qui a envoyé le film à TMZ. [00:30:45] Speaker B: Oui. Il y a la preuve. [00:30:51] Speaker A: Irréfutable. [00:30:52] Speaker B: Puis ça serait aussi quand même un argument en sa faveur, dans un sens. C'est vrai que tu dis... Celui qui n'a jamais fait d'erreur jette la première pierre. Malheureusement, nous, on est chanceux. Nos erreurs de jeunesse, c'est sûr que quand on les a faites, il n'y a personne qui a sorti son téléphone. Le contexte a voulu que c'était comme ça. Aujourd'hui, ce n'est pas comme ça. En 2006, ce n'est pas comme ça. Donc, encore là, ça ne vient pas à rien excuser, mais c'est vrai que... Ça ne vient pas rien excuser, parce qu'on pourrait en parler tantôt, mais en termes de, après ça, quelle devrait être sa peine ou sa punition, cet élément-là qui est hors de son contrôle, pareil, fait en sorte qu'il y a... il y a une certaine punition inhérente au fait que ça a été filmé, en fait. [00:31:37] Speaker A: Oui, c'est ça. Oui, c'est ça. Puis il y a quelque chose, je pense, je sais pas si je l'ai dit, mais en tout cas, malheureusement, si je l'ai dit, je vais le redire, c'est qu'il y a quelque chose de sous-estimé, je trouve, puis de quand même dramatique dans l'humiliation publique, le potentiel traumatisant de l'humiliation publique. Quand tu sais que t'as fait quelque chose, Et même si t'as rien fait, je pense que ça doit être la même chose en fait, je sais pas. Mais quand tu sais que t'as fait quelque chose et que t'as des regrets de l'avoir fait, mais qu'en plus, tout le monde le sait. ça ajoute une couche, c'est traumatisant, en fait. C'est-à-dire, tu as fait quelque chose de répréhensible, tu sais que c'est répréhensible, tu as des regrets, mais là, le fait que ce soit partout et que ce soit aggravé du fait que tu es quelqu'un de tellement connu, puis que c'est tellement... pas toi, ça ressemble pas du tout au personnage que t'as cultivé pendant des années, ajoute à l'effet traumatisant potentiellement de ce que t'as toi-même fait. Il n'y en a pas eu de sanction extérieure. Il y a eu une sanction. Bien, les gens n'ont pas trouvé ça cool. [00:33:15] Speaker B: Ils l'ont poursuivi. Il y a deux personnes qui l'ont... Ah oui? [00:33:17] Speaker A: Ah, je ne savais pas. [00:33:18] Speaker B: Bien, je ne sais pas où c'est allé. Je pense que ça a été... Régulé hors-cours. Régulé hors-cours. Il faut avoir un montant peut-être à un moment donné qu'ils essaient de s'entendre. [00:33:26] Speaker A: Donc, il n'y a pas eu de procès. Non. Il y a eu une sanction financière. [00:33:30] Speaker B: Mais vraisemblablement, l'aspect monétaire n'a pas été l'aspect qui a été dérangeant dans l'affaire. [00:33:35] Speaker A: Non. [00:33:37] Speaker B: C'Est le moindre de ses soucis, en fait. Parce qu'il a continué à vivre avec la... cette espèce de malaise-là, même après avoir dit, bon, bien, parfait, je vous dois combien, puis il fait le chèque, puis c'est tout. [00:33:48] Speaker A: C'est que... c'est ça, l'histoire, c'est qu'après cet événement-là, lui s'est retiré de la vie publique presque à 100 %, à part quelques rares apparitions, dont dans un sitcom de Larry David qui a coécrit Seinfeld, où on le met en scène comme quelqu'un d'enragé, justement, pour essayer de récupérer ça, mais ça a été triste un peu pour tout le monde de cette équipe-là de le voir, c'est ce qu'on sent en playlist, de le voir s'auto-annuler, s'auto-reprocher, c'est-à-dire que ça a été... 20 ans plus tard, il est encore, tu le sens, là, il est encore aux prises avec... avec quelque chose de lourd en rapport avec cet événement-là. On disait la dernière fois... Bon, c'est ça. On disait la dernière fois, parce que c'est dans la suite de l'épisode qu'on a fait sur Bertrand Cantan, c'est qu'on a deux actes transgressifs et deux épisodes de rage intense. qui ont des conséquences vraiment différentes l'une de l'autre, des niveaux de gravité dont on peut dire qu'ils sont différents dans la hiérarchie de la gravité des actes, c'est-à-dire qu'il y en a un, ça finit par la mort de quelqu'un, Il y en a un autre qui a blessé, offensé des gens. C'est pas le même niveau, c'est pas la même gravité, mais en même temps, c'est une rage pour les deux. [00:35:28] Speaker B: Puis il y a une rage exprimée avec des mots, puis il y a une rage exprimée avec des gestes qui ont des conséquences différentes sur le corps d'une personne versus l'état mental de l'autre. C'est vrai, les gens qui ont subi la tirade raciste, on dit après, avec raison, « it was uncalled for ». On n'a pas dérangé tant que ça, on a fait notre vie. Nous autres, on a été un peu baveux. On m'inquiétait pas de se faire haranguer comme ça, c'est tout à fait vrai. Mais en même temps, deux, trois jours plus tard, bon, il jasait de ce qui s'est passé, qu'il était invité à des talk-shows, il disait peut-être qu'on pourrait avoir une compensation financière. Vraiment, selon, attends, à moins vraiment d'être de mauvaise foi, il me semble, on peut pas comparer ça à la mort d'un individu. [00:36:09] Speaker A: Non, c'est ça. C'est ça. D'autant plus qu'en fait, on sait tout de suite qui est le coupable. Et donc, le fait de le savoir qui est le coupable, déjà, c'est la moitié de la peine qui est faite. Comprends-tu? Quand c'est des mots, quand tout le monde condamne les mots de cette personne, il y a comme déjà une forme de réparation. [00:36:34] Speaker B: Oui, oui, oui. [00:36:35] Speaker A: C'est pas la même chose quand t'as perdu quelqu'un qui t'est cher. que tout le monde sache c'est qui qui est responsable, ça change rien à ta perte. Ta perte, elle est tangible chaque jour. [00:36:48] Speaker B: C'est ça. Puis Bertrand Cantat a été capable, puis je le dis sans jugement, mais vraisemblablement, il a été capable de, à un moment donné, se dire, moi, on m'a donné une peine à subir, je l'ai complétée, On m'a dit, après un certain temps, bravo pour... Bien, pas bravo, là. Ça, c'est une mauvaise foi de nom d'abord, là, mais... On m'a dit, regarde, t'as une conduite exemplaire. [00:37:17] Speaker A: Oui, en prison. [00:37:18] Speaker B: On le souligne. [00:37:19] Speaker A: T'es le meilleur prisonnier qu'on ait jamais eu. [00:37:21] Speaker B: Félicitations. Tu peux donc sortir plus vite. Puis lui, il a été en mesure de dire, bon, bien, ma dette est payée à la société, je peux retourner à mes occupations et j'ai le droit de faire fructifier mon talent qui est tout à fait présent. Il a eu un vrai talent et que les gens apprécient. Je peux, je dois et je vais le faire. Michael Richards, lui, n'a pas été capable. Il n'a plus jamais été capable de dire, je vais faire rire du monde avec mon talent. Il a comme commis un original sin, un péché, puis il ne peut pas payer sa dette. C'est quand même triste. [00:37:57] Speaker A: C'est ça. Oui. Oui. Quand tu compares le niveau de gravité, la réaction, tu te dis, mon Dieu, cette personne-là, Michael Richards, il se punit donc beaucoup. quand on compare à quelqu'un qui ne semble pas sentir qu'il a de raison particulière de se punir lui-même. [00:38:27] Speaker B: Mais bon, puisque probablement que l'aspect financier qu'il a dû payer n'avait pas de consistance pour lui, c'est drôle à dire, mais je pense que c'est le cas, Michael Richards a souffert du fait qu'il n'y a pas quelqu'un qui lui donnait une sanction claire à payer. Même en fait il aurait bénéficié qu'elle soit injuste. Quelqu'un lui aurait dit, des gens auraient décidé, regarde, tu vas aller trois mois en prison. Trois mois en prison pour s'être emporté dans un compte. Tu sais, c'est pas rien. Mais admettons que c'est ça qui arrive. Après ça, c'est plus facile de dire, bon, mais là, j'ai payé ma dette. Je l'ai même trop payé. Mais là, maintenant, je peux passer à d'autres choses. Lui, il peut pas passer à d'autres choses. C'est le mécanisme, en fait, de rester dans ce qui s'est passé. [00:39:20] Speaker A: C'est vrai. Ça n'a pas juste pour fonction de recouvrir d'un papier de cellophane la barbarie, le système judiciaire. Ça a aussi pour fonction de dégager... En fait, c'est une forme de barbarie, la violence que tu peux t'infliger à toi-même, la violence irrégulée envers toi-même. Là, je présume, tu sais, je ne sais pas... Puisqu'il a eu pratiquement aucune présence publique, je sais pas le détail de ce qu'il a pensé ou de comment il a vécu tout ça de l'intérieur, mais ce qu'il a fait, entre autres, c'est de se punir en s'excluant du... de tout son réseau social, de tout son métier, en annulant son métier, en ne faisant plus jamais de prestations publiques ou, une fois rarement, parce que son entourage a insisté, en fait. [00:40:20] Speaker B: À quelques reprises. Puis là, en fait, c'est d'actualité, parce qu'on est en 2025, puis là, Jerry Seinfeld travaille à faire un projet, et il a pour idée de le réhabiliter puis de le ramener, puis d'utiliser son talent. Michael Richard hésite. Il y a des gens encore qui disent qu'il ne devrait pas, c'est un raciste, tout ça. Jerry Seinfeld s'en fout. Il dit... Il a cette chance-là. Jerry Seinfeld garde le cap, il dit, ceux qui ne veulent pas, Ceux qui voudront pas écouter ce que je fais parce qu'ils ont des reproches à faire à Michael Richards pour ce qu'il a fait en 2006, je ne veux pas qu'ils écoutent de toute façon. Enfin, écoutez pas. Comme de raison, c'est... c'est la chance que t'as quand t'es un multimillionnaire, hein? C'est-à-dire, à un moment donné, le comptoir, il est signé, il peut rien t'arriver. Il a donc la chance d'avoir avec lui Jerry Seinfeld qui a assez de moyens pour s'en foutre de ce que les gens pensent, en fait. C'est un multimillionnaire, c'est un milliardaire, en fait, d'argent qu'il a fait avec Seinfeld, qui continue. [00:41:28] Speaker A: Ah oui, mais je peux-tu faire une parenthèse? Il y a de quoi aussi. Il n'y a aucun moyen... Quand j'essayais d'illustrer... On a fait un autre épisode sur Seinfeld. Il faut trouver des illustrations. Il n'y a aucun moyen. Tout est copyrighté. Tout, tout, tout. Puis ils font des produits dérivés sans arrêt. C'est-à-dire, dernièrement, t'avais une série de shorts, tu fais des cours extraits sur comment gérer ses émotions à la Seinfeld. Alors, on repart des extraits. Tu sais, c'est comme... Je veux dire, il y a... Il en arrive, de l'argent, avec cette série-là, puis les produits qui... Oui, oui. [00:42:08] Speaker B: Oui, tout à fait. [00:42:09] Speaker A: Les produits dérivés. [00:42:10] Speaker B: Mais ce que je voulais dire, puis moi, je trouve ça fascinant, puis j'espère que je suis pas le seul, mais je sais que toi, ça va t'intéresser aussi, c'est qu'on peut vraiment avoir comme principe que chaque personne, vraiment sans exception, presque, dans la vie, a certains moments, s'il est honnête avec soi-même, quand il pense à sa vie, où il a fait des affaires qui étaient vraiment pas très... correcte, glorieuse, puis qui aurait pu, dans une mauvaise circonstance, se le faire reprocher, puis être pris dans un tourbillon. Tu sais, c'est quand on pense à notre jeunesse, à nos enfants. Ah oui, cette affaire-là, c'est vrai que... dans une autre circonstance... Bref. [00:42:47] Speaker A: Oui, carrément, si c'était à refaire, je ferais jamais ça. [00:42:49] Speaker B: Exact. [00:42:50] Speaker A: Je regrette tellement de l'avoir fait. [00:42:52] Speaker B: Et des fois, on peut dire, en même temps, bon, bien, j'avais 20 ans, puis finalement, c'est pas si grave, il est rien arrivé, mais c'est excusé, pa pa pa, puis c'est fini. Mais donc Jerry Seinfeld, et juste avant d'en parler parce que c'est délicat un peu, mais donc c'est intéressant de penser à ça des fois, tu sais, tu regardes une personne puis tu dis ce qu'elle est devenue, ce qu'elle aurait voulu devenir. ce qu'elle aurait pu devenir juste s'il y avait eu une petite malchance à la place de la chance qu'elle a eu. Donc, vraiment de comparer tous ces différents personnages-là, tous ces potentiels-là. C'est le film de David Lynch que j'adore, «The Inland Empire», où tu as en fait plein de facettes d'une personne. ce qu'elle aurait rêvé, voulu être, une actrice, ce qu'elle a été, qui était, bon, assez ordinaire, la déchéance dans laquelle elle aurait pu tomber si quelque chose d'autre serait arrivé. Puis on a tout ça en soi, dans un certain sens. Mais bref, donc, Jerry Seinfeld aussi. Jerry Seinfeld, pendant un moment où il était très populaire, puis j'ai pas les dates parce que je pensais pas en parler, mais il y a eu un petit mini-scandale où il y avait quelque chose comme 37-38 ans, puis il sortait avec une fille de 17 ans. Puis il l'a accompagné à son bal des finissants de secondaire 5. Ça aurait pas pris grand... Puis je dis pas qu'il a fait quelque chose de mal, j'ai pas les détails. Mon point, c'est pas... Il a pêché, puis il devrait être puni. Mon idée, c'est que... il y avait quelque chose là dont ça n'aurait pas pris grand-chose pour que ça vire mal. Tout le potentiel était là, à un moment donné, dans un contexte, une circonstance, un journaliste qui l'haït. Ça aurait pu mal virer, puis ça n'a pas mal viré. Il a eu une carrière extraordinaire, puis des grands succès, puis la liberté de faire son art, puis tant mieux pour lui. Mais c'est juste quand même ça rend... Je ne sais pas que ça rend quoi, peut-être humble, Il y a eu cet événement-là, lui, qui aurait pu être grave, qui a évité. Puis c'est la même chose pour Michael Richards. Il aurait pu ne pas être filmé, puis ça aurait été juste une espèce de petite rumeur qu'on raconte. [00:45:01] Speaker A: Oui, mais il y a ça, ce que ça aurait fait pour lui, ce qui aurait pu arriver pour lui dans le grand ordre des choses, socialement. Mais il y a la différence aussi, c'est comment un individu réagit lui-même par rapport à ce qu'il a fait. Est-ce que ça aurait changé quelque chose sur comment lui se sentait? par rapport à ce qui était arrivé? Parce que c'est quand même assez intense, sa décision de s'retirer complètement et de ne pas essayer même de se racheter publiquement d'aucune façon, juste de disparaître puis d'arrêter. Est-ce qu'il aurait réagi autrement dans d'autres circonstances si ça n'avait pas été, par exemple, filmé? C'est une question aussi. [00:45:43] Speaker B: Exact. Oui, oui, tout à fait. Puis, ça vaut la peine de le souligner, c'est pas comme s'il avait dit, selon ce qu'on en comprend, mais ça paraît assez légitime, c'est pas comme s'il avait dit, bon, regardez, moi, j'ai fait de mon argent, de toute façon, j'ai pas besoin de tout ce brouhaha-là, je vais aller faire ma vie privée, puis je vais avoir du plaisir. Tu sais, il reste à chaque entrevue qu'on voit, Il ramène, il ramène ce truc-là, il dit «Ah, ça continue à me hanter, je continue à me demander...» Puis des fois, les gens, ils disent «Bien, tu sais, peut-être qu'il faudrait que tu te débarrasses de ce lourd sac que tu portes, là, tu sais...» Mais en même temps, c'est ça, c'est qu'il n'y a pas de moyen de payer sa dette, on dirait. Tu sais, c'est triste, là. [00:46:23] Speaker A: Mais il y a aussi des personnes, c'est pas tout le monde non plus qui réagit de la même façon à la transgression ou à l'erreur quand c'est eux qui la font. [00:46:34] Speaker B: Oui, oui. [00:46:35] Speaker A: Il y a des gens qui vont réagir très, très, très fort à des petites erreurs et des gens qui vont réagir absolument d'aucune façon à des erreurs graves. Oui. [00:46:47] Speaker B: Oui, oui, exact. [00:46:50] Speaker A: Si toi, comme t'as essayé toute ta vie, par exemple, d'être quelqu'un d'honorable, d'être quelqu'un d'éthique, d'être quelqu'un de responsable, de juste, d'intègre, et qu'une bonne journée, sortie du tréfond de tu-ne-sais-où, tu profères des mots violents, à l'endroit de quelqu'un d'autre et en public, ça peut être beaucoup plus difficile de te pardonner, même peu importe la sanction, qu'elle vienne ou pas de l'extérieur. Si t'as toujours fait ce que tu voulais et que tu penses que t'es top king top, tu sais, ben tu peux te pardonner facilement, c'est la faute de l'autre, pis elle me l'a fait faire, pis il faut comprendre le contexte, pis de toute façon, pensez ce que vous voulez, je m'en fous, moi je continue à faire ce que... T'sais, c'est pas tout le monde qui réagit de la même façon à sa propre transgression. J'ai l'air de dire, c'est banal ce que je dis, mais c'est quand même important de le souligner dans le contexte parce que ce gars-là, c'est quand même un lourd fardeau qu'il s'est mis sur les épaules et dont il n'arrive pas à se débarrasser. Ça parle de lui beaucoup comme personne, il me semble. [00:48:19] Speaker B: Oui, oui, tout à fait. Non, tu as raison de le souligner. Autrement que ce que je disais de la punition ou non à payer, qui est un facteur aussi, mais qui n'est pas le seul. Puis dans son cas, moi je ne le connais pas. Puis je n'ai pas entendu, tu sais, comme il s'est retiré de la vie publique, il n'y a même pas tant d'entrevues avec lui. Il y en a quelques-unes récemment, puisqu'il a écrit un livre il y a quelques mois, l'année passée. De ce que j'ai entendu qu'il m'a interpellé, je suis allé voir ce qu'il pensait. Ça peut être un facteur qui fait en sorte que c'est plus dur pour lui à vivre. Moi, je comprends Michael Richards comme quelqu'un qui a un monde imaginaire très, très, très développé. Donc, il a toujours été... imbibée par son monde imaginaire, donc de la difficulté même en interaction avec des gens, parce que dans un monde qui s'inventait. Et ça a toujours été ça. Puis on connaît des gens comme ça, qui ont un monde imaginaire très, très développé. Puis notamment, sans faire de la psychologie facile, mais il a été élevé par sa grand-mère, qui était schizophrène, puis qui entendait des voix, puis qui parlait à ses voix, en italien. Fait que lui, il était tout petit, il avait 2, 3, 4 ans, pis il se plaint pas de tout ça, là, il raconte factuellement. Il avait 2, 3, 4 ans, pis sa grand-mère, elle était dans des grandes conversations avec ses voix italiennes à qui elle parlait pis elle répondait. Fait que nécessairement, il y a comme un monde, là, qui se déploie devant toi, à laquelle t'as pas accès. [00:49:41] Speaker A: Ah, je savais pas ça. [00:49:43] Speaker B: Pis sa grand-mère, plus elle allait moins bien, plus ses voix étaient envahissantes. Pis des fois, elle quittait la maison, pis elle suivait. Pis sa grand-mère, elle disait « Non, non, retourne. » Puis il raconte ça, comment elle était à la fois très aimante avec lui, très caring, très sweet. Fait que lui, il était très en sécurité, il était une bonne personne. Mais de temps en temps, il avait des grands éclats où elle se mettait à s'engueuler en italien avec les voix qui l'envahissaient. Fait que, bref, moi, je dis pas qu'à cause de ça, il a été amené à développer un imaginaire, mais quand même, il y a des thèmes d'être envahi, d'être imprégné par, tu sais, qu'il était souvent seul, puis que ce qui l'a attiré dans le métier de comédien, c'est de créer des personnages. C'est ça qui était pour lui magique, de dire ben moi je suis dans ma tête à me créer des personnages, créer des mondes imaginaires, puis là je peux le faire, puis en faire un métier. C'est incroyable quand il a découvert ça. Puis je dis tout ça parce que Donc tu as cette espèce de fil conducteur-là dans sa vie, que je résume, que je pense qu'il se tient, versus on dirait un moment où, c'est comme s'il décrit, c'est le moment de sa vie où il n'y avait pas de personnage, où il y a comme quelque chose qui a émergé de lui, qui a vécu de vrai, mais qui savait pas qu'il était là. Parce qu'il aurait pu dire... Moi, dans mes outils de personnages, j'ai un personnage qui est un raciste un peu baveux. J'ai sorti ce personnage-là de mon sac à trucs. C'était mal en compte, j'aurais pas dû faire ça, mais mon personnage s'est emporté. Au contraire, c'est comme si... Après ça, sa seule réaction, c'était de dire, mais qu'est-ce que j'ai donc de rage en moi que j'ignorais? Bref, je mets ça en contraste, mon imaginaire débordant, puis cette espèce d'un coup d'émergence d'un réel qui est à lui, à lui seulement, qui définit qui il est, puis qui peut pas accepter. [00:51:50] Speaker A: Oui, ah c'est vraiment intéressant. C'est vraiment intéressant, c'est touchant en fait. C'était une entrevue où il parle de ça? [00:51:57] Speaker B: Oui. [00:51:58] Speaker A: Dans une autre entrevue où il évoque, donc dans la suite de son livre, dans la campagne de publicité entourant son livre, qui est quand même modeste comme campagne, mais tu sais, qu'il a découvert assez tard que finalement, c'est le fait que sa mère a été violée qui a fait qu'il est venu au monde. Donc, il est l'enfant d'un viol. Et que ça, ça a vraiment bouleversé beaucoup de choses dans lui, puis dans sa réflexion, puis dans sa compréhension de ce qui l'avait amené à être comédien, puis à jouer des rôles. Puis la question toujours du désir des autres pour lui de ne pas avoir été désiré. C'est quelque chose qui... Enfin, c'est comme ça qu'il l'a compris. C'est la question qui est venue de cette découverte-là de son histoire. L'effet sur lui. de l'impression de ne pas avoir été désirée. C'est un bonhomme très touchant. Même si on le voit peu et qu'on le connaît peu, c'est un bonhomme très touchant. [00:53:26] Speaker B: Oui, puis... Je pense que même dans la façon dont il a exprimé son art dans Seinfeld, il y avait quelque chose de touchant dans un sens parce que... Dans la façon, dans toute la gestuelle qu'il faisait, tu sais, tantôt, je l'ai mal décrié parce que ça allait beaucoup plus loin, ce qu'il faisait, que s'enfarger dans le tapis puis tomber, là. Beaucoup, beaucoup plus. [00:53:47] Speaker A: Oui, oui, c'était pas tarte à la crème. [00:53:48] Speaker B: Non. Il y a comme toute une gamme d'émotions qu'il peut porter, qu'on voit, puis qu'il se déploie. Quelqu'un qui arrive avec confiance. Te rappelles-tu, il y a un épisode où il veut se venger contre un... une buanderie, quelque chose de pas caractéristique, j'oublie, puis il arrive avec du ciment qu'il veut mettre dans la machine. Puis là, il fait semblant que c'est normal d'avoir du ciment, puis que tout le monde en a, mais là, ça tombe partout. On peut voir toute une gamme d'émotions, un après l'autre. Vraiment, c'est un talent hors de l'ordinaire, moi, je crois. Mais donc, mon idée, c'était que pour être capable de faire ça, Ça, pour moi, ça implique une certaine sensibilité. [00:54:35] Speaker A: Oui. [00:54:36] Speaker B: Tu peux pas être juste, puis tant mieux pour ceux qui le sont, mais tu sais, des gens qui ont des égos très développés, puis qui sont beaucoup dans la démonstration de qui ils sont, puis dans le panache, puis tout ça, ils n'ont pas nécessairement la sensibilité de montrer toute une gamme d'émotions autour de l'aventardise, mais l'aventardise qui vire en malheur, qui revient, qui s'échappe, qui... Tu sais, tout ça, pour moi, il y a comme une sensibilité qui possède. [00:55:02] Speaker A: Dans une table ronde de l'équipe des personnages principaux de Saint-Inferno, je ne sais pas combien d'années plus tard, très longtemps plus tard, lui, il parle très peu. Les autres parlent, mais lui, il parle très peu. Mais à un moment donné, c'est Julia Louis-Dreyfus, qui faisait Elaine, qui dit, on le sentait, en fait, quand tu te pratiquais pour une scène, il y avait C'était comme un cercle énergétique autour de toi. On comprenait la frontière, on le sentait, qu'il ne fallait pas y entrer. l'intensité... À un moment donné, c'est lui-même qui dit, je pense que si c'était à refaire, je prendrais peut-être mon rôle moins au sérieux. [00:55:50] Speaker B: Oui, oui, je l'ai entendu dire ça. [00:55:51] Speaker A: Je travaillerais moins sérieusement. Parce que c'était très sérieux, en fait. [00:55:54] Speaker B: C'est ça, j'en profiterais plus puis j'aurais du plaisir. [00:55:57] Speaker A: Oui, c'est ça. Puis cette énergie-là qui fait dire à Julia Louis-Dreyfus, on plaissait tranquille, en fait. c'est l'énergie, l'intensité qu'il mettait dans la création de son personnage, puis dans la façon de jouer les moindres détails, justement. [00:56:15] Speaker B: C'est un défi parce que des fois, dans une scène, il n'y avait même pas de choses à dire. Donc, il était juste présent physiquement. Des fois, il se donnait comme défi de comment ajouter quelque chose de drôle sans enlever l'emphase sur ceux qui parlent, puis ce qui se passe dans la scène, mais comment être là, ne rien dire, mais avoir quelque chose dans le faciès ou dans le mouvement qui vient ajouter. C'est vraiment un art qui n'est pas donné à tout le monde de faire ça, vraiment. [00:56:40] Speaker A: Puis que lui pratiquait avec intensité. Je relançais par rapport à la sensibilité particulière, à fleur de peau, mais aussi l'intensité. qui a peut-être contribué à ce qu'il pète une coche solide pendant son one-man show. C'est-à-dire l'intensité de l'engagement dans ce qu'il est en train de faire, le sérieux avec lequel il le fait. Puis la sensibilité à ce qui se passe autour, tu sais, qui a permis à quelque chose de très intense de malheureusement sortir puis de le brûler, en fait. [00:57:18] Speaker B: C'est ça. Puis aussi, je ne sais pas si on le défend trop, je pense. Pourtant, le but, ce n'est pas de le défendre, c'est vraiment de décortiquer ce qui s'est passé. Moi, je ne le connais pas personnellement. Il ne m'a rien demandé. Mais c'est un exercice comme tel d'essayer de penser à des gens comme ça. qui commettent des méfaits, puis après ça, comment ils s'en sortent, comment ils ne s'en sortent pas, c'est quoi les mécanismes, puis par rapport à ce que tu viens de dire, t'imagines quand même, tu sais, si c'est quelqu'un qui ne sait pas trop qui il est, comme on sait jamais tous vraiment qui on est, mais lui en particulier, parce qu'il a un monde imaginaire très fort, puis qu'il se plonge dans plein de personnages, alors donc son mécanisme dans la vie, c'est pas de s'accrocher à une identité claire en disant, t'sais, moi je suis comptable, etc. C'est au contraire, c'est de passer de personnage en personnage, de vivre la particularité à un moment donné, d'être reconnu, pour quelqu'un que tu n'es pas, de te faire rappeler Kramer par tout le monde. Mais il n'est pas Kramer. Sa vie, ce n'est pas Kramer. Puis des gens qui ont l'impression de bien te connaître comme personnage, ça ne doit quand même pas toujours être facile. Ce mécanisme-là. Tu sais, des gens qui t'interpellent avec des blagues, des gestuels que tu as faits, mais même qui te ramènent dans ton personnage constamment. Puis du reste, c'est un peu ça qui est arrivé. Quand il a essayé quelques trucs après Seinfeld, ça n'a pas fonctionné. Il a essayé un retour au stand-up comedy, puis il était dans l'exercice d'essayer de retrouver qui il était, donc qui pouvait être son personnage. Ou si ce n'était pas un personnage, mais c'était lui, bien, il était qui, lui? Pour que les gens ne disent pas, mais dans le fond, c'est Kramer qu'on veut voir, c'est pas toi, mais tu sais, comment s'arranger avec ça? [00:59:11] Speaker A: Puis dans la salle, ce qu'on lui crie, c'est que t'es un loser, en fait. Ta seule carrière, c'est avec Seinfeld. T'as rien fait avant, t'as rien fait après. En fait, t'es nul. [00:59:20] Speaker B: Ben oui. C'est vrai, mais... Oui, oui, c'est pas une petite insulte. [00:59:26] Speaker A: Puis c'est ça. Puis dans le contexte où il essaie de se construire quelque chose, c'est pas... Ouais, c'est pas encourageant. [00:59:34] Speaker B: Mais aussi, c'est une insulte qui fait mouche parce qu'il est justement dans ce processus de mise en question-là. [00:59:39] Speaker A: C'est ça. Mais ça amène aussi l'autre question, parce qu'on comparait tantôt Quanta, puisqu'on en a parlé récemment, et lui, pas juste parce qu'on en a parlé récemment, mais un nous a amené à penser à l'autre du fait du type de transgression. C'est de la rage qui est derrière les deux passages à l'air, appelons ça comme ça. Moi, personnellement, je vais avoir plus tendance à excuser quelqu'un comme Michael Richards que quelqu'un comme Bertrand Cantor. Nonobstant, c'est pas l'acte lui-même. La gravité de l'acte, c'est incomparable. même si on compare les deux en ce moment, c'est juste sur la base de la rage, en fait, puis du passage à l'acte, quelque chose qui, comme disait Kanta, j'étais en dehors de moi ou c'est un moment en dehors de nous, quelque chose comme ça. Et le fait d'avoir une sympathie initiale teinte nécessairement la lecture de ce qui s'est passé. C'est-à-dire que, est-ce que c'est trop minimiser que de dire, mais dans le fond des mots, c'est sûr que si tu compares à un passage à l'acte meurtrier, c'est quand même, c'est pas comparable, il y a une hiérarchie là, mais est-ce que c'est la tentation de minimiser la gravité des mots qu'il a proféré, est-ce qu'elle vient du fait que la personne est sympathique et que, disons, personnellement, j'y suis attachée pour avoir eu le sentiment de le connaître en tant que Kramer pendant les neuf ans de Seinfeld? Oui? Il y a ça, qu'est-ce qui... Tu sais, l'acte lui-même, Est-ce qu'on peut introduire des nuances et réfléchir, mais je vais être portée personnellement à le trouver plus excusable du fait de la personne qui l'a commis? Est-ce que quelqu'un d'autre, est-ce qu'un cantat qui aurait eu sur scène une esclande comme ça? Est-ce que j'aurais été plus sévère avec lui? [01:01:53] Speaker B: Ça ramène à ce qu'on parlait hors podcast. Tantôt, quand je te disais, puis je veux pas, on rentrera dans les détails une autre fois, mais je te disais essentiellement ça, je te disais, je pense que parce que j'apprécie ce personnage public, je suis plus porté à excuser ce qu'il a fait, puis la même chose aurait été faite par quelqu'un pour qui j'ai pas d'affinité, je serais plus dans la jubilation à dire tant mieux ou tant pis pour lui ou je sais pas quoi. Mais dans le cas de Michael Richards, moi par contre, je dirais que J'avais aimé son personnage dans Seinfeld, mais la sympathie que j'ai pour lui est venue dans l'après-coup de son agir. Tu m'avais dit, quand c'était arrivé, dans la vie, c'était vraiment pas une bonne personne, vu que tout le monde l'hait, je savais pas. J'avais pas tant que ça d'empathie par rapport à qui il était ou quel genre de personne qu'il était. C'est vraiment de le voir par la suite, moi, qui m'a le rendu sympathique. Fait que je pense pas que j'avais tant que ça en a priori si positif. [01:02:45] Speaker A: Il y a peut-être aussi le fait qu'il y en a un qui parle, puis qui se met en scène, encore aujourd'hui sans souci, et qu'il y en a un autre qui a gardé le silence. Puis le silence, on le sait, ça alimente le mystère, puis ça permet des projections. On le voit en entrevue, mais c'est quand même assez... Il est pas interrogé directement beaucoup, il me semble, sur ce qui s'est passé ou c'est quoi son processus. Moi, les entrevues que j'ai vues avec lui, c'est assez superficiel. Tu sais, il y a des choses qu'il perce à travers, mais l'intervieweur... Michael. [01:03:25] Speaker B: Richards, tu penses, non? [01:03:26] Speaker A: C'est pas... L'intervieweur est pas porté à... En tout cas, ce que j'ai vu est pas porté à... l'inviter à parler plus avant du contenu de son livre lui-même, à élaborer sur les événements dont il parle, de sa vie personnelle, de sa vie intime, tu sais. Donc, ça reste assez léger, puis ça entretient un certain mystère aussi sur c'est quoi le fond derrière tout ça. Ça donne envie d'acheter son livre, pour vrai. [01:03:57] Speaker B: C'est un très beau titre, hein? [01:03:58] Speaker A: Oui, The Ins and the Outs. [01:04:00] Speaker B: Non, c'est Entrances and Exits. Parce que je trouve que c'est quand même... Donc l'idée, c'est de dire que la vie est une série de passages, en fait, puis de transgressions ou de passages à travers différents seuils, puis différentes étapes, puis des entrées et des sorties. Puis cet événement-là, en fait, est un passage très particulier dans sa vie, avec une transgression qui le hante encore. Oui, non, c'est vrai que ça...

Other Episodes