Conversation avec Me Múrias

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Après-Coup
Conversation avec Me Múrias

Jun 18 2025 | 01:16:20

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Episode 98 June 18, 2025 01:16:20

Show Notes

Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger

Térence, Le Bourreau de soi-même

 

Son expérience de praticien du droit à titre d'avocat de jeunes contrevenants montréalais nourrit la réflexion de Me Tiago Múrias sur l'éthique, l'histoire, la philosophie, ainsi que son regard sur notre société.

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Episode Transcript

[00:00:04] Speaker A: Son expérience de praticien du droit, à titre d'avocat de jeunes contrevenants montréalais, nourrit sa réflexion sur l'éthique, l'histoire, la philosophie, ainsi que sa perspective sur notre société. Conversation avec maître Thiago Muriel. Est-ce que vous pouvez raconter comment vous êtes devenu avocat? Qu'est-ce qui vous a amené là? [00:00:53] Speaker B: C'est une bonne question. Qu'est-ce qui m'a amené là? L'hasard, certainement. Être le fils de parent immigrant, sans tout ça aider. Il voulait que j'aille à l'université, que j'aille à une bonne formation. Pourquoi le droit? parce que je me disais que c'était une formation qui était accessible, facile. C'est quand même une bonne formation, qui ouvrait plusieurs portes. C'est ce qu'on disait à l'époque. Je ne sais pas si c'est encore le cas aujourd'hui, mais qui s'ouvre plusieurs portes. Moi, à la base, je voulais être linguiste. C'était les deux trucs qui m'intéressaient. C'est toujours été les sciences humaines et l'humain. J'aime beaucoup cette citation du poète romain Terrence. « Je suis homme et tout ce qui est homme ne peut m'être étranger. » Donc, une passion pour l'humain dans toute sa globalité. Puis, je trouve que la linguistique, c'était un peu la science qui était... à la frontière entre les sciences pures et les sciences humaines. La linguistique, c'est une science extrêmement prédictive, mais fondamentalement humaine. Donc, ça m'intéressait. Après, je me suis dit, bon, les débouchés de ça, pas super gros. Puis, anyway, je pourrais toujours faire ça plus tard. Ce que je fais maintenant, je peux toujours lire des livres. Puis, je m'intéressais à la linguistique un peu qu'en dilletant. [00:02:09] Speaker A: C'est juste l'idée que de mettre du beurre sur le pain était importante aussi. C'est-à-dire que c'est pas les débouchés de la linguistique, c'est pas nécessairement les mêmes droits. [00:02:18] Speaker B: Pas énorme. Fait que oui, c'est un facteur. Par contre, j'avais aucune idée de ce que j'allais faire en droit. Moi, je ne m'étais pas dit, je m'en vais faire ça ou je m'en vais... En fait, je savais que je ne voulais pas aller dans les grands bureaux et faire du corporatif. Ça, je le savais, que je ne voulais pas me trouver du mauvais côté de l'histoire. [00:02:35] Speaker A: Ça, vous le saviez dès le début, avant d'entrer en droit? [00:02:39] Speaker B: Organiquement. [00:02:39] Speaker A: Organiquement. [00:02:40] Speaker B: Organiquement, je savais que je ne voulais pas être un suppôt du capital. Ça, je le savais. Maintenant, comment ne pas être un support du capital, dans les détails, pas vraiment. Pas vraiment. Mais je savais ce que je ne voulais pas faire. Maintenant, ce que je voulais faire exactement, aucune idée. Aucune idée. Non. [00:03:01] Speaker A: Être avocat, oui. Être avocat, veston, cravate, au centre-ville, dans les grands édifices, pas tellement. [00:03:08] Speaker B: Non. tour à bureau de centre-ville, c'est là où les rêves vont pas mourir. Désolé pour ceux qui travaillent au centre-ville, par choix. Non, ça m'intéressait pas, ça m'intéresse toujours pas d'ailleurs. Moi, j'ai pas de suite. J'ai mis une fois un suite, c'était à mon mariage. Puis c'est à peu près ça. C'est à peu près ça. D'ailleurs, quand je suis venu pour mon entrevue de stage, je pense que la personne qui était là m'a pris pour un ouvrier qui venait réparer quelque chose dans le building. J'ai pas mal pris, d'ailleurs. Ma mère, c'est des ouvriers. J'ai une équipe du respect absolu pour les ouvriers. Donc voilà. Pas de veston-cravate et pas de fusion-acquisition au centre-ville. [00:03:50] Speaker A: Puis là, progressivement, vous avez avancé vers le droit criminel. [00:03:58] Speaker B: Oui. [00:03:58] Speaker A: Puis après, plus spécifiquement... [00:04:00] Speaker B: Tout de suite. Tout de suite? [00:04:03] Speaker A: Les jeunes? [00:04:03] Speaker B: Oui, parce que par une succession de hasards, qui ne sont pas tellement importants ici, pas super intéressants, je me suis retrouvé à être un peu comme Obélix et tomber dans la portion magique quand j'étais petit. Moi, dès que j'ai commencé mon stage en 2012, dans le cabinet où j'ai fait mon stage, quelqu'un est parti, la personne qui s'occupait déjà de contrevenant, puis on m'a proposé d'aller au tribunal à la chambre de la jeunesse, puis j'ai dit oui, pourquoi pas? Ça fait que depuis 2012, je ne suis pas sorti de là. Ça fait 13 ans. que je ne fais que ça. [00:04:35] Speaker A: C'est ça. C'est votre vie professionnelle? [00:04:37] Speaker B: Depuis la fin de vos études? [00:04:38] Speaker A: Bien, c'est devenu une passion. [00:04:39] Speaker B: C'est devenu une passion absolue, là. La question de la délinquance juvénile est devenue un peu ma... Par la force des choses, un peu mon expertise et mon dada et mon travail aussi. [00:04:51] Speaker A: Puis donc, qu'est-ce qui vous passionne dans la défense des jeunes contrevenants? [00:04:57] Speaker B: On revient à ce que je disais tantôt par rapport à Terrence. C'est ça, l'humanité. Il ne faut pas voir la délinquance juvénile comme quelque chose d'un pays étranger. Ce n'est pas un pays étranger. C'est nous, il y a 20 ans. Même ceux qui n'ont pas commis d'infraction. On pourrait en parler, il y a des chiffres, mais... Il y a des études longitudinales qui ont été faites sur la prévalence de la délinquance juvénile. C'est à peu près toujours les mêmes chiffres chez les garçons. Donc, un garçon en ville, va à hauteur de 95 % auto-déclarer au moins une infraction entre l'âge de 12 et 17 ans. [00:05:32] Speaker A: – 95 %? [00:05:33] Speaker B: – Oui, auto-déclarer. Ça veut dire qu'ils n'ont pas nécessairement été accusés, ils n'ont pas nécessairement été pris, donc c'est la délinquance auto-révélée. C'est-à-dire que c'est eux-mêmes dans des études qui vont être faites par des criminologues, qui vont déclarer ou non ce qu'ils ont fait. Et chez les garçons, c'est 95 %. Donc moi, ce que je dis tout le temps quand je parle de ça, c'est où sont les 5 %, et c'est d'eux qu'il faut se méfier. Moi, c'est les 5 % que je me méfie. [00:05:55] Speaker A: Pourquoi? [00:05:55] Speaker B: Bien, c'est des psychopathes. Je blague, là. Mais un adolescent qui ne teste pas les limites sociales, c'est quelque chose qui ne marche pas. [00:06:04] Speaker A: Oui. [00:06:05] Speaker B: Il faut tester. C'est le moment. Tester, c'est quoi? Moi, je l'ai fait quand j'avais, je pense, 11 ou 12 ans. J'ai volé un CD au Walmart. Bien, ma réponse, je l'ai eue de mon père. Plus jamais. J'ai plus jamais fait ça, mais je suis content de l'avoir fait. [00:06:22] Speaker A: Vous vous êtes auto-déclaré à votre père? [00:06:24] Speaker B: Non, mon père, c'est... [00:06:25] Speaker A: Il vous a pogné? [00:06:25] Speaker B: Non, mon père m'a pogné. Je pense que je l'aurai auto-déclaré de toute façon, mais tu sais, je sais, je m'en souviens maintenant, moi, j'ai 36 ans, je m'en souviens très bien de ce que ça me faisait, ce que ça m'a fait. Ça fait partie, tu sais, Lévi-Strauss disait, il y a des tropes dans l'humanité. Bien, un adolescent qui brise une règle sociale, c'est un trope. Donc, ne pas passer... ne pas passer par ce trope-là, bien, tu manques quelque chose. Pas André N'Diaye qui dit que c'est le fun de commettre des crimes, là. C'est pas du tout ça que je dis. Ce que je dis, c'est qu'un adolescent qui transgresse les limites sociales, c'est un trope universel. [00:06:58] Speaker A: Et... Iriez-vous jusqu'à dire que c'est une... Justement, parce que vous disiez, il faut se méfier du 5 %, c'est eux et les psychopathes, parce que... [00:07:07] Speaker B: C'est une blague, c'est pas des psychopathes. [00:07:08] Speaker A: Non, je comprends. [00:07:09] Speaker B: C'était une image, c'était une blague. [00:07:10] Speaker A: Mais c'est dire quand même... que plus est-ce que 95 % des jeunes le font, des jeunes hommes, des jeunes garçons le font, diriez-vous que c'est un passage nécessaire? C'est un passage de maturation nécessaire? [00:07:24] Speaker B: Absolument. [00:07:25] Speaker A: Oui? [00:07:25] Speaker B: Absolument. C'est même pas un débat. C'est un crime d'allégie. En sciences sociales, c'est même pas un débat. En anthropologie, c'est même pas un débat. [00:07:31] Speaker A: Il faut tester les limites. Il faut essayer de transgresser. Diriez-vous que si votre père vous avait pas pogné à 11 ans, est-ce que vous auriez essayé une autre fois, un autre CD? Il faut rencontrer la limite aussi, idéalement. [00:07:48] Speaker B: Par contre, ce que les études semblent dire, c'est que la plupart des jeunes ne le font qu'une fois, ne se font pas pogner et ne recommencent pas. Donc, il faut aller dans la nuance aussi. Oui, rentrer à la limite, oui. Il y a tester puis tester. [00:08:00] Speaker A: Il y a criminalité puis criminalité. [00:08:02] Speaker B: La plupart des délits autorisés, on parle des délits acquisitifs. Donc, l'acquisition de biens, pas nécessairement parce qu'ils en ont besoin, mais parce que c'est ce qui se fait le plus facilement. On peut en parler à peu près dans les caractéristiques de la délinquance juvénile, mais essentiellement, on parle de délits acquisitifs, le vol, les graffitis, méfaits, détruire les bains publics, t'sais, péter une poubelle, t'sais, des affaires de même. On parle pas de... La délinquance des jeunes, justement, ce qui la caractérise beaucoup, puis on peut en parler dans le détail, c'est un très faible taux homicidaire, par exemple. Les jeunes tuent très peu. Contrairement... Par exemple, quand on prend les taux de homicide par 100 000 habitants chez les moins de 18 ans et chez les plus de 18 ans, il est plus élevé chez les plus de 18 ans. Il y a peut-être des micro-tendances en ce moment qui sont différentes, notamment dans les milieux urbains au Canada, mais en règle générale, par exemple, on sait que les jeunes sont au-dessus très peu. [00:08:53] Speaker A: Mais il y a le fait aussi qu'on est adultes plus longtemps que jeunes. [00:08:57] Speaker B: Oui, mais encore une fois, on prend par population. Notre taux, il est par 100 000 habitants. Donc, quand on prend par 100 000 habitants, on obtient un taux par 100 000. Donc, il est tout à fait comparable. C'est pas un taux par cohorte, là. C'est pas les jeunes versus l'adulte. C'est par 100 000 habitants. Donc, on arrive quand même à avoir des comparaisons statistiques assez intéressantes par rapport à ça. Donc, oui, acquisitif, mais oui, ça fait partie du processus d'être un être humain. C'est pour ça que... Quand les gens parlent des jeunes, quand ils parlent « Ah, les jeunes », je dis « Oui, mais les jeunes, c'est toi, là ». Tu sais, le passé est un pays lointain. Bien, c'est ça. Le passé est un pays lointain, puis on ne se souvient pas qu'on a fait ce voyage-là. Des fois, c'est bien de se le rappeler. On a déjà tous eu 13 ans, 14 ans, puis on ne se souvient pas de notre manque de jugement à ce stage-là. [00:09:50] Speaker A: C'est un fait. C'est un fait. 13 ans, 14 ans, 15 ans, même 19 ans, même 20 ans, même 21 ans. [00:09:56] Speaker B: Même 25? [00:09:57] Speaker A: Oui, tout à fait. Tout à fait. Fait que c'est une passion, vous dites, là, les jeunes, la délinquance juvénile, parce que c'est... Tu sais, il y a 95 % des jeunes hommes, disons, qui testent les limites. Mais de ce 95 %-là, il y a une proportion plus petite... [00:10:19] Speaker B: Très petite. [00:10:20] Speaker A: ... qui commet des délits, qui les amène au tribunal de la jeunesse. [00:10:23] Speaker B: Oui. Oui, oui, oui. [00:10:25] Speaker A: Et c'est ça, votre passion. En fait, c'est ceux-là, c'est ça, votre travail. C'est auprès de ceux qui poussent un peu plus loin la limite. [00:10:31] Speaker B: Ma passion, elle inclut toute la question de la délinquance juvénile et la réponse sociale à la délinquance juvénile. OK? C'est deux aspects. Maintenant, mon travail, c'est ce qui me met du beurre sur la table, effectivement, outre ma passion académique, qui est l'aspect criminologique et, en général, anthropologique de la délinquance juvénile. Effectivement, c'est ceux qui se font pogner, hein? C'est ceux qui se font pogner, qui récidivent, se retrouve à prendre les ressources du système. Effectivement, c'est ça qui m'occupe professionnellement. Et ça, effectivement, c'est une infime portion. [00:11:10] Speaker A: Fait que ça, c'est ça. Fait que donc, là, on distingue. Là, il y a votre intérêt, disons, un intérêt qui est intellectuel, qui est humain... humaniste, disons, pour toute la question, généralement, de la jeunesse, puis de la délinquance, de la criminalité petite et grande, les transgressions, l'évolution dans la jeunesse. Et de ça... Et là, il y a l'autre dimension qui est la dimension clinique, votre travail quotidien tous les jours. [00:11:37] Speaker B: C'est ça. [00:11:38] Speaker A: Donc vous, vous oeuvrez depuis 12 ans, tous les jours, auprès de jeunes à Montréal, dont vous prenez connaissance, que vous rencontrez, parce que leur dossier tombe sur votre bureau. [00:11:56] Speaker B: Oui, on peut le résumer comme ça. [00:11:59] Speaker A: Je vous ai entendu, dans une entrevue, signaler que, depuis quelques années, il y a quelque chose qui change dans la délinquance juvénile à Montréal, dans les dossiers que vous rencontrez. Pourriez-vous en parler un petit peu plus? [00:12:17] Speaker B: Bon, là, je vais se donner une réponse. Quand on regarde la délinquance, les caractéristiques de la délinquance juvénile, Quand on compare entre les différents pays, entre les différentes époques, il y a des caractéristiques qui sont quand même assez communes. Puis avec ça, on est capable de bâtir un portrait sur à peu près c'est quoi les caractéristiques d'un État en juvénile. Fait que disons, en gros... très acquisitifs, impulsifs, pas souvent organisés, souvent des crimes de groupe. Un très faible taux de récidive. Pour un gain à court terme. À court terme, il vaut à court terme, le présentisme. C'est le terme que le grand criminologue Maurice Cusson utilisait, c'est le présentisme. Donc, toutes sortes de caractéristiques, on prendrait dans les détails plus tard, mais en gros, il faut comprendre qu'on a ces caractéristiques-là. Là, ce qui est particulier, c'est qu'il y a une vague. Puis tu sais, la criminalité, elle est toujours en vague. Il y a des différentes modes, on va l'appeler entre guillemets des modes. Et là, celle-ci est inquiétante par l'utilisation d'abord d'armes à feu, mais surtout par... Et là, on va prendre un concept qui s'appelle la trajectoire délictuelle. C'est-à-dire, ce qui amène... Prenons un délinquant. Prenons le délinquant au sens... Juste pour les fins d'une sentence. Évidemment, c'est pas un délinquant comme personne, c'est un être humain complexe. Mais la personne commet des délits, OK? Prenons un jeune qui commet des délits. Normalement, on est capable de voir comment, entre le premier délit et la fin de sa carrière délinquante, on est capable de voir où est-ce qu'il a commencé, où est-ce qu'il a arrêté. Évidemment, avec des hauts et des bas, ça peut arrêter à un moment donné, ça peut recommencer deux ans plus tard. C'est un peu comme les gens qui ont des problèmes de consommation. C'est pas un long fleuve tranquille. La délinquance peut être aussi de haut et de bas. Mais du début à la fin, et par les milieux, c'est une trajectoire de la délinquance, une trajectoire délictuelle. Et ça, normalement, elle était quand même... Il y avait évidemment une amplitude entre les différents sujets, mais on était capable de voir des patterns. Là, ce qui est particulier, c'est une accélération. C'est-à-dire que... [00:14:22] Speaker A: Puis vous situez à quand le début de cette accélération-là? [00:14:26] Speaker B: Après la COVID. [00:14:27] Speaker A: Après la COVID. [00:14:28] Speaker B: Après la COVID. [00:14:30] Speaker A: Ça m'étonne pas. Je disais après la COVID. Comme ça, parce que ça m'étonne absolument pas. [00:14:35] Speaker B: Après la COVID. [00:14:35] Speaker A: Oui. [00:14:36] Speaker B: Est-ce qu'il y a une corrélation ou une causalité? Je pense qu'il n'y a pas assez d'études. En fait, il n'y a presque pas d'études là-dessus. Il commence à y en avoir, mais vous savez, il y a toujours un délai, toujours une latence entre le fait scientifique et la recherche scientifique. Donc, il va y avoir certainement Mais. [00:14:54] Speaker A: En même temps, il y a des choses qu'on peut constater, des choses qui sont des évidences, c'est que ça n'a jamais été vécu par aucun jeune d'aucune génération avant d'être entièrement confiné pendant six mois, puis ensuite d'être confiné à moitié, de subir un couvre-feu pour des raisons difficiles à comprendre pour un jeune. Et tout ça sur une période de deux ans, donc l'école a été interrompue, les activités sociales ont été interrompues, tous les cours, toutes les formations, tout ce que les jeunes font, tous les lieux de rencontre des jeunes ont tous été interrompus. Nécessairement, d'essayer de se regrouper devenait délictuel à cette époque-là. Juste de constater ça... C'est pas commettre un crime. [00:15:51] Speaker B: Non. [00:15:52] Speaker A: Non. C'est des faits. [00:15:53] Speaker B: C'est des faits, puis concrètement, on le voit. [00:15:55] Speaker A: Puis c'est difficile de penser que ça n'a pas eu de conséquences. C'est difficile de penser que ça n'a pas eu de conséquences. Sur le parcours académique, sur le lien social des jeunes, sur un paquet de choses. [00:16:05] Speaker B: Oui. Je pense qu'il y a beaucoup, il y a un champ de recherche au complet qui va être sur les conséquences. [00:16:12] Speaker A: Oui, je l'espère. [00:16:14] Speaker B: Je veux pas dire la COVID, je veux dire du phénomène du confinement et des restrictions sociales qui ont été imposées, puis effectivement, que les jeunes comprenaient pas nécessairement pourquoi, t'sais, je veux dire... Déjà que c'est pas facile pour tous les adultes, imaginons pour les jeunes. Par contre, ce qui est concret, c'est que cette délinquance-là, elle arrive à peu près après 2022. Dans ces eaux-là, là, ça explose. Là, ça explose. Puis il y a des jeunes très jeunes, des jeunes de 14 ans, 15 ans, avec des armes à feu. Ça, c'était quelque chose d'assez... On ne voyait pas ça avant. Puis tu sais, un jeune, avant d'arriver à avoir une arme à feu, il fallait qu'il passe à travers des étapes. Ce n'était pas n'importe quel Joe Blow qui pouvait... Tu sais, comment tu fais pour avoir une arme à feu? [00:16:57] Speaker A: Ben oui, c'est ça, ils viennent d'où, les armes à feu? [00:16:58] Speaker B: Ben, c'est ça l'affaire. C'est justement comme elles se sont démocratisées. On va prendre un terme un peu galvaudé, mais démocratisées. En fait, ils sont plus accessibles. Donc, t'as plus besoin d'être haut dans la hiérarchie ou d'avoir fait tes épreuves pour avoir un gun. C'est ça, la nuance. C'est qu'avant, pour avoir un gun... Ça. [00:17:15] Speaker A: S'Est démonstratisé dans les gangs de chums... [00:17:18] Speaker B: Ouais, c'est un signe. Quelqu'un qui a une arme à feu, là, normalement, avant, là, c'est que tu savais très bien qu'il était... C'était pas sa première... Il y avait quelque chose... Il y avait une trajectoire. Là, c'était comme, là, non, tu peux avoir un gun, pis t'as pas de... Ça veut plus rien dire. [00:17:34] Speaker A: Fait qu'il y a un commerce, c'est ça. [00:17:36] Speaker B: Il n'y a plus rien à dire. [00:17:37] Speaker A: Il y a un commerce des armes à feu, comme du pot, avant que ce soit décriminalisé. Maintenant, qu'il n'y avait pas nécessairement avant, c'est-à-dire on peut, on y en a plein. [00:17:49] Speaker B: C'est accessible, oui. [00:17:50] Speaker A: C'est accessible facilement. [00:17:51] Speaker B: Oui. [00:17:52] Speaker A: Tu vas rencontrer quelqu'un... [00:17:54] Speaker B: Tu n'as pas besoin d'avoir des contacts extraordinaires. [00:17:56] Speaker A: Ok, c'est ça. [00:17:57] Speaker B: C'est ça la nuance. Avant, il fallait quand même que tu sois... [00:17:59] Speaker A: Il n'y a pas de rareté. [00:17:59] Speaker B: Bien, il fallait que t'aies des contacts. Il fallait que tu sois, en bon québécois, plugé. [00:18:04] Speaker A: Fait que la culture des groupes criminels... On parle-tu de groupes criminalisés, non? La culture a changé aussi. [00:18:12] Speaker B: Oui, oui, oui. [00:18:13] Speaker A: En se démocratisant. [00:18:15] Speaker B: Oui, la culture a changé, la structure de ces groupes-là. [00:18:18] Speaker A: C'est moins hiérarchique. [00:18:18] Speaker B: Bien, tu sais, les groupes de jeunes délinquants, on va les appeler comme ça, là. Il y a des termes, il y a différents termes dans la recherche, là, sur comment on doit les appeler, là. Mais appelons-les des groupes de jeunes délinquants, on va les appeler comme ça, là. Il n'y a jamais eu d'hiérarchie stricte. Ça ne marche pas avec des jeunes dans une hiérarchie stricte. Ce n'est pas une société. Ce n'est pas Amway. Ce n'est pas une pyramide. Ce n'est pas ça. Je comprends. [00:18:47] Speaker A: Sauf qu'il y a celui qui a le gun et celui qui ne l'a pas. Plus haut dans la hiérarchie, il y a une hiérarchie implicite disons. Il y a celui qui donne des contrats et celui qui exécute les contrats s'il y en a. [00:19:04] Speaker B: Mais maintenant ce n'est plus nécessairement aussi clair que ça. Dans le sens où tu peux avoir un gun Puis c'est... on vient d'être rentré là-dedans. C'est ça, la nuance. C'est ça, la nuance. Ça veut plus dire que t'es nécessairement très haut dans... le street cred, là, pour prendre un terme comme ça. T'as besoin d'en avoir beaucoup pour avoir une arme à feu. Ça, c'est la grosse nuance. [00:19:23] Speaker A: C'est la grosse nuance. Donc, c'est très accessible. C'est facilement accessible pour des jeunes et des jeunes plus jeunes qu'avant, en plus. [00:19:30] Speaker B: Oui, plus jeunes qu'avant. [00:19:31] Speaker A: C'est-à-dire que des jeunes plus jeunes qu'avant s'intéressent à obtenir des armes à feu. [00:19:35] Speaker B: Ou s'intéressent, ou on leur propose, ou ils sont dans des milieux dans lesquels c'est bien vu, c'est valorisé. Vous savez, l'autre chose qui détermine l'américaine juvénile, c'est l'aspect identitaire. Pour certains jeunes, c'est ce qui permet de valoriser, de se valoriser. Vous savez, quand t'es pas nécessairement bon à l'école, puis d'ailleurs, intéressant, hein, mais ce qu'on sait, c'est que le principal facteur qui détermine une trajectoire intellectuelle, c'est un échec scolaire. [00:20:01] Speaker A: Ah oui? [00:20:02] Speaker B: Oui. Un jeune classique scolaire, c'est le principal facteur déterminant ou annonciateur d'une dénégance. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles c'est le cas, mais par exemple, quand t'es pas très bon à l'école, ben, ça se peut que tu vas te valoriser dans la question dans laquelle t'es bon. Par exemple, commettre des délits. Pis tes boys vont te dire « Ah, bravo pour ce que t'as fait », t'sais, pis ça va avoir un peu de validation, pis tu vas un peu... C'est le fun d'être bon. La réalité, c'est que tout être humain a besoin de ça. Tu sais, quand on dit « hey, bon job, le gros », peu importe si t'as 40 ans, 30 ans, 20 ans, c'est le fun de se faire dire ça. Puis nous, on est des adultes, puis on est peut-être capables de comprendre puis de faire d'introspection sur pourquoi on aime ça la validation. Imaginez, à 13, 14, 15 ans, on dit « hey, bravo, t'es hot ». c'est encore pire. Donc, c'est un facteur important par rapport à ça. Surtout, par ailleurs, quand t'as pas nécessairement la validation scolaire. Quand t'as pas la validation de tes parents, quand t'as pas la validation sociale en général, bien, ça peut être intéressant de se revalider par des actes délictuels. Ça fait que ça aussi, ça compte. [00:21:08] Speaker A: Mais en même temps, il y a la question, je ne sais pas si vous avez plus d'infos là-dessus, mais la question de la causalité versus la corrélation. [00:21:19] Speaker B: C'est de la corrélation. [00:21:20] Speaker A: Est-ce qu'un échec scolaire... C'est-à-dire, qu'est-ce qui entraîne un échec scolaire au départ? C'est-à-dire une difficulté à se concentrer, une difficulté à s'intéresser à ce qui se passe en classe, d'autres types de difficultés, et de cet échec scolaire-là, découle à un attrait plus large. [00:21:40] Speaker B: Est-ce qu'on peut isoler la variable? En gros, c'était fait. Donc, les études étaient claires à l'effet que est-ce que c'est parce que ces jeunes-là ont, par ailleurs, d'autres problèmes qui se trouvent en échec scolaire? Et justement, l'étude, c'est que, peu importe, par ailleurs, si les autres sphères de la vie vont bien ou mal, le fait... Parce que le problème, c'est que t'as plein de micro-facteurs à côté, genre la situation familiale, le revenu des parents, blablabla. [00:22:05] Speaker A: Le genre d'école dans lequel tu trouves aussi? [00:22:07] Speaker B: Oui, le milieu. Est-ce que c'est le milieu? [00:22:09] Speaker A: Tu sais, les écoles secondaires, c'est quelque chose, non? [00:22:12] Speaker B: C'est une étude française qui a été faite par rapport à des jeunes du sud de la France, professeur Marouane. Ce qui est intéressant, c'est qu'il dit que si on isole la variable de l'échec scolaire, c'est ça le facteur déterminant. C'est pas une causalité. C'est pas tous les jeunes en échec scolaire qui commettent des crimes. mais c'est la variable qui détermine le plus le fait que ce jeune-là va éventuellement passer à l'ACC. Donc c'est ce qu'on appelle un facteur de prévisibilité du passage à l'ACC. Donc ça ne va pas dire que parce que tu vas, mais c'est le facteur qui a le plus de chances de passer à l'ACC. [00:22:52] Speaker A: C'est-à-dire que des recherches montrent que Peu avant le premier passage à l'acte, le jeune a reconnu une échec scolaire dans une grande majorité des cas. [00:23:06] Speaker B: Et les causes d'échec scolaire peuvent être multiples. Difficulté à la maison, déception amoureuse. Toutes sortes de raisons peuvent mener à un échec scolaire. Mais c'est l'échec scolaire qui, lui, va être le facteur de prévisibilité. Pas l'échec amoureux. Et là, la nuance. Donc, il y en a d'autres facteurs, mais c'est vraiment le sexe scolaire. Quand les parents me disent « Qu'est-ce que j'aurais pu faire? » Pas grand-chose, mais il y a des choses qu'on devrait dire aux gens au palais. Faites attention. Le sexe scolaire, c'est un exemple. Un changement radical et soudain d'amis. Ça, c'est un autre facteur. Souvent, ce que les parents de mes clients vont dire, c'est « Ah, il vient changer récemment ses amis. [00:23:49] Speaker A: ». [00:23:51] Speaker B: Lumière rouge. Tu sais, quand on a rapidement et soudainement un nouveau groupe d'amis au complet, c'est weird. Bon, ça se peut qu'ils t'embarquent dans... Si tu étais à l'UQAM dans les années 80, ils t'embarquent dans des manifs contre le capitalisme et que tu deviennes Aminitje Guevara. [00:24:10] Speaker A: C'est ça qui vous est arrivé? [00:24:12] Speaker B: Non, non, non, moi c'est autre chose. Les sacs d'amis Un changement radical et avoir un tout autre secte d'amis, ça peut amener à toutes sortes de bouleversements. [00:24:20] Speaker A: Oui. [00:24:20] Speaker B: Notamment à la délinquance. C'est le punk, c'est mieux, c'est moins grave. Mais cette délinquance, c'est pas le fun. Fait qu'il faut faire attention à ça. C'est pas tous les nouveaux sacs d'amis qui sont problématiques. Peut-être qu'ils vont vous faire tomber dans le post-rock. [00:24:35] Speaker A: La musique classique. Oui, c'est bien. Ça arrive. [00:24:39] Speaker B: Ça arrive. [00:24:40] Speaker A: C'est arrivé. [00:24:41] Speaker B: Ça paye. Mais il faut faire attention. Ça, c'est des signes qui sont au palais. Échec scolaire, nouveau groupe d'amis. Ça, normalement, il doit y avoir deux lumières rouges qui s'allument. [00:24:49] Speaker A: En même temps, il y a quelque chose qui se passe au secondaire, dans le passage de la 6e année, je parle là au Québec, de la 6e année au secondaire 1, qui est extrêmement important et stressant parce que c'est le passage d'une petite école. Je sais pas s'ils ont ça en France, où ils ont fait leurs recherches, mais la polyvalente, la grande boîte bondée de jeunes, de secondaire 1 à secondaire 5, tous rassemblés ensemble sans division, c'est propice à ce qu'un jeune change soudainement de groupe d'amis. C'est radicalement. C'est-à-dire, tu rentres au secondaire, puis là, t'as une équipe de basket. Ça fait que tous tes amis avec qui tu faisais autre chose, tu les vois moins. Là, ta nouvelle gang, c'est la gang de basket, ce qui est une version positive. Vous voyez ce que je veux dire? Ce que je veux dire, c'est que c'est aussi un passage normal. de la jeunesse, en général, un changement radical d'amis... [00:26:02] Speaker B: Mais ça, mes clients, ils n'ont pas cet âge-là. Ils ont 14, 15, 16 ans. Puis là, il y a un changement de groupe d'amis qui ne s'explique pas. [00:26:08] Speaker A: Par... Qui n'est pas le secondaire 1. [00:26:10] Speaker B: Ce qui n'est pas le secondaire 1. Il y en a un, effectivement, au secondaire 1, mais... Généralement, à un certain niveau, ils commencent à faire... 14, 15, 16 ans. [00:26:16] Speaker A: Ils ont quel âge? Ils sont en quel année? [00:26:19] Speaker B: Secondaire 2, 3. 2, 3. [00:26:22] Speaker A: C'est quand même jeune, hein? C'est quand même vraiment jeune. [00:26:25] Speaker B: Le gros de la délinquance chez les jeunes, c'est 16-17. 80% à peu près de la délinquance, il y en a à 15, il y en a à 14, puis exceptionnellement à 12-13. Tu sais, à 12-13 ans, c'est pas de la grosse délinquance. On parle de chicanes, puis ce qu'on appelle soit de l'acquisitif, soit du relationnel. C'est des crimes qui sont parce qu'il y a un conflit ou parce qu'ils vont faire des crimes acquisitifs. C'est de l'acquisitif et du relationnel à 12-13 ans. Les crimes un peu plus « crunchy », c'est plus que 15-16-17 ans, surtout que 16-17, c'est là le gros de la délinquance, parce que c'est le début du haut de la courbe. Quand on regarde les courbes de délinquance, chez les êtres humains, chez Homo sapiens. C'est vrai qu'il y a tout le temps les mêmes courbes, c'est assez universel à voir. C'est que ça commence tout doucement vers l'âge de... Au début de l'adolescence, ça monte exponentiellement, ça va atteindre son pic vers 18, 19, 20. Et là, ça va descendre un peu moins exponentiellement que la montée, ça va descendre plus longuement jusqu'à 25, 26, 27. Et après ça, ça va descendre à un rythme régulier jusqu'à ce que mort s'en suive. Ou que Marchette empêche. Donc c'est à peu près ça. C'est à peu près ça. [00:27:45] Speaker A: C'est drôle que vous disiez qu'on parle d'homo sapiens parce que je connais bien les chiens. Et les chiens, qui sont des animaux très sociaux, traversent une période comme celle que vous décrivez, à partir de l'âge d'à peu près, je dirais, un an, peut-être, neuf mois, un an, jusqu'à peut-être l'âge de trois ans. Ils traversent une crise d'adolescence. où, après avoir été très, très bien élevés... Très, très bien élevés, des bons petits chiots gentils, tout d'un coup, ils se mettent à peu écouter, à faire à leur tête, à... Bon, en fait... [00:28:27] Speaker B: C'était si gentil quand il était jeune. [00:28:29] Speaker A: Ils étaient si mignons. [00:28:30] Speaker B: C'est ce que j'entends, peut-être. Je comprends pas, maître. Il était si gentil quand il était enfant. Oui. [00:28:36] Speaker A: Ah, vous devez l'entendre beaucoup. Ah, vous devez en voir des parents implorés, catastrophés. [00:28:41] Speaker B: Oui, oui, oui, ça c'est un autre, on peut en parler de ça. Mais la phrase, pourtant, il était si gentil quand il était enfant. On a l'idée que c'est des monstres enfants qui deviennent des monstres adolescents. [00:28:56] Speaker A: Ça revient à ce que vous disiez tantôt, c'est pas... Vous, vous vous intéressez aux jeunes qui commettent des actes délictuels et qui se retrouvent devant une cour. [00:29:06] Speaker B: Oui. [00:29:07] Speaker A: Parce que vous vous intéressez plus largement aux phénomènes... [00:29:12] Speaker B: Humains derrière. [00:29:13] Speaker A: Humains derrière, en vous disant, mais c'est pas un... une espèce différente de la mienne. On est de la même espèce. [00:29:23] Speaker B: C'est exactement ça l'erreur que les gens font. [00:29:25] Speaker A: C'est ça. [00:29:25] Speaker B: C'est voir ça comme étant des exceptions ou des gens pas normaux. [00:29:29] Speaker A: Oui. [00:29:30] Speaker B: En fait, non. C'est tout à fait des êtres humains qui vivent une expérience profondément humaine. Tant les adolescents que les parents qui sont un peu pris là-dedans parce qu'eux aussi sont évidemment dans cette situation-là. Puis aussi, il veut un drame qui est universel. Mais pour eux, c'est une expérience individuelle. Tu sais, le parent qui arrive là, puis son fils se fait accuser... Il vit une expérience qui pourrait être une catastrophe. C'est une catastrophe absolue. Par contre, ce que je leur dis, c'est quand même une expérience... Vous n'êtes pas le premier, vous n'êtes pas le dernier. Puis malheureusement, le tribunal ici, il y a des parents qui sont des... des médecins, des avocats, des travailleurs sociaux, des gens sans emploi, des gens au chômage, des gens retraités. Il y a de tout. Parce que... parce que la délinquance chez les jeunes, elle est aussi assez bien répartie. Évidemment, il y a des distinctions selon la classe sociale, mais il y a beaucoup de gens dont les parents ont donné une éducation tout à fait... adéquate, sensée, mais que... Nonobstant tout ça, bien, leur fils traverse quand même une crise d'adolescence pas facile. Puis, ce que je leur dis, c'est, bien, honnêtement, il n'y a rien que vous auriez pu faire. Malheureusement, la réalité, c'est que cette phase-là de sa vie... Maintenant, vous pouvez faire quelque chose. Vous pouvez intervenir. Mais avant... Parce que maintenant, vous pouvez. [00:30:57] Speaker A: Intervenir parce qu'il a été arrêté. [00:30:59] Speaker B: Oui. [00:30:59] Speaker A: Et qu'il se retrouve devant... Oui. [00:31:01] Speaker B: Et là, la réponse des parents va être fondamentale. Moi, une chose que l'expérience m'a appris, c'est que généralement, quand je vois un parent qui minimise, qui dit que c'est une bad luck, que c'est la faute des policiers, que son garçon n'a rien à voir là-dedans, que c'est une erreur judiciaire. Une fois, ça peut arriver. Vous savez, moi, ça arrive. Il y a des gens qui sont acquittés tout souvent. J'ai des jeunes qui sont acquittés parce qu'effectivement, c'est une erreur judiciaire. Par contre, j'ai des parents qui... Je leur dis régulièrement, vous savez, madame, monsieur, on est rendus à la 10e erreur judiciaire. C'est pas une blague. J'en ai dit une fois, vous savez, on est rendus à 10 erreurs judiciaires. Peut-être que c'est autre chose. Ce que je vois comme phénomène psychologique, c'est quand un parent va systématiquement s'excuser même après les dix erreurs judiciaires, l'enfant se sent investi d'un sentiment de toute puissance. Il va se dire, peu importe ce que je fais, je vais toujours avoir ma mère derrière moi, elle va toujours être de mon bord. Même si l'état est contre moi, ma mère va être contre moi. Elle va être avec moi ou mon père. Et ça n'aide pas du tout. Ça n'aide pas du tout. Et j'ai vu une corrélation aussi entre l'attitude surprotectrice des parents face à de multiples récidives et le fait que le jeune reste plus longtemps dans la délinquance. [00:32:22] Speaker A: Ah oui, hein? [00:32:23] Speaker B: Oui, définitivement. [00:32:27] Speaker A: Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose qui est difficile du point de vue des parents? Je parle à quelqu'un qui n'allait jamais servir le grand capital, en tant qu'avocat, qui s'intéresse... à la marginalité, mais en tant que partie de l'humain, de l'expérience humaine. Parce qu'en fait, ce que vous dites, c'est que c'est vraiment important que le parent soutienne la loi, en fait, auprès de son jeune, s'il veut soutenir la sortie de son jeune de l'expérience de la délinquance. [00:33:08] Speaker B: Oui, mais il ne faut pas non plus que le parent, puis l'autre erreur que ses parents font, c'est qu'ils ne soient pas de leur bord pareil. C'est ça l'équilibre, c'est qu'il faut quand même que tu sois du bord de ton kid. J'ai des parents qui vont dire que c'est épouvantable, inacceptable. Moi, je ne vais jamais défendre ça, mais il y a une nuance là. Entrer surprotégé, puis abandonner comme si c'était quelque chose qui était étranger complètement à qui tu étais, parce qu'il y a une sorte de dissociation qui va être faite. Le parent, soit il va prendre fait tes causes de façon complètement déraisonnable, ou il va se dissocier complètement. Les meilleures réponses, puis je sais que c'est pas évident parce que c'est de l'humain, c'est pas excuser à tout prix, mais pas te dissocier complètement. C'est dire, je suis de ton bord, je suis là pour toi, t'es mon fils, t'es ma fille, je t'aime. Bon, c'est souvent des gars, quand même. T'es mon fils et je t'aime, mais ce que t'as fait, c'est pas acceptable, puis il va falloir que tu buisses les conséquences de tes gestes, mais je vais toujours être derrière toi. C'est potentiellement la meilleure réponse. Pauvre problème, c'est que c'est pas facile quand ça t'arrive à toi d'avoir cette réponse raisonnable, Mais ce que j'allais dire. [00:34:14] Speaker A: C'Est plus ratoureux que ça, c'est l'idée qu'il y a un système de loi qui est en place pour que la société fonctionne le mieux possible. Ce système de loi est imparfait et la société est imparfaite. Raison pour laquelle il y a plein de révolutionnaires puis de gens qui poussent l'enveloppe, qui font... de ce qu'on pourrait dire une forme de délinquance socialement acceptable. Pousser les limites, réclamer des changements, dépasser... Vous comprenez? [00:34:52] Speaker B: Oui, de moins en moins socialement acceptable, par contre. [00:34:56] Speaker A: La rébellion, où vous êtes tous des rebelles? [00:34:58] Speaker B: Oui. [00:34:59] Speaker A: Pour un parent, c'est pas facile de soutenir l'esprit rebelle qui est important dans une société. C'est pas... tout en soutenant la loi, même s'il considère que la loi peut être sévère parfois, plus qu'elle ne l'a peut-être été à d'autres moments. Je suis votre aînée, je vais vous raconter des histoires de, dans mon temps. [00:35:38] Speaker B: Dans mon temps... Pas les écoles de réforme, quand même. [00:35:40] Speaker A: Non, des histoires de délinquance. Dans mon temps, des jeunes ados gars allaient d'un cadet Puis, d'un cadet, il se passait toutes sortes d'affaires. Là, il y en avait un qui se faisait ramasser par une gang d'autres, puis c'était pas drôle, puis c'était... Il y en a un, une anecdote, ils l'ont tout tiré à la cire dans la chaussure. C'était vraiment pas une expérience... [00:36:08] Speaker B: Tu voulais le coeur de Frère André aussi. Oui. [00:36:10] Speaker A: Oui. [00:36:11] Speaker B: Oui. [00:36:11] Speaker A: C'était le genre de délinquance qui était pas nécessairement judiciarisée. dans ma jeunesse. C'était pas nécessairement valorisé non plus, mais c'était pas judiciarisé. [00:36:24] Speaker B: C'est vrai. [00:36:26] Speaker A: Peut-être que je me trompe, mais j'ai l'impression que la tolérance à ce genre de délinquance... Très faible. [00:36:31] Speaker B: On tolère plus les jeunes. [00:36:32] Speaker A: C'est ça. Fait que, sans vouloir... Je veux pas du tout dire qu'il faut encourager l'esprit d'écoeurer ton copain ou... Tu sais, sans vouloir dire ça du tout, ce que je veux dire, c'est qu'il y a quelque chose de difficile pour un parent qui a à coeur de soutenir un esprit d'indépendance chez son jeune, mais aussi qui a à coeur de l'aider à ne pas se prendre les pieds dans une délinquance inutile et stupide. [00:37:07] Speaker B: Oui? Oui, 100 %, il y a deux choses. On peut regretter l'esprit profondément conservateur puritain que l'état actuel des choses représente pour un adolescent. On est une société dans laquelle C'est pas nécessairement facile d'être un adolescent parce que c'est une société qui est faite pour les boomers. Je veux dire, c'est comme ce que je pense. Déranger, c'est pas le fun, puis déranger, c'est pas bien. Puis on parlait longtemps sur pourquoi c'est comme ça, pourquoi les sociétés nord-américaines sont de moins en moins libres et qui de moins en moins tolèrent l'essence même, « it smells like teen spirit », on n'aime plus le « teen spirit ». On n'aime plus ça, puis ça dérange les gens. Ça dérange le monde. [00:38:01] Speaker A: Je suis d'accord avec vous. [00:38:02] Speaker B: Ça, c'est une chose. On peut en parler, continuer longtemps là-dessus, mais il y a une autre affaire que souvent on parle. On peut être contre le fait qu'on judiciarise des affaires qui n'étaient plus judiciarisées il y a 10 ans, 15 ans. C'est vrai que, est-ce que c'est dans l'intérêt de la société de judiciariser des chicanes, de crépages de chignons sur Internet, de « t'es une X, je vais te faire ça, on va t'attendre au cours d'un racabessique ». Tu sais, la différence, c'est qu'avant, quand on disait à quelqu'un « on va t'attendre au racabessique », c'était pas sur Snapchat, c'était pas sur Instagram, c'était de vive voix. Ça s'en allait pas devant les tribunes. Fait qu'on peut déplorer le fait que la société est rendue ultra-judiciarisante. On judiciarise tout et n'importe quoi. C'est vrai. Mais comme je dis souvent aux parents, on peut le déplorer, madame, monsieur, mais ce monde-là, ils ont l'armée. Ils ont les tanks, ils ont la police. Fait que vous pouvez le déplorer, mais l'État, le brelon. Fait que faites-vous élire, là, puis changez le zeitgeist. Changez le zeitgeist. Changez l'état des choses, comme disait Nietzsche. Ben si tu peux pas le faire, ben eux ils ont des tanks. Ils ont des tanks comme des avions de chasse. Ils ont des armes à feu. L'État va gagner. L'État va gagner. [00:39:42] Speaker A: On avait commencé à parler d'une évolution, l'évolution que vous avez remarquée à Montréal autour de 2021-2022, une augmentation, un alourdissement de la criminalité, puis chez des gens de plus en plus jeunes. [00:39:58] Speaker B: Le creux de la délinquance à Montréal a été observé de la fin mi-2010 jusqu'en 2017. On est dans un creux de délinquance. [00:40:08] Speaker A: Ça veut dire que les jeunes étaient plus sages. [00:40:11] Speaker B: Il y a plusieurs facteurs. Il y a un facteur démographique. C'est plate. Il y en avait moins. Il y avait un creux démographique à Montréal. Ce n'est pas la seule raison, mais c'est un facteur déterminant, le creux démographique. Donc, 2017, creux. Tranquille jusqu'en 2019-2020. Puis là, 2022, capo. Ça monte. On en a un peu plus de délinquance. Mais surtout, vous savez, encore une fois, il y a plusieurs index de criminalité. Comment on peut mesurer la criminalité? le taux de prévalence, un acte délictuel, l'indice de gravité des crimes, les homicides par 100 000 habitants, etc. Ce qu'on a remarqué à Montréal depuis justement 2022, c'est que l'index de gravité est en forte augmentation. Donc oui, il y a une prévalence plus importante, donc le nombre de crimes dénoncés à la police ou judiciarisés, peu importe, est en légère augmentation, mais surtout l'index de la gravité est en forte augmentation. Puis si on compare ça d'un point de vue plate, là, on regarde un peu Toronto dans les années 2010, c'est exactement pareil. [00:41:19] Speaker A: Que maintenant, à Montréal? [00:41:21] Speaker B: Oui. En termes de phénomène, pas en termes de quantité, puis en termes de nombre, Toronto reste une ville beaucoup plus grande, donc c'est pas des chiffres qui sont vraiment comparables, mais quand on regarde la courbe de délinquance et la courbe de gravité des crimes, c'est très comparable à ce qui s'est passé à Toronto dans les années 2010. Et c'est plus ça qui est inquiétant. C'est plus ça qui est inquiétant parce qu'on croyait à Montréal qu'on était un peu épargnés par ce phénomène-là de crimes extrêmement graves. Et la réalité, c'est que clairement, non, on n'est pas immunisé parce qu'on voit un peu le même phénomène à échelle réduite parce qu'on est une ville plus petite d'un point de vue démographique. Mais quand on met un peu les deux courbes, je l'ai fait à l'exercice, on met les deux courbes, la courbe de Toronto d'année 2010 et celle de Montréal, il y a un gros pattern qui se voit entre les deux. [00:42:11] Speaker A: Puis est-ce qu'on sait qu'est-ce qu'il a fait? Donc, je présume que la courbe de Toronto obéissée éventuellement? [00:42:20] Speaker B: Oui, Toronto a pris en place des mesures aussi particulières avec un délai. Il y a toujours un délai entre la réponse de l'État ou la réponse d'institution et le phénomène sociologique. C'est ça la réalité. Il y a toujours une latence entre le moment où on observe un phénomène X et la réponse sociale. Donc, il y a toujours un délai qui est fait. Moi, ce que je dis depuis le début, c'est que, bien là, on a une augmentation de la délinquance, et là, la réponse, elle se laisse désirer. Parce que, tu sais, l'État, ou les institutions démocratiques, on va les appeler comme ça, c'est comme un gros paquebot. C'est comme un gros, gros paquebot. Tu peux pas... T'es pas un chaloupe, là. Tu sais, l'état moderne, là... C'est pas... C'est pas... C'est pas l'état primitif, là. C'est une grosse chaloupe. C'est un gros paquebot. Fait que tourner ça, puis essayer de changer de cap, puis d'essayer de faire des changements, c'est très difficile. C'est très compliqué. Parce que c'est plein de gens qui veulent pas prendre de risques, qui veulent pas prendre de décisions. C'est ça, la réalité. Moi, je dis souvent, quand on traite avec de l'humain, puis qu'on traite avec... la détresse humaine, on ne peut pas être dans le zéro risque. Alors, bien, si on fait ça, qu'est-ce qui va se passer? Non, il faut prendre des actions puis prendre certaines décisions courageuses. Parce que quand on veut pas prendre de risques, on plante des navets, là. C'est ça qu'on fait. Le navet, ça pousse tout le temps. Peu importe ce qui se passe, le navet va pousser. Traiter des êtres humains en détresse, c'est plus compliqué que ça. Il faut prendre des risques. Puis prendre des décisions importantes. [00:43:53] Speaker A: C'est quoi? [00:43:53] Speaker B: Il faut réinvestir dans les programmes de réadaptation intensive. À Montréal, c'est le plus grand district judiciaire au Québec, la peine qui est ce qu'on appelle un PASI, c'est un programme d'adaptation et de suivi intensif, a été abrogée par faute de budget. Le programme de garde... Je ne peux pas vous dire l'année exacte, mais c'est à peu près dans ces années-là. La garde discontinue, qui fonctionnait extrêmement bien, est abolie. La garde discontinue, c'était les fins de semaine. Quand on avait un jeune qui avait un gros délit violent, mais qui avait des acquis sociaux dans lesquels on pouvait l'accrocher. Donc une école, des parents aimants, un job. Il y avait ce qu'on appelle des facteurs de protection, en parlant en criminologue. on l'a abrogée. Pourquoi? Parce que ça prend trop d'argent. Ça prend des nouvelles unités, ça prend d'autres éducateurs. C'est à peu près 2000... Justement, dans le creux de la délinquance. 2017, 2018, 2019. Je vais pas vous dire une de ces trois années-là qui a été abrogée. Je me souviens très bien, j'ai été choqué. [00:44:49] Speaker A: C'Est que les décisions, il y a des décisions qui se prennent plus rapidement. [00:44:53] Speaker B: Donc, si je comprends bien... Ça coûte cher, la réadaptation. [00:44:56] Speaker A: Donc, s'il y a une diminution de la criminalité, si on est dans un creux de verre, on peut décider rapidement de couper. [00:45:02] Speaker B: On peut couper dans la réadaptation. [00:45:04] Speaker A: Mais décider de réinvestir... Plus de police, c'est pas compliqué. [00:45:07] Speaker B: Je vais en faire une affaire à plate, là. Mettre en place des systèmes de réadaptation structurels basés sur de la recherche, de la science, puis du data, là, ça coûte cher. mettre en place des policiers qui sortent de Nicolet, pas cher. C'est plate, hein? Facile. On engage plus de policiers. Plus de policiers. Sentez-vous en sécurité, vous, parce que vous voyez plus de policiers dans la rue? Regardez, il n'y a pas de lien entre la sévérité des peines ou la répression et la coupe de délinquance. On sait qu'il y a deux choses qui marchent pour arrêter la délinquance juvénile. La certitude de la réponse pénale et la célérité de la réponse pénale. En gros, c'est... Est-ce que je suis sûr d'avoir une conséquence pour ce que je fais? Et est-ce que cette conséquence-là va être rapide dans le temps? Parce que le temps pour un ado et un adulte, c'est pas la même chose. [00:45:56] Speaker A: Parce qu'on parle de gens qui sont dans le présent. [00:45:58] Speaker B: Ben oui, exactement. Ils sont dans le présent. [00:46:01] Speaker A: Fait que si la peine arrive deux. [00:46:03] Speaker B: Ans plus tard, un an plus tard, ça donne plus rien. Et puis on a eu le temps de commettre 8000 délits pendant ce temps-là. [00:46:07] Speaker A: Oui, c'est ça. [00:46:08] Speaker B: Puis beaucoup de policiers qui ne croient pas dans l'système juvénile. Donc regardez, pourquoi je vais intervenir pour son vol à l'étalage? Il va y avoir des travaux bénévoles, il va y avoir une petite rencontre de sensibilisation. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que ce n'est pas la sévérité de la réponse pénale qui compte, c'est la certitude et la célérité. Es-tu certain que tu vas avoir quelque chose? Ça va-tu être rapidement fait? Peut-être que ta rencontre de sensibilisation dans un organisme de justice alternatif va être la mesure qui va couper cette trajectoire délictuelle. Mais les policiers ne croient plus dans ce système-là de prévention, de réadaptation, parce qu'eux, ils disent, bien, il n'y a pas de résultat. On le réfère à l'organisme, mais... Oui, mais c'est parce que c'est le syndrome du survivant. C'est qu'on voit pas ceux qui reviennent pas. Tu sais, quand t'en as 10 que tu as référé à l'OGA, puis 9 sur 10 reviennent pas, tu penses pas à 9 sur 10. Là, tu penses juste à celui qui revient. Puis c'est le syndrome du survivant. C'est-à-dire qu'on ne se souvient que... de ceux qui reviennent. C'est un biais, en fait, pas le syndrome, le biais cognitif, le bien connu du survivant. Tu sais, puis ils reviennent pas, fait qu'on les oublie. [00:47:16] Speaker A: On a apprécié cette prégnance quand j'étais plus jeune. Tu vois qu'ils reviennent, donc ils reviennent tous. [00:47:22] Speaker B: Exact. [00:47:23] Speaker A: Tu l'as déjà vu, tu vois qu'ils reviennent, donc ils reviennent tous. [00:47:27] Speaker B: Exact. On oublie ça. Tu sais, c'est un peu comme dire, bien, c'est pas grave de pas faire ses stops, parce que moi, j'ai déjà fait... j'ai pas fait mon stop une fois, puis j'ai pas eu d'accident. [00:47:36] Speaker A: Oui, c'est ça. [00:47:37] Speaker B: Ben non, mais... parce qu'il faut voir ça d'un point de vue populationnel. De point de vue populationnel, on sait que quand il y a une réponse pénale, ça a un impact important sur les cours, peu importe c'est quoi la réponse pénale. Ça peut être des travaux bénévoles, ça peut être un atelier de médiation, juste le fait qu'on intervienne a un impact. [00:47:54] Speaker A: Mais aussi l'impact. L'impact, j'imagine, pour plusieurs de ces jeunes-là, d'entendre qu'on prend ce qu'ils font, qu'on prend ce qu'ils ont fait au sérieux, mais qu'on les prend, eux, au sérieux. [00:48:07] Speaker B: Exactement. Exactement. Ils ont des peines adaptées. Un atelier. Tu sais, souvent, les policiers vont dire « Bon, c'est mieux ça, un atelier. » Je suis comme « Oui, mais c'est ça qu'il y a besoin. » Tu sais, gérer des conflits, apprendre à désescalader, tu sais, des outils, là. Tu sais, des outils intellectuels, des heuristiques, là. Prendre un terme péteux, philosophique, là. Bien, c'est ça que ça prend. Puis c'est pas tout le monde qui a eu la chance d'avoir des parents qui leur ont appris comment désescalader un conflit. Puis des fois, dans sa délinquance, c'est ça, la cause de la délinquance. Tu sais, on dit « La base de la loi, c'est s'attarder aux causes sous-jacentes de la délinquance. » Mais on a un peu oublié ça. pour au profit de mettre la police partout dans les rues. Pas de même, ça marche. [00:48:46] Speaker A: Ça, c'est au niveau politique. Est-ce que vous avez l'impression qu'au niveau des... au niveau des juges, il y a eu une évolution dans les mentalités qui va dans le même sens? C'est-à-dire... parce qu'ils ont les mains liées. [00:49:01] Speaker B: Bien, les juges sont issus de la société, t'sais. Eux sont un peu... Les juges sont pas dans un vase clos, hein. C'est des citoyens qui ont une... qui existent dans un... dans un contexte politique, social et... et de classe. [00:49:16] Speaker A: — Fait qu'éventuellement, on pourrait se dire les juges se disent aussi comme les policiers. Bien là, à quoi bon lui donner une chance ici? [00:49:25] Speaker B: — Pas dans leur tête, là. [00:49:27] Speaker A: Mais vous n'êtes pas dans la tête des policiers non plus? [00:49:30] Speaker B: Non, par contre, on a les études sur les policiers. Ce qui est facile avec les policiers, c'est qu'on a des études qui ont été faites, des entrevues dirigées sur les policiers. Ce qui est bien avec la recherche, c'est que ça permet d'aller chercher des données concrètes. Puis on les a interviewées, les policiers. Ce que je vous dis, là, c'est basé sur des réponses de policiers. C'est plus compliqué avec les juges. du secret et du devoir de réserve. [00:49:54] Speaker A: Il ne se laisse pas interroger si facilement. [00:49:57] Speaker B: C'est sûr. Mais oui, c'est vrai que certains doivent être découragés d'avoir donné une peine, puis le gars revient le lendemain. Le problème, c'est que les dix que t'as donné une peine, il y en a peut-être deux qui sont revenus, mais tu te souviens juste de celui qui est revenu et qu'on vient au fait des faux croix dans le système. Si on croit pas dans le système, on s'en va planter des navets. [00:50:16] Speaker A: Vous, vous avez l'impression que, en fait, l'augmentation de la criminalité chez les jeunes à Montréal depuis la sortie de la pandémie, elle est causée ou elle est facilitée? C'est-à-dire, est-ce que... c'est ça... [00:50:34] Speaker B: Je dirais jamais causée. En bon épistémologue, je dirais jamais causée. [00:50:37] Speaker A: OK. Donc, elle est facilitée par l'accès aux armes à feu. [00:50:41] Speaker B: Oui. [00:50:41] Speaker A: Un accès inédit, qu'il n'y avait pas avant. [00:50:44] Speaker B: Ils vont toujours se chicaner, puisque maintenant, quand ils se chicanent, il y en a un qui sort un gun. Avant, ils se chicanaient aussi, hein? Sauf qu'il y en a un qui sortait un couteau ou qui se battait à coups de poing sur la gueule. Moi, je me suis battu quand j'étais jeune. Tu sais, moi, j'ai... Au Portugal, là, je veux dire, les cours d'école, on se chicanait. Dans le pire des cas, t'avais une puck. Là, dans le pire des cas, le gars, il sort un gun, il tire dessus. ouais. [00:51:09] Speaker A: Puis, est-ce que vous disiez qu'il y a une augmentation de la prévalence des actes criminels. Il n'y a pas plus d'actes criminels. Il y en a un peu plus. [00:51:20] Speaker B: Un peu plus. On va prendre un terme plate, mais c'est presque statistiquement insignifiant. on est proche de la valeur de l'insignifiant statistique. On n'est pas tout à fait là. Vous savez, quand on regarde des comparaisons statistiques, il y a toujours un écart qu'on appelle un écart de l'insignifiant statistique. On est presque dans l'écart de l'insignifiant statistique. Pas tout à fait, mais presque. C'est vraiment l'index de graffiti qui est un problème. C'est pas qu'il y a plus de bombes. C'est que le cycle actuel, c'est un cycle de violence contre la personne. qui sort un peu des tropes universelles de la délinquance juvénile. [00:51:59] Speaker A: C'est-à-dire que c'est un cycle de violence contre la personne aggravé par le fait qu'ils ont accès à des arnaques feuilles. [00:52:04] Speaker B: Oui. Puis qu'il y a des conflits... Ça. [00:52:06] Speaker A: Fait qu'il y a deux facteurs, là. [00:52:06] Speaker B: Puis qu'il y a des conflits territoriaux en différents groupes criminalisés. [00:52:12] Speaker A: Aggravés, c'est-à-dire qu'ils ont augmenté, des conflits qui ont augmenté depuis... Oui, des conflits. [00:52:17] Speaker B: Qui font en sorte qu'il y ait plus de crimes contre la personne. [00:52:19] Speaker A: Bien, je vous demande ça. Je ne veux pas me sentir comme ma mère quand j'étais jeune, mais néanmoins, il y a une culture quand même qui fonctionne bien, qui est la culture du rap. La culture du rap, ça marche bien. [00:52:39] Speaker B: Tous mes clients sont musiciens. [00:52:41] Speaker A: Sont musiciens de rap? [00:52:43] Speaker B: Oui, c'est drôle, moi je l'entends souvent en blague. Vous êtes tous musiciens, mais vous pratiquez tous le même style. [00:52:48] Speaker A: Oui. [00:52:48] Speaker B: Fascinant. Personne qui fait du rock prog. [00:52:52] Speaker A: C'est ça? [00:52:53] Speaker B: Personne. [00:52:54] Speaker A: C'est ça? Puis cette culture-là, c'est une culture de tout ce que j'ai pu voir qui valorise. C'est-à-dire, il y a des rappeurs qui se sont fait tirer. Donc, t'as le rappeur de tel quartier, puis le rappeur de tel autre quartier, puis là, il y en a un que... T'sais, c'est une culture de gangster rap. C'est pas juste de la musique, c'est un style de vie qui, il me semble, n'existait pas il n'y a pas si longtemps, en fait, comme style de vie valorisé, dans la musique en particulier. [00:53:29] Speaker B: Les punks étaient plutôt une violence politique. Ils faisaient des délits politiques. Ils étaient contre le système. Parce qu'il y a une politique là-dedans. On va arrêter... Déjà qu'il y a des gens qui essaient de nous vendre que c'est politique. Il y a une politique là-dedans, il faut arrêter les conneries. [00:53:43] Speaker A: Faire de l'argent. Oui. Acheter des beaux chars. [00:53:48] Speaker B: Jouer à GTA V. Il n'y a personne là-dedans qui veut saisir les moyens de production. OK? Il n'y a personne là-dedans qui dénonce la plus-value exercée par les capitalistes sur les lumpenproletariat. Non. [00:53:59] Speaker A: Absolument. Non. [00:54:02] Speaker B: Non. [00:54:03] Speaker A: Non. Non, mais ça parle de comment on va flinguer un, puis comment on a fait du fric, puis comment c'est vraiment... Tu sais, je veux pas tout ramener, tout le rap, au gangsta rap. Tu sais, je pense qu'il y a de la poésie aussi. Il y en a, il y a des raps poètes. [00:54:23] Speaker B: Ça fait, ça fait. Corrélation toujours, pas causalité. [00:54:27] Speaker A: Mais il y a une sous-catégorie, disons, très, très, très, très populaire et attractive, qui valorise tout ce qu'on est en train de connaître en ce moment, en fait. [00:54:36] Speaker B: Oui, late-stage capitalism. [00:54:39] Speaker A: Ah oui, hein? [00:54:41] Speaker B: Pour moi, le gangsta rap, c'est du late-stage capitalism. [00:54:43] Speaker A: Oui. Expliquez, allez-y. [00:54:46] Speaker B: Oui. Vous savez, c'est pas des jeunes qui ont commencé ça. C'est une société dans laquelle on valorise la réussite matérielle au détriment de tout et n'importe quoi. Bien, c'est ça. [00:54:56] Speaker A: C'est l'équivalent des gardes à chianes, par exemple. [00:54:59] Speaker B: On parle de gens qui viennent d'un milieu souvent défavorisé. Dans une société qui idolâtre le capital. Quand on dit au Québec qu'on a de la difficulté avec l'argent, ce n'est pas vrai. Les Québécois sont très à l'aise avec l'argent. Ils sont tout à fait contents de faire de l'argent. Ça, c'est un mythe. Les Québécois aiment bien l'argent, ils aiment bien réussir. Ils ne sont pas du tout dans le collectivisme et le socialisme. On va arrêter ça. [00:55:25] Speaker A: Leurs institutions sont très énergivores et très... Accaparent beaucoup, beaucoup, beaucoup de leurs revenus. [00:55:32] Speaker B: Individuellement, je pense pas que les Québécois auront de la misère avec l'argent. Fait qu'on parle de gens souvent issus de milieux paupérisés. Ben oui, ils veulent atteindre une certaine statut. [00:55:46] Speaker A: En même temps, vous disiez tantôt, il y a comme des fils de médecins, des fils d'avocats, des fils de... Oui. [00:55:55] Speaker B: Eux c'est pareil, c'est par ersatz, c'est par mimétisme, c'est parce que c'est cool et c'est la mode. Mais je vous parle d'où ça part, là. Quand on regarde l'histoire du gangsta rap, ça vient des communautés paupérisées. C'est un des communautés exclus, marginalisées, qui veulent atteindre le rêve américain puis le succès. Puis oui, c'est vrai que le succès, en passant par une carrière académique ou par un... qui leur a été par ailleurs interdite, là, il faut le dire comme que... il faut dire la vérité, là, c'est pas... Tu sais, c'est un peu... parce qu'on leur avait interdit d'avoir ce succès-là par là que, bien... on se retrouve avec ce genre de valorisation de l'argent facile et d'accumulation de capital par des moyens, disons, illégitimes. [00:56:37] Speaker A: Puis c'est ça, puis que c'est valorisé. [00:56:39] Speaker B: Je parle pas des flips immobiliers, là. Quand je parle d'accumulation de capital par des moyens illégitimes, je parle pas de flips immobiliers. [00:56:44] Speaker A: Non, OK. [00:56:45] Speaker B: Quoique... [00:56:45] Speaker A: Faites bien de le dire. [00:56:47] Speaker B: Quoique... [00:56:48] Speaker A: J'ai bien entendu, c'est pas de ça qu'on parle. [00:56:52] Speaker B: Non. [00:56:53] Speaker A: Quoique... Donc... Late Stage Capitalism, qui a donné des Diddy. Diddy, comment ça s'appelle? [00:57:06] Speaker B: C'était une société dérélictée. [00:57:09] Speaker A: Diddy, c'est un rappeur qui est en cours en ce moment aux États-Unis. [00:57:16] Speaker B: Ah, oui, oui, oui. Il y a toujours deux tours passés immédiatisés avec les rappeurs aux États-Unis. Moi, j'ai arrêté de suivre, honnêtement. [00:57:22] Speaker A: Fait qu'en ce moment, il y en a un, Diddy Party. Il a abusé d'un paquet de femmes. [00:57:28] Speaker B: C'est de ça qu'il est accusé. [00:57:29] Speaker A: Ah oui, Pauvre Daddy. [00:57:29] Speaker B: Oui, Pauvre Daddy. [00:57:30] Speaker A: Pauvre Daddy, c'est ça? [00:57:31] Speaker B: Oui, tout à fait. [00:57:32] Speaker A: Donc ça, la culture qui émane d'individus comme ça, c'est une culture de capitalisme. [00:57:43] Speaker B: Oui, avec un peu de masculinité toxique quand même. [00:57:46] Speaker A: Ah oui, non, pas d'occitane. [00:57:47] Speaker B: Ah oui, pas d'avis quand même, on peut mettre un machiné d'occitane là-dedans. [00:57:49] Speaker A: Oui. Mais c'est une culture qui attire, donc ça a des répercussions ici, puis ça attire des jeunes, puis ça les met dans l'esprit que c'est cool d'avoir une arme à feu, que c'est cool d'avoir un paquet de billets d'argent, que c'est. [00:58:10] Speaker B: Cool... De ne pas traiter les êtres humains comme des fins en soi. [00:58:12] Speaker A: C'est ça, c'est ça. [00:58:14] Speaker B: Puis comme des moyens. Ouais. [00:58:17] Speaker A: Fait que je veux pas dire causalité, mais quand même, le contexte, c'est ça aussi. [00:58:22] Speaker B: C'est pas un facteur de protection. [00:58:22] Speaker A: Non, c'est pas un facteur de protection. [00:58:24] Speaker B: C'est pas un facteur de protection, c'est un facteur de passage à l'acte, définitivement. [00:58:28] Speaker A: Sauf que là, ce que vous dites, c'est qu'on peut être attiré par ces choses-là, mais on est relativement protégé si on n'est pas paupérisé comme un certain nombre de jeunes qui se retrouvent à être vos clients. [00:58:41] Speaker B: Ben oui, c'est ça. Il y a des gens qui peuvent avoir des fragilités individuelles qui auraient pu les mener à un passage à l'acte délictuel, mais parce qu'ils ont eu la chance d'en être dans un milieu aimant et qui a des ressources, surtout, leur trajectoire délictuelle va être cassée un moment ou un autre par l'intervention des parents. Ça c'est un phénomène qui est connu, c'est-à-dire qu'avec les mêmes facteurs de fragilité, qui aurait pu déterminer un passage à l'acte ou une carrière délictuelle, ou une cristallisation, tu sais, le terme plate académique, ça s'appelle la cristallisation de la délinquance, c'est-à-dire quand un... le moment dans lequel la délinquance, appelons-la... [00:59:21] Speaker A: C'est pas plate, je trouve ça beau, moi, comme terme, cristallisation, ça fait cristal, c'est beau. [00:59:25] Speaker B: Souvent, t'as de la délinquance qui est... qui est reliée à une période qui est conjoncturelle, donc une délinquance conjoncturelle, qui est pas mal ce qu'on appelle la famille universelle de jeunes délinquants, va se cristalliser pour devenir ce qu'on appelle communément des criminels de carrière. Il y a un moment clé qui est à peu près 17 à 22 ans dans lequel une intervention ciblée, intensive, et un milieu aimant et encadrant va casser cette trajectoire-là pour en faire des bons citoyens. Parce que le nombre de bons citoyens aujourd'hui qui ont déjà eu un passé rock'n'roll, il y en a plein. Il y en a plein. [01:00:06] Speaker A: Mais ils ne le diront pas. Il n'y avait pas d'Internet. [01:00:09] Speaker B: Il n'y avait pas d'Internet dans ce temps-là. [01:00:11] Speaker A: Il n'y avait pas de place. Voilà. C'est ça. Entre nous. [01:00:15] Speaker B: Entre nous, mais c'est une partie du phénomène humain. Mais ceux qui n'ont pas cet encadrement-là, eux, ils vont malheureusement, on ne va pas les réchapper. C'est ça la réalité. Il y a une autre affaire aussi qu'il faut dire, c'est que malgré toute la bonne foi et le meilleur système possible, il y a deux choses qui font en sorte que naturellement, quelqu'un arrête de commettre des crimes. Je vais comparer ça un peu comme les antibiotiques. Quand tu tombes malade, avant l'invention de la médecine, naturellement, il y avait toujours des gens qui guérissaient normalement, qui développaient, qui guérissaient la maladie, d'autres qui en mourraient. Ben, mettons qu'on met de côté tout le système de pénologie moderne qui nous est issu de la Renaissance italienne et de Seggiari Beccaria et Michel Foucault, là, on met tout ça de côté, là, on fait pas de réponse pénale, on revient au temps des... avant la réponse pénale moderne et la pénologie moderne. on sait qu'à peu près 60% des gens vont naturellement arrêter tout seul. Donc, aucune intervention, ils vont arrêter. Pourquoi? On sait maintenant avec les études qu'il y a deux facteurs qui font en sorte que les jeunes arrêtent de commettre des infractions, et l'État n'a aucun contrôle sur ça. Le premier facteur, c'est l'âge. Naturellement, avec la maturité, ils arrêtent de commettre des crimes parce que la maturité, parce que la vie, etc. Le deuxième facteur, c'est qu'ils font une blonde aux valeurs prosociales. Et ça, l'État n'a pas de contrôle non plus là-dessus. J'ai envie de partir un système de matching. Et une blonde aux valeurs prosociales. J'insiste, aux valeurs prosociales. [01:01:53] Speaker A: Oui, tout à fait. [01:01:55] Speaker B: C'est une bonne fille, qui a une bonne influence, et ils vont arrêter les comédies. Ça, c'était avant la médecine. Maintenant, on découvre les antibiotiques, on découvre le système de réadaptation, et là, on va aller chercher un pourcentage supplémentaire de jeunes qu'on va rescaper de la délinquance. Mais un peu comme avant la médecine, le pourcentage de gens qu'on va sauver de certaines maladies après la découverte d'un médicament est moins important que les gens qu'on sauvait naturellement. Donc, il faut être très humble. Pas toutes les maladies, évidemment. Mais certaines maladies, c'est moins. Donc, il faut être très humble dans ce qu'on fait. Parce que moi, j'ai pas la prétention que c'est moi ou le système qui sauve les jeunes-là. Si j'ai fait la différence dans la vie de certaines personnes, tant mieux. Je suis content. Des fois, j'en croise dans la rue qui me salue et je les salue, ça me fait toujours plaisir. Mais je suis humble dans le sens où on est... le système fait ce qu'il peut, mais on est un peu l'antibiotique. Des fois, la personne aurait guéri pareil sans. Faut pas penser que c'est nécessairement que le système qui fait ça. Le système aide, mais on est un peu tributaire des aléas de l'humanité. [01:03:05] Speaker A: Est-ce que ça vous est déjà arrivé? Puis vous n'êtes pas obligé de me le dire. Mais de rencontrer un jeune dont vous vous dites OK, non, c'est de valeur, je vais faire tout ce que je peux, mais... Oui. Oui? [01:03:25] Speaker B: Oui. Oui. [01:03:28] Speaker A: Des jeunes... Oui. [01:03:29] Speaker B: Si je n'ai pas souvent tort. [01:03:32] Speaker A: Vous avez été confirmé dans vos... dans vos... C'est parce qu'il y a aussi dans les... dans les places afro que vous avez mentionné, Toronto, c'est que parmi... parmi ces 95 % de jeunes qui testent l'autorité puis qui testent les limites et les lois, Il y a une infime proportion qui teste assez loin pour commettre un délit qui les met dans le trouble. Parmi ceux-là, il y a certainement une infime proportion qui sont assez tôt des gens qui ont une structure, une approche au monde. [01:04:17] Speaker B: Une fragilité, des fragilités individuelles. [01:04:19] Speaker A: Des fragilités individuelles, disons... De leur personnalité. Qui font en sorte que... Qui font en sorte qu'on se dit... Oui. [01:04:28] Speaker B: Oui. [01:04:29] Speaker A: C'est de valeur, si jeune, qu'on sache déjà à peu près où est-ce que ça s'en va. [01:04:35] Speaker B: Oui, c'est clair. Oui, oui. J'ai pas souvent tort. [01:04:39] Speaker A: Je vous demande ça parce qu'il y a des gens... C'est-à-dire, c'est votre domaine, la criminologie, le droit criminel, vous vous rends compte. Il y a des gens qui sont, puis pourquoi je disais non déplaisé à Foucault, c'est qu'il y a le système qui surveille et punit. Il y a le traitement de la marginalité par le système. [01:05:03] Speaker B: Tout ça est vrai et fondamental. [01:05:05] Speaker A: Ça n'enlève pas qu'il y a parmi nous, parmi les humains, des gens qui s'excluent assez rapidement de l'expérience humaine. [01:05:15] Speaker B: Tout à fait. Un infime pourcentage, mais oui, il y a des gens qui contiennent leur fragilité individuelle. Je suis pessimiste quand je les vois pour la première fois. Puis vous savez, moi, je suis point déterministe, donc je crois fondamentalement au libre-arbitre. Et d'ailleurs, un des concepts fondamentaux en criminologie moderne, c'est le concept de libre-arbitre. On a trop souvent, en criminologie, exclu le libre-arbitre du délinquant. [01:05:45] Speaker A: Comment? [01:05:45] Speaker B: En disant, bien, c'est la société. Et ça, c'est une erreur. C'est une erreur, je dirais, d'une certaine pensée, de la science humaine en général, qui est le déterminisme. Et moi, je ne crois pas du tout à ça. Je crois qu'il y a des facteurs structurels. Je crois à la structure. J'ai une approche marxiste par rapport à la question de l'enfance juvénile. Je crois aux structures. Je crois à l'infrastructure. L'infrastructure et la structure sont déterminants, mais ça n'enlève pas le libre arbitre humain. Et peut-être là où je suis un peu moins marxiste, peut-être parce que, justement, je suis autre chose, mais... — Mais. [01:06:17] Speaker A: Peut-Être aussi parce que vous êtes dans la réalité concrète de rencontrer des humains. [01:06:22] Speaker B: Qui change et qui peut fermenter les statistiques, tu sais, je veux dire... —. [01:06:25] Speaker A: Oui, et les théories. [01:06:26] Speaker B: — Bien oui, mais c'est tant mieux. Mais c'est ça, c'est à la fois les facteurs structurels et qui sont dans la prévisibilité et le libre arbitre. Moi, j'ai... Il y a un très beau terme qui existe qui s'appelle le polygone des contraintes. Paul Venn, qui est un... un grand historien français, pour moi le plus grand historien français de génération, qui avait dit que l'être humain, c'est un polygone de contrainte. Et la grosseur et la forme du polygone dépendent de chacun. En gros, ce qu'il disait, c'est qu'on est tous contraints dans une espèce d'enclos à chèvres. L'enclos à chèvres, c'est mon terme. Ce n'est pas Paul Vannes qui parle d'enclos à chèvres. J'ai une image pour que vous compreniez. On vit tous dans un enclos à chèvres. les limites de cet enclos à chèvres-là vont être plus ou moins grandes et plus ou moins importantes. Ils vont être différents, l'intelligence, les parents, la force physique, l'endroit où tu es né, l'âge de tes parents. Tu sais, des millions et des millions de facteurs qui en font un polygone. Il faut conceptualiser ça, là, c'est un polygone. Mais chaque personne a son propre polygone des contraintes. Mais dans l'intérieur de cet enclos à chèvres-là, slash polygone des contraintes, on est tous une chèvre qu'un libre-arbitre. Puis il y a certaines chèvres qui, malgré le fait qu'ils ont un énorme polygone des contraintes, vont foutre la marde au milieu, puis ils vont rester là, puis ils vont dire « fuck it ». Puis il y en a, malgré le fait qu'ils ont un très petit polygone des contraintes, ils vont aller au bout, puis ils vont aller explorer le bout du polygone, puis ils vont maximiser leur potentiel. Ça fait que c'est un peu ça, l'épidémiologie et la science humaine. [01:08:03] Speaker A: Oui, c'est vraiment intéressant. [01:08:04] Speaker B: C'est exactement ça. Donc, quand j'essaie d'expliquer à des étudiants c'est quoi le déterminisme, versus le structuralisme, moi, aujourd'hui, je mets la vérité dans l'enclos à chèvre. Bon, après, j'explique... Évidemment, c'est un enclos à chèvre. [01:08:23] Speaker A: Là, l'étudiant... [01:08:25] Speaker B: C'est pas ce que vous voulez. Qu'est-ce que je note? [01:08:28] Speaker A: Oui. [01:08:28] Speaker B: Chèvre. Hold on. [01:08:30] Speaker A: Enclos. [01:08:30] Speaker B: Enclos à chèvre. Et pour moi, c'est ce qui explique le mieux dans les camps juvéniles, c'est l'enclos à chèvre. Vous allez me dire, l'enclos à chèvres. Oui, l'enclos à chèvres. Peut-être que je vais dire ça, l'enclos à chèvres. Peut-être que l'humanité est un enclos à chèvres. [01:08:48] Speaker A: L'histoire que j'ai entendue dans un documentaire, dont je ne me souviens même pas, c'est que chez les Inuits, les peuples du Grand Nord, qui étaient des peuples nomades avant que le Canada s'en mêle... [01:09:03] Speaker B: Oui, puis quand tu l'as reçu à une traîneau. [01:09:04] Speaker A: Oui. Il y avait des gens qui étaient identifiés dans leur communauté de nomades comme étant ceux qui ne participaient pas à la chasse avec les autres, s'arrangeaient le plus possible pour rester derrière, puis se tapaient toutes les femmes des hommes qui allaient à la chasse. [01:09:29] Speaker B: Oui, les freeriders. Tout ça, c'est la question philosophique du freeriding. Qu'est-ce qu'on fait avec ce monde-là? [01:09:37] Speaker A: Puis donc, l'histoire que j'ai entendue, c'était que la pratique était que les freeriders étaient exclus de la communauté. On le savait. On savait où ça menait, on savait où ça finirait. [01:09:53] Speaker B: Les Grecs aussi faisaient ça. [01:09:54] Speaker A: Oui? Oui. [01:09:56] Speaker B: Avec des genres. Ils écrivaient le nom d'une personne sur des genres, Voilà. L'exode. [01:10:04] Speaker A: Ça fait que bon, ça ramène à un autre problème. C'est-à-dire, est-ce qu'on a identifié la bonne personne? Est-ce que ce n'est pas la personne qui a accusé cette personne-là? [01:10:12] Speaker B: C'était démocratique chez les Grecs. [01:10:14] Speaker A: C'était démocratique. [01:10:15] Speaker B: Oui, oui. [01:10:17] Speaker A: Mais c'est qu'il y a nécessairement, à l'intérieur d'un enclos, il n'y a pas juste une chèvre, si j'ai bien compris. Il y a plusieurs chèvres. Fait que t'as des chèvres qui vont au bout de leur potentiel, au bout de leur enclos. Puis on leur souhaite de passer par-dessus. Il y en a des chèvres comme ça qui sont... Pas un problème. Puis de revenir avec des nouveaux apprentissages. Mais à l'intérieur de cet enclos-là, il y a d'autres chèvres. Puis parmi les autres chèvres, il y a celles qui n'explorent pas nécessairement, mais il y a celles qui sont les chèvres opportunistes, probablement, qui nuisent à l'ensemble des chèvres à l'intérieur de l'enclos. [01:10:58] Speaker B: Oui. [01:10:59] Speaker A: D'une façon... [01:11:01] Speaker B: C'est universel. [01:11:01] Speaker A: C'est universel. [01:11:04] Speaker B: Oui, c'est universel. [01:11:05] Speaker A: Ça doit être un sacré problème dans la réalité, en fait. Ça doit être difficile, en fait. [01:11:10] Speaker B: Oui, ce qu'on appelle le système antisocial. [01:11:12] Speaker A: De rencontrer un jeune puis d'avoir l'impression que ça s'enligne pour ça. [01:11:18] Speaker B: Ça doit être... Au début, c'est difficile. Puis s'en passe normalement les Grecs, puis leur concept de l'ostracisation, hein, parce qu'ostraciser, ça vient justement du phénomène grec. C'était les bouts de poterie, là. [01:11:32] Speaker A: Ah oui! [01:11:33] Speaker B: Créer le nom de la poterie puis ostraciser. Donc mettait en l'ordre en disant tu es un problème, tu es un facteur cancérigène pour nous, on va pas te faire du mal, on va juste te mettre à l'extérieur. Puis Foucault ce qu'il disait c'est un peu le même phénomène. Surveiller et punir c'est retirer du social et de excommunier de façon plus ou moins permanente le délinquant. Le problème c'est que tu as effectivement une délinquance qui est structurelle, une délinquance qui est et tu as des gens qui développent ou qui ont une personnalité qui est carrément antisociale. Puis comment est-ce qu'on les traite? C'est une question qui a été abordée par des gens beaucoup plus intelligents que moi. Et je n'ai pas la prétention de revenir sur toutes les théories qui ont été faites, qui sont très intéressantes sur comment est-ce qu'on traite les personnes antisociales. [01:12:21] Speaker A: En droit, vous voulez dire? [01:12:23] Speaker B: Pas en droit. Il faut compter sur des juristes pour avoir une réflexion très profonde. [01:12:27] Speaker A: Psychologiquement, vous voulez dire? [01:12:28] Speaker B: En psychologie, en philosophie, en épistémologie, à peu près toutes les sciences sociales. C'est comment on traite les gens qui... [01:12:34] Speaker A: Excusez, je réagis à retardement. [01:12:37] Speaker B: Oui, oui. [01:12:37] Speaker A: Oui, pardon. [01:12:39] Speaker B: Ça ne vient pas de moi, ça vient de Pierre-Édouard Trudeau, cette citation-là. Pierre-Édouard Trudeau, qui était lui-même avocat, qui n'avait pas une très grande opinion des avocats. [01:12:50] Speaker A: Je trouvais pas nécessairement drôle non plus, en fait. [01:12:53] Speaker B: Non, mais bon. Il dit ça dans sa biographie. Mais comment est-ce qu'on traite ça? Il y a à peu près 12 000 solutions. Tout a été essayé. C'est souvent aux gens qui pensent avoir trouvé la poudre. Tout a été essayé, de toutes les façons possibles, par des gens bien plus intelligents que nous. Donc, c'est ça, la réalité. Vous savez, si on avait la solution facile aux phénomènes des comportements antisociaux. [01:13:23] Speaker A: Le. [01:13:23] Speaker B: Problème, c'est qu'on sait qu'il y a des mauvaises solutions. On sait qu'il y en a qui ne marchent définitivement pas. Mais une solution qui cautériserait la plaie, ça, il n'y en a pas. Parce que t'es pas comme les gens qui ont des problèmes de santé mentale. Tu sais, qu'est-ce que tu fais avec quelqu'un qui est clairement incapable de distinguer le bien du mal? Il y a des gens qui voudraient qu'on les condamne à la prison puis qu'on leur fasse des procès. Au Moyen Âge aussi, on faisait des procès aux animaux. C'est vrai? [01:13:52] Speaker A: Oui, c'est vrai. [01:13:53] Speaker B: On fait des procès à des animaux. [01:13:54] Speaker A: Oui, c'est vrai. [01:13:56] Speaker B: L'animal a fait quelque chose de mal, on fait un procès. [01:13:57] Speaker A: Mais quelqu'un qui a un QI de. [01:14:01] Speaker B: 50, de 40, on fait encore des procès à ce monde-là? Parce qu'évidemment, demander à des avocats de comprendre le concept des déficiences intellectuelles, non. Mais on a reculé là-dessus, parce qu'avant, le Code criminel prévoyait la déficience intellectuelle comme étant un moyen pour ne pas être criminellement responsable. On l'a enlevé. On l'a enlevé. [01:14:21] Speaker A: Quand? [01:14:22] Speaker B: 1970. Ça s'appelait... le terme n'est pas super sympathique, ça s'appelait l'imbécillité naturelle. On aurait pu changer le terme, mais garder le concept. Et on dit non. Non, soit parce que t'es intellectuel, que t'es pas criminellement responsable. Ce qui est épouvantable. Mais je trouve que tranquillement, on est en train de revenir au concept de faire des procès des animaux. Parce que les gens veulent... S'il y a crime, il doit y avoir chantiment. [01:14:53] Speaker A: Oui. [01:14:54] Speaker B: On est très Dostoevsky. [01:14:55] Speaker A: Oui. [01:14:56] Speaker B: Crime, donc chantiment. [01:14:57] Speaker A: Oui. [01:14:58] Speaker B: Pas du tout Woody Allen de... Mais des fois, il y a des crimes, mais il n'y a pas toujours un chantiment parce que, conceptuellement, c'est compliqué de chanter la musique. Mais ce crime-là, parce qu'elle n'est pas responsable, tu sais. Puis non, on a beaucoup de difficultés à comprendre. Encore une fois, c'est pas si complexe. Donc la complexité se perdant, on doit revenir à du... Ben, crime, donc chantiment. Ben, des fois, c'est pas tout le temps, ça. [01:15:20] Speaker A: Bien, mal, gentil, méchant. [01:15:22] Speaker B: Ouais, c'est ça. [01:15:23] Speaker A: On est... Ouais. [01:15:24] Speaker B: Vous avez l'impression... Batman dans Gotham City. [01:15:26] Speaker A: C'est ça. [01:15:27] Speaker B: Les gentils super-héros pis les méchants bums de... Ouais. Alors que des fois, c'est... Bien, c'est pas tout le temps, ça. C'est pas tout le temps, ça.

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