Conversations avec Dr Deumié: 1. Dissociation

Episode 76 March 23, 2024 00:57:08
Conversations avec Dr Deumié: 1. Dissociation
Après-Coup
Conversations avec Dr Deumié: 1. Dissociation

Mar 23 2024 | 00:57:08

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Show Notes

Dans cette première conversation avec le Dr Louis Deumié, psychiatre, nous revenons sur l'affaire du cardiologue, condamné pour le meurtre de ses deux enfants.

Avant-goût:

" La clinique des états dissociatifs envisagés dans le DSM-III rassemble des états dissemblables quant à leur aspect mais comportant des caractéristiques communes. Leur élément commun essentiel est le caractère automatique, incoercible de l'évènement qui survient dans un contexte d'altération profonde du champ de la conscience...

" Une autre caractéristique est commune aux divers tableaux d'états dissociatifs: le sujet est incapable d'en rendre compte spontanément et c'est toujours de "l'extérieur" que la pathologie est désignée...

" Ces troubles se présentent généralement sous la forme d'épisodes à durée limitée dont le début et la fin sont clairement repérables

" En fait, les états dissociatifs survenant en dehors de tout intoxication sont fréquents et prennent des allures cliniques variables en fonction du degré d'altération du niveau de conscience. On retrouve presque toujours un facteur précipitant rattaché aux circonstances et à l'environnement ayant causé un stress " 

Lalond, Grunberg et coll.(1988), Psychiatrie clinique, chapitre 9 (par Jean-Pierre Losson)

 

 

 

 

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Episode Transcript

[00:00:01] Speaker A: Quelques considérations psychiatriques sur l'affaire Turcotte. Vous écoutez « Conversations avec le Dr Demien », première partie. [00:00:22] Speaker B: Oui, c'est sûr que moi, je suis plus centré sur le côté clinique. Si on se réfère par exemple au cas du cardiologue... Guy Turcotte. C'est sûr que moi, j'ai cherché à savoir comment on était arrivé à sa culpabilité. Et puis j'ai remis en cause les expertises, bien que je n'ai pas lu le dossier. Mais avec le peu qui a été diffusé, j'ai donc remis en cause les expertises, et en particulier J'ai été un petit peu étonné, à moins que je n'aie pas eu de bonnes informations. Il me semble que j'ai lu que le deuxième expert s'était référé à la première expertise pour faire son rapport. Et sous-entendu qu'il n'aurait même pas vu l'individu. En tout cas, j'ai donc écrit sur mes doutes. Ce que j'ai écrit, c'est que sans connaître le dossier, ce qui a été rapporté par la presse, à savoir un nombre de coups de couteau incroyable, 20 et quelques coups de couteau, me laissait penser qu'il y avait une espèce d'automatisme dans le geste. que ça pouvait laisser supposer une dimension de dissociation. J'ai pas vu évoquer ça parce que si ça avait été évoqué, un épisode de dissociation, il est probable que l'affaire aurait été vue sous un autre angle. [00:02:21] Speaker A: Alors, est-ce que vous pouvez juste m'expliquer un petit peu qu'est-ce que vous entendez par « dissociation » et qu'est-ce que vous avez l'impression, qu'est-ce qui aurait été différent, d'après vous, dans l'approche? [00:02:33] Speaker B: Eh bien, à mon avis, un assassin qui, enfin, quelqu'un qui est mu par l'intention de tuer, au bout de deux coups de couteau, Donné à un enfant, il aurait pu comprendre que la mort est déjà là. Et le fait de s'acharner indique une sorte d'automatisme qui échappe au raisonnement, à la conscience. Et quand on parle de dissociation, c'est dissociation au niveau de la conscience. [00:03:07] Speaker A: C'est-à-dire la personne agit sans contrôle. [00:03:12] Speaker B: Oui. Une sorte d'automatisme qui est au-delà du contrôle. Et notamment du contrôle qui aurait permis de dire, ok, au bout de trois coups de couteau, mon enfant il est déjà mort. Il n'y a pas besoin d'aller plus loin. D'autre part, Il est très possible que dans le phénomène de la dissociation, ça ne soit pas l'acte direct qui soit impliqué. Peut-être que les coups de couteau étaient destinés à sa femme, de façon inconsciente. puisqu'il y avait des gros problèmes au niveau du couple. Ils étaient séparés et puis tout ça. C'est devenu d'ailleurs plus tellement un couple. Donc, comme en principe la culpabilité est rapportée à la notion de vouloir l'acte, vouloir la mort de l'autre, Dans la mesure où l'individu n'est plus conscient de ce qu'il fait, ça vient mettre un doute un petit peu sur la participation volontaire de l'individu. [00:04:27] Speaker A: Est-ce que vous avez l'impression que, puisque vous disiez il y a le système français ou l'approche française est différente de l'approche québécoise, que ce dossier-là, ce coloré a été traité différemment avec des conséquences différentes si ça avait été en France? [00:04:44] Speaker B: — C'est sûr que ça n'engage que moi. Et puis on pourrait dire que c'est basé sur rien. À ceci près que le fait de payer un expert, à mon avis, jette un doute sur l'objectivité. [00:05:02] Speaker A: — Oui. Oui. [00:05:05] Speaker B: — Quand il s'agit d'un juge qui n'est pas parti. Un juge qui nomme un expert, l'expert doit lui faire rapport à lui, et donc il y a une dimension d'impartialité qui est plus évidente. D'ailleurs, je n'ai jamais voulu être expert au Québec justement pour ça. Il m'est arrivé d'avoir un contact avec un avocat qui m'a demandé de faire une expertise. Et puis j'ai eu la nette impression que les conclusions que je lui ferais ne lui conviendraient pas et qu'il irait chercher un autre. [00:05:46] Speaker A: – Ben oui, voilà, c'est ça. C'est ça en fait, oui. [00:05:49] Speaker B: Donc non, peut-être que l'histoire ne montre pas que les expertises faites au Québec sont pires ou plus partielles que celles qui sont faites en France. Je n'en sais rien. Mais a priori, pour ma part, je pense que la partie paye un expert, c'est pas un gage d'impartialité. [00:06:14] Speaker A: Mais l'approche, elle est différente aussi, pas seulement au niveau de l'administration de la justice, pour ce que j'en comprends, La lecture est différente en France. Au Québec, il me semble, en général, on est beaucoup plus, ici, nord-américain, beaucoup plus proche de l'approche de l'association psychiatrique américaine, DSM et tout ça. Et en Europe, on reste associé à la psychanalyse et à une autre histoire. [00:06:49] Speaker B: C'est-à-dire, on n'est plus porté à aller jusqu'à un approfondissement psychopathogénique. Je n'ai pas eu connaissance qu'en plus du rapport d'expertise psychiatrique, il y ait eu un rapport d'expertise psychologique. Je n'ai pas eu connaissance de ça. C'est possible qu'il y en ait eu. Mais en France, systématiquement, on aurait demandé une expertise psychiatrique, une expertise psychologique également. [00:07:19] Speaker A: Profil de personnalité. [00:07:22] Speaker B: — Parce qu'effectivement, ce que vous dites, je crains qu'ici, en Amérique du Nord — bon, j'exagère — ici, au Québec, on va dire, on soit plus tenté de se limiter au DSM. [00:07:34] Speaker A: — Hum-hum. Et avec ça, à des questions... je sais pas si une impression, vous me direz ce que vous en pensez, mais à des questions assez simples, c'est-à-dire de cause à effet, c'est-à-dire... Si on présente une anamnèse, on va essayer de repérer les traumatismes susceptibles de causer, vous voyez, de causer tel ou tel comportement qui apparaît plus tard. Vous voulez dire des traumatismes antérieurs. Des traumatismes antérieurs, infantiles. sans nécessairement les articuler dans une histoire. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire. C'est-à-dire, il y a beaucoup de... Est-ce que, par exemple, on devient... Est-ce qu'on devient un criminel? Est-ce qu'on est criminel ou est-ce qu'on devient criminel? Alors, il y a une dimension bio... C'est biopsychosocial. Alors, on doit avoir une prédisposition génétique et un environnement qui favorise ça. Alors l'environnement qui va favoriser le développement d'un tempérament criminel, ou peu importe, des gens. On prend la criminalité comme un diagnostic en soi. Je parle en généralité, on pourrait y aller plus spécifiquement, j'ai des choses en tête. Donc, ce qu'on recherche dans l'environnement infantile qui favoriserait le développement d'un tempérament susceptible d'emmener une criminalité, C'est des traumatismes. Alors, si les parents ont divorcé, point. Voyez, les subtilités des relations interpersonnelles, la profondeur d'un parcours m'apparaît souvent escamotée. C'est-à-dire, les origines biogénétiques, un traumatisme identifiable, qu'on déduit comme étant la cause potentielle. [00:09:41] Speaker B: Du développement de… Ou au moins un facteur favorisant. Je suis vraiment mal placé pour parler de ce cas d'une façon vraiment convaincante, puisque je n'ai pas vu le dossier. Mais ce que vous rapportez, c'est toute cette dimension épigénétique qui intervient chez un individu. Et même si on ne parle pas forcément de traumatisme, mais il y a des facteurs épigénétiques qui pourraient, dans le cas dont on parle, sinon expliquer, au moins éclairer un peu beaucoup de choses, notamment la personnalité de l'individu, si ce n'est le déterminisme de l'acte qu'il a commis. Et ce n'est pas des paroles en l'air, l'épigénétique, c'est une donnée scientifique sérieuse, à savoir que les événements peuvent non seulement influer sur les comportements, mais les événements peuvent entraîner des facteurs qui se transmettent en plus. Donc ce que vous évoquiez, c'était les antécédents de ce cardiologue, les antécédents familiaux. Est-ce qu'on est allé chercher s'il y avait déjà dans la famille des notions d'actes illégaux ou d'actes violents et autres ? C'est sûr qu'on ne peut pas en parler parce qu'on n'a pas vu le dossier. Mais ce que vous soulignez et que je soutiendrai... Remarquez, il y a peut-être des bons experts et des moins bons. [00:11:29] Speaker A: Il y en a peut-être qui vont. [00:11:30] Speaker B: Consacrer suffisamment de temps à un cas et d'autres qui vont expédier la chose. Donc je suis peut-être partisan en généralisant, en disant qu'en France, on irait chercher plus de facteurs psychopathogéniques pour expliquer les gestes. Alors si je ne généralise pas en France, si j'avais été expert, je l'aurais fait. [00:11:53] Speaker A: — Oui, oui. [00:11:55] Speaker B: — Je serais allé chercher les facteurs psychopathogéniques. J'aurais cherché dans la psychogénéalogie également, qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qu'il y a dans les antécédents familiaux de ce monsieur ? Et je ferais une recherche plus approfondie que celle de la symptomatologie. Et quand j'ai vu mon discours sur le fait qu'il ait avalé du lave-glace, que c'était ou non une preuve qu'il voulait se suicider, je trouve ça un petit peu aléatoire. [00:12:34] Speaker A: Pourquoi ? [00:12:35] Speaker B: On peut dire ce qu'on veut de ce geste-là. On peut dire que c'est quand même un médecin. Il savait les risques. Il n'y a rien qui ne prouve pas qu'il a pris ça juste avant qu'on vienne frapper à sa porte et qu'on dise « police, ouvrez », et qu'il a limité les risques. On n'en sait rien. Est-ce qu'il a vraiment voulu attenter à sa vie ? Et puis, on ne sait pas grand-chose de... son attitude vis-à-vis de ses enfants ? Est-ce qu'on a évoqué une éventuelle alexithymie, c'est-à-dire quelqu'un qui avait peu d'affectivité ? Pourquoi sa femme l'a quitté ? Est-ce que c'est quelqu'un qui était plus porté sur son travail que sur les relations dans la famille ? Bref, il y a beaucoup de questions qui se posent. Malheureusement, je n'ai pas lu le dossier. [00:14:11] Speaker C: Oui, donc en révisant le cas de Turcotte à travers différents écrits, beaucoup grâce à Google, j'ai dû remettre en cause tout ce que j'ai dit la dernière fois. Enfin, pas tout. Non, ce n'est pas vrai. Tout ce que j'ai dit concernant plusieurs sujets, notamment la différence entre le système français et le système québécois, également concernant le cas du sujet lui-même. Alors, pour ce qui est des deux systèmes judiciaires, tout comme en France, les Québécois ont la possibilité de recourir à un expert. Et en France, c'est la même chose. Dans un premier temps, l'intimé, puisqu'il s'agit de justice, il peut faire appel à un expert de son propre chef. Il y a dans le système un juge qui instruit l'affaire en France. [00:15:33] Speaker A: Oui, le juge d'instruction. [00:15:34] Speaker C: Alors, est-ce que c'est la même chose que le procureur de la Couronne au Québec? Ça, je ne sais pas. Mais donc, il y a un juge qui instruit l'affaire. À quel moment intervient-il? Peut-être en même temps que l'expert du patient, je ne sais pas. Dans les deux cas autant en France qu'ici, le patient fait appel à un expert qu'il paye lui-même. Dans un deuxième temps, et peut-être dans le même temps, la justice française fait appel à un expert judiciaire. Est-ce que c'est la même chose au Québec? Je pense que c'est la même chose. Et en France, et je pense que c'est la même chose ici, si les deux experts ne s'entendent pas, alors en France, c'est le juge qui nomme un deuxième expert judiciaire qui va aider à trancher les différences entre l'expert du patient et l'expert de la justice. [00:16:40] Speaker A: Est-ce qu'ils n'ont pas, comme dans certains cas que j'ai pu glaner, est-ce qu'ils n'ont pas la possibilité aussi à l'occasion de nommer, que les juges nomment des collèges d'experts, c'est-à-dire que ce n'est pas un seul évaluateur, ils sont soit deux, soit trois, pour la même personne au nom de ce qu'on appelle la couronne ? [00:17:05] Speaker C: Je n'ai pas cette information, mais c'est sûr que ça coûterait plus cher au tribunal. [00:17:09] Speaker A: Oui. [00:17:09] Speaker C: Parce que là, déjà, si le tribunal nomme un expert et un contre-expert, ça fait deux experts à payer. [00:17:19] Speaker A: Oui. [00:17:20] Speaker C: Et puis est-ce que le patient lui-même peut encore recourir à un autre ? Je ne sais pas. En tout cas, je ne suis pas certain qu'il y ait une vraie différence entre les deux systèmes. Donc là, j'étais carrément dans les champs en disant qu'il y avait une différence entre les deux. [00:17:42] Speaker A: En fait, vous parliez d'un idéal. L'idéal, ce serait que dans tous les systèmes judiciaires, l'expert ou les experts soient nommés par la cour, pas par la couronne, par le juge. [00:17:54] Speaker C: Par le juge, oui. [00:17:56] Speaker A: Indépendants, qu'ils soient indépendants. [00:17:57] Speaker C: Mais là, il est possible que ça présente des inconvénients. Ça m'échappe un petit peu. Je ne suis pas sûr que ce serait l'idéal. [00:18:03] Speaker A: Non? [00:18:04] Speaker C: Non, je ne suis pas sûr. Parce qu'on... On pense quand même que la controverse est source d'éclairage particulier. [00:18:12] Speaker A: Oui, oui, oui. [00:18:13] Speaker C: Dans bien des cas, en tout cas. [00:18:16] Speaker A: En même temps, la controverse, c'est la défense et la poursuite. Alors, chacun a des intérêts au-delà de la recherche de la vérité. [00:18:27] Speaker C: Absolument. Il y a vraisemblablement un petit biais des deux côtés. Parce qu'on ne peut pas s'enlever de l'idée que Le procureur de la couronne ici, il a envie de condamner la personne. [00:18:41] Speaker A: Oui, c'est ça. C'est pour ça qu'il poursuit. [00:18:45] Speaker C: Et c'est son travail. Et l'avocat de la Défense, il veut que son client paye le moins possible, je veux dire, payé en matière de sanctions. Donc je ne suis pas sûr qu'il y ait vraiment une situation qui serait idéale. Et ça serait bête de ma part de penser que si en France il y avait un système idéal, les Québécois ne l'auraient pas adopté. C'est pour ça que je retire bien ce que j'ai dit avant. Par contre, j'ai été... Est-ce que je le savais? Je ne sais pas trop. Je ne me souviens pas. Mais l'expert de la défense a donné prise à des reproches. Et ce que j'ai retrouvé, c'est que Mme... Isabelle... Isabelle Gaston. Oui. Mme Gaston a estimé que l'expert de la défense n'allait vraiment pas dans le bon sens parce qu'elle a porté plainte au Collège des médecins. l'expert de son mari. [00:19:57] Speaker A: Absolument. [00:19:59] Speaker C: Et donc, les questionnements qui me venaient concernant les expertises, peut-être bien que ça, c'est justifié. Mais bon, on s'entend que c'est pas Québec versus France, c'est partout où il y a des experts de la défense, il peut y avoir des biais de par leur rôle. Et donc... Par contre, elle n'a pas poursuivi... Elle a déposé plainte, mais d'après ce que j'ai vu, elle a abandonné à un certain moment. Ça n'est pas allé au tribunal contre... [00:20:36] Speaker A: — Il n'y a pas eu de. [00:20:37] Speaker C: Sanction, donc... — Ça n'est même pas... Ça n'est pas allé plus loin. Je pense qu'elle s'est retirée ensuite après ça. Vous vouliez dire quelque chose ? [00:20:46] Speaker A: — Parce qu'il y a eu un autre procès. [00:20:50] Speaker C: Je ne suis pas sûr que c'était à cause de l'autre procès ou déjà dès le premier procès qu'elle avait estimé qu'il y avait... Peut-être que, comme vous dites, c'était lorsqu'il y a eu l'appel. [00:21:03] Speaker A: C'est ça, c'est-à-dire que son... ses doutes et... Sa perception. Sa perception a été cautionnée, dans le fond, par le tribunal, qui a accepté de revoir la cause au complet, ce qui a finalement abouti à une condamnation. Je pense que ça part de sa pertinence, peut-être, de poursuivre dans une plainte individuelle. [00:21:26] Speaker C: — Donc là, il y avait matière quand même... Dans ce que j'ai dit, il y avait quand même quelque chose de positif à maintenir. [00:21:37] Speaker A: — Oui. Oui. [00:21:38] Speaker C: — Et sans doute que l'expertise prêtait à caution. Et je maintiens, par contre, Mon opinion, compte tenu du diagnostic que l'expérience de la défense a posé au début, c'était trouble d'adaptation avec humeur dépressive. D'une part, ce diagnostic me paraît un peu léger compte tenu de la gravité des actes. D'autre part, ce n'est pas un diagnostic qui soit susceptible de soutenir une notion de non-responsabilité pénale. [00:22:23] Speaker A: Oui, donc c'est ça qui est intéressant, en fait. Qu'est-ce qui... L'enjeu, c'est toujours de savoir si la personne est criminellement responsable ou non, d'un point de vue psychiatrique. [00:22:36] Speaker C: Au moment de l'acte. [00:22:37] Speaker A: Donc, troubles... D'adaptation. D'adaptation avec humeur dépressive ou anxio-dépressive, bien, c'est... [00:22:46] Speaker C: C'est un diagnostic mineur, très mineur compte tenu de la gravité des actes et en tout cas certainement pas un diagnostic qui fait que la personne est déclarée non coupable. [00:23:02] Speaker A: Et c'est dans ce contexte-là ou c'est avec ça en tête que vous avez soulevé l'idée d'une investigation qui aurait pu être poussée du côté de la dépersonnalisation. [00:23:17] Speaker C: La dissociation. [00:23:17] Speaker A: La dissociation, oui. [00:23:20] Speaker C: Et ça, c'est sûr que c'est... Je ne sais pas s'il y a un moyen vraiment de... si on voulait vraiment aller plus loin. Est-ce qu'il y a un moyen d'obtenir des expertises? Je pense qu'on n'ira pas jusque-là, probablement. Mais je suis convaincu que si ça avait été évoqué, la possibilité d'une dissociation, ça aurait amené une dimension différente. au niveau, d'une part, de l'état mental au moment de l'acte, et par la suite, au niveau de la dimension de responsabilité criminelle au moment de l'acte. Et je suis toujours convaincu de cela, que probablement on n'est pas allé chercher de ce côté-là, compte tenu de ce qui s'est passé, les 46 coups de couteau, et également le fait que j'ai retrouvé dans les textes que les enfants disaient, ils criaient, ils pleuraient, ils demandaient que ça s'arrête et cette espèce de surdité à mon avis indiquait qu'il n'était plus là, qu'il y avait une dissociation de la conscience. [00:24:44] Speaker A: Puis est-ce que c'est là peut-être qu'on peut sentir une différence entre les systèmes français et québécois dans l'approche, en fait? On avait soulevé cette question-là aussi. Oui. [00:24:54] Speaker C: Maintenant aussi, peut-être que j'ai généralisé un peu bêtement parce que Comme je le disais la dernière fois, la réalité, c'est qu'il y a des experts qui, dans un cas particulier, peuvent être bons et dans le même cas, des experts qui ne seraient pas bons si on considère l'analyse du cas, l'examen du cas. Il y en a probablement d'un côté de l'Atlantique qui vont passer vite et puis d'autres qui vont aller au plus profond. Je ne peux pas imaginer qu'ici, malgré le fait que nous avions, nous étions un peu tombés d'accord sur le fait que probablement on est très centré sur uniquement la symptomatologie au Québec. On serait tenté de dire que quand on voit les jeunes psychiatres qui examinent un patient, on se rend compte qu'en fait, ils se centrent sur le diagnostic d'après le DSM. À mon expérience, je n'ai pas vu de jeunes psychiatres quand je travaillais au CHUM. d'étudiants destinés à devenir psychiatres, des résidents, j'en ai pas vu, qui sont allés jusqu'à interroger la psychopathogénie. Donc je suis fondé à penser que très probablement, quand il s'agit d'expertise, c'est un peu la même chose. Et dans le cas de Turcotte, je n'ai pas vu qu'il y avait de psychologues sollicités dans le dossier. Est-ce qu'il y en a eu? Je ne sais pas. Mais s'il y avait eu un psychologue, certainement que cet aspect des choses aurait été pris en compte. Je veux parler de la psychopathogénie. [00:26:34] Speaker A: Oui, qu'est-ce que vous entendez par psychopathogénie? [00:26:37] Speaker C: C'est l'origine des problèmes. [00:26:39] Speaker A: C'est un peu ce que j'évoquais un tout petit peu la dernière fois, qui était qu'on va retrouver, qu'on va chercher dans l'histoire de la personne, notamment dans son histoire infantile, des événements marquants qui seraient susceptibles de contribuer à l'explication du processus pathologique. [00:27:06] Speaker C: Oui, oui, certainement. Et dans les articles que j'ai lus, certaines personnes, probablement, je pense que c'est surtout concernant la mère de Turcotte, que j'ai lu, qu'elle disait qu'il était très aimant avec ses enfants, ça je mets en doute. Quand je le voyais à la télé passer, la mine plutôt renfrognée, ça manquait d'émotion. Certes, on peut avoir un grand contrôle sur soi et ne pas manifester de l'émotion devant des caméras, mais il y a des moments où notamment au tribunal, même si on est blindé, qu'on est capable de se contrôler à 100%, qu'il n'y ait aucune émotion manifestée, ça me questionne. Et je maintiens l'hypothèse qu'il est bien possible que cet homme-là ait pu avoir une certaine dimension d'alexithymie, c'est-à-dire quelqu'un qui ne nomme pas ses sentiments, qui ne verbalise pas ses sentiments, Et s'ils ne les verbalisent pas, je serais bien étonné que, spontanément, ils mettent en acte les sentiments affectifs et tout ça. L'autre point important, que je reviens à la dissociation, c'est que le phénomène de dissociation peut donner lieu à des manifestations subdélirantes, en quelque sorte. C'est pour ça que j'évoquais l'idée que, très probablement, Dans son état de dissociation, l'automatisme de frapper les enfants à coups de couteau était sous-tendu par une espèce d'hallucination vis-à-vis de son épouse et que c'est l'épouse qui le frappait. C'est pour ça très probablement qu'il n'entendait pas les cris des enfants. quand il leur donnait des coups de couteau. Donc dans les phénomènes de dissociation, on peut avoir transitoirement des phénomènes hallucinatoires. [00:29:19] Speaker A: Donc vous dites subhallucinatoire. [00:29:24] Speaker C: Je dis sub parce que ce n'est pas un bonhomme qui est connu pour délirer. Ce n'est pas du délire psychotique, mais des manifestations hallucinatoires qui ne sont pas des vraies hallucinations. La vraie hallucination, c'est quand l'individu est convaincu qu'il voit l'objet, la personne ou la chose Tandis que là, on pourrait difficilement... assurer que consciemment il voyait sa femme en face de lui. C'est pour ça que je parle de subhallucination pour faire la différence avec une hallucination psychotique où le sujet il est convaincu par exemple s'il voit un démon, il est convaincu que le démon est. [00:30:11] Speaker A: Là à côté de lui. [00:30:12] Speaker C: Il a une conviction délirante. [00:30:15] Speaker A: C'est comme un rêve éveillé. [00:30:20] Speaker C: Ce que je détermine subhallucination, peut-être quelque chose comme ça, mais qui était quand même, comment dirais-je, assez présent, c'est un phénomène assez présent dans son état de subconscience, assez présent pour permettre la perpétuation, la continuation de l'acte, de l'acte violent. Ça a duré, peut-être pas très longtemps, mais suffisamment longtemps pour que l'illusion se maintienne pendant les 46 coups de couteau. Je suppose que ça va vite, j'en sais rien, 46 coups de couteau, on peut donner combien de coups de couteau à la seconde, je ne sais pas. [00:31:06] Speaker A: Ah non, mais ça, pfff, ça passe. [00:31:09] Speaker C: C'est probablement que ça va vite, assez longtemps peut-être pour nourrir une hallucination. [00:31:18] Speaker A: S'Auto-Alimenter? [00:31:20] Speaker C: Peut-être aussi. Peut-être aussi. Mais c'est clair que, à mon avis. [00:31:27] Speaker A: C'Était sa femme qui était visée. Selon cette hypothèse-là, d'après vous, à quel moment on sort d'un état comme ça? [00:31:40] Speaker C: Eh bien, je me demande qu'est-ce qui s'est passé. L'histoire ne nous dit pas à quel moment il s'est arrêté. Et est-ce que c'est un coup de téléphone? On ne le sait pas. À quel moment ça s'est arrêté? Est-ce qu'il a pris conscience que ses enfants saignaient? On ne peut faire que des hypothèses. Ça ne vaudrait pas grand chose. J'avancerais l'idée que peut-être il y a eu un facteur extérieur qui a pu... [00:32:12] Speaker A: Qui l'a amené au monde... Des fois. [00:32:18] Speaker C: Il peut s'agir d'un petit rien qui... Alors si on en parle, c'est qu'en réalité, au-delà de Guy Turcotte, il est possible qu'on puisse évoquer des phénomènes dissociatoires dans d'autres cas de certains crimes en tout cas. Pas les bandits qui ont l'habitude, mais dans des cas un peu problématiques comme ça, peut-être que ce sont des phénomènes qui interviennent. [00:33:20] Speaker A: Je le mentionne juste comme ça parce que c'était une histoire qui m'avait frappée. C'était l'histoire d'une dame qui était en train de se séparer et qui est partie faire un tour aux États-Unis, d'ailleurs au Vermont, je pense, ou dans le Maine avec son fils de 10 ans, 9 ou 10 ans, et qui l'a noyée, qui l'a étranglée, qui l'a noyée. Et ça a pris... Tout indiquait que ça avait pris beaucoup d'énergie, parce qu'à cet âge-là, un petit garçon, c'est quand même vigoureux, puis qu'il s'est défendu. Mais c'est... Et puis elle a été condamnée, je pense. Mais c'est que pendant toutes les procédures par la suite, pendant très longtemps, jusqu'à la toute fin, jusqu'aux toutes dernières procédures, elle se présentait en cours en larmes ininterrompues, ininterrompues tellement qu'on la roulait en fauteuil roulant. Elle ne faisait que pleurer. Elle était totalement mélancolique, dans le sens fort. Puis c'est tout ce que je sais, parce que c'est des manchettes dans les journaux, mais ça m'avait énormément frappée d'essayer d'imaginer ce que c'était qu'être dans la peau de cette femme-là et qu'est-ce qui s'était donc passé pour qu'elle ait mis autant d'énergie pour tuer son enfant dans un contexte de séparation? Et qu'est-ce qui arrivait après? Quand est-ce qu'elle... C'est-à-dire que l'énergie qu'elle a dû déployer pour commettre son crime a été suivie d'un effondrement total qui a duré des mois, si ce n'est pas des années. C'est ça aussi ce qui me motivait à cette question-là. Qu'est-ce qui arrive après? Quand est-ce qu'on en sort? Qu'est-ce qui... Puis quand est-ce qu'on en sort? Puis pour rentrer dans quoi, en fait? Qu'est-ce qui vient après? On a vu le cardiologue Turcotte au tribunal avec la mine relativement, bon, un peu... [00:35:43] Speaker C: Neutre. [00:35:44] Speaker A: Neutre, cernée. mais relativement neutre, ce qui contraste vraiment avec cette dame-là dont on voyait l'image d'une femme dévastée, en fait. [00:36:00] Speaker C: Oui, tandis que lui, ça n'a jamais été relaté, qu'il a manifesté un dépassement émotif. Il n'y a aucune notion de ça nulle part. [00:36:15] Speaker A: Oui. Cette dame-là, est-ce que c'est quelque chose que vous auriez envisagé au moment de l'évaluation si vous aviez été en mesure de la faire? Parce que là, c'est une dame qui ne cessait de pleurer tout le temps. [00:36:27] Speaker C: Dans son cas, je n'évoquerai pas la dimension d'Alexie Timmy, probablement. [00:36:31] Speaker A: Mais de dissociation? [00:36:33] Speaker C: Probablement de dissociation. [00:36:34] Speaker A: Ce moment, oui. [00:36:36] Speaker C: Oui, parce qu'au fond, L'expertise doit déterminer si, au moment de l'acte, l'individu était conscient de ce qu'il faisait. Alors c'est difficile d'appréhender le moment de l'acte quand on n'est pas témoin. Donc il faut reconstituer cela par un travail approfondi en mettant tout en œuvre. Et c'est là qu'on peut se questionner sur certains experts. Il y en a probablement qui sont... Il est possible, j'allais dire. Il y en a probablement qui sont, entre guillemets, plus compétents. Mais je vais peut-être retirer le terme compétent pour dire qu'il y en a qui sont plus disposés à mener à fond l'expertise. Il y en a qui sont plus disposés à ça que d'autres, en fonction de beaucoup de choses. Globalement, on peut dire qu'en Amérique du Nord, vous l'aviez mentionné déjà, la dimension psychopathogénique, c'est-à-dire l'origine, le système systémique dans lequel baigne l'individu, tout ça, je doute que ce soit pris en compte lors des expertises. Et... [00:38:03] Speaker A: Mais c'est qu'en fait, est-ce que... Est-ce que ce n'est pas l'évolution ? de tout le champ de la psychiatrie qui a amené à ce qu'on regarde des choses différemment. Et pour des bonnes raisons, ça a évolué. C'est-à-dire, il y a eu... Dans l'histoire du DSM, il y a ça. C'est-à-dire, il y a le premier DSM et le deuxième, et puis le troisième. Et je pense que, entre le deuxième et le troisième, dans les années 80, je pense, la volonté... Il y a eu une volonté explicite de sortir la théorie de l'évaluation psychiatrique. [00:38:46] Speaker C: De stériliser en quelque sorte la symptomatologie, la stériliser. [00:38:51] Speaker A: Et en particulier débarrasser le DSM de la psychanalyse. Absolument. [00:38:58] Speaker C: Et oui. [00:38:59] Speaker A: Et à partir du DSM-III, toutes sortes de gens se sont mis à collaborer avec l'élaboration de ce glossaire dans l'optique d'être le plus objectif possible. Et ce qui permettait cette objectivité-là, c'était de ne s'asseoir, de ne se fier qu'aux symptômes, que ce qu'on pouvait voir, indépendamment de toute théorie, Et là, dans l'évolution, bien, ce que ça semble donner, c'est une démultiplication des diagnostics possibles. C'est un livre qui est de plus en plus gros, là. [00:39:37] Speaker C: Oui, absolument. C'est, comme on dit ici, une business. Ça doit rapporter à quelqu'un de toujours mettre en... On dirait Jean Cause, l'édition existante. Il y a toujours un travail pour en faire une autre. Ça doit bien profiter à quelqu'un. On sait que les Américains, ils ne travaillent pas pour des prunes. Ils ne travaillent pas seulement pour la gloire. Il y a du fric toujours. Il y a toujours de l'argent derrière ça. Mais je persiste à penser, vous avez raison, il y a une espèce de dimension d'évolution. Mais je persiste à penser que très probablement, Il y a, si on parle des experts, des experts qui sont peut-être plus cultivés que d'autres, on va dire. Ils sont peut-être, si on se place de notre point de vue, mieux formés en ce sens qui ne se base pas uniquement sur la symptomatologie bien stérilisée. Et si on parle de symptomatologie la plus objective possible, comme vous le disiez, c'est que dans l'idée des Américains, Et ils ont tendance à façonner l'évolution de la médecine, même ailleurs que chez eux. Dans leur idée, il s'agit de pouvoir rentrer des symptômes dans une machine. que le diagnostic sorte ensuite et après qu'une autre machine distribue les médicaments. À mon avis, c'est ça l'idéal visé par les Américains. Rien de subjectif. Tout est prétendument devoir être objectif, donc débarrasser de tout ce qui n'est pas strictement phénoménal, c'est-à-dire au niveau des symptômes. [00:41:28] Speaker A: Ce qui a des conséquences très comiques, peut-être à court terme, peut-être pas à long terme, de ce que j'observe, c'est que finalement, un diagnostic psychiatrique, c'est un acte réservé. Et donc, un psychiatre ne peut pas aller sur la place publique et diagnostiquer des personnalités publiques, mais aussi qu'un non-psychiatre ne peut pas émettre de diagnostic psychiatrique. La même chose pour les psychologues. Ils ont des diagnostics psychologiques. C'est un acte réservé. Alors, on peut pas... Il faut prendre des précautions et tout et tout, déontologiquement, etc. Et quelqu'un qui n'est pas psychologue ne peut pas émettre de diagnostic psychologique. Sauf que tout le monde peut aller sur Internet et voir la liste des symptômes associés à tel problème. Donc, tout le monde, théoriquement, peut se passer. Vous voyez, c'est comme en simplifiant le cadre diagnostique, on le rend accessible à tout le monde. Et du coup, bien là, on entend... Je ne suis pas psychiatre ou je ne suis pas psychologue. On entend très, très souvent ça. Je ne suis pas psychiatre, mais... et jamais je n'oserais diagnostiquer... des lambda, des gens, des citoyens ordinaires. Jamais je n'oserais diagnostiquer, mais ça ressemble beaucoup à ce que j'ai lu dans le DSM. Donc, tranquillement, c'est comme si ces actes réservés là, sans qu'on le dise, tout le monde fait semblant. Tout le travail dont vous parlez d'études de la psychogénèse, d'études du dossier, d'investigation, les rencontres, c'est pas pour rien que les rencontres, il faut rencontrer quelqu'un avant de penser et mettre un diagnostic. Un diagnostic est souvent plusieurs fois, c'est que... Au-delà des symptômes, il y a autre chose qui se passe durant les rencontres. On sent des choses, on entend des choses, on ne peut pas tout noter, mais on peut se faire une idée qui est différente de l'idée qu'on se ferait si on regardait la même personne enregistrée dans une entrevue avec quelqu'un d'autre, par exemple, sur vidéo, déjà. Donc, ce n'est pas pour rien que cette formation-là est telle et peut-être encore si longue. L'intention, c'est de développer un sens clinique dont on dirait qu'on peut quand même se passer de plus en plus. [00:44:30] Speaker C: Oui, en fait, plus largement, on peut dire Moi, c'est ce que je soutiens, qu'on va vers une démédicalisation de la médecine. Je suis convaincu de cela. Notamment pendant la pandémie, on s'est passé du contact avec le patient. [00:44:57] Speaker A: Oui, mais oui, oui. [00:45:00] Speaker C: Et à l'origine, il n'y a pas si longtemps que ça d'ailleurs, le dialogue singulier était quelque chose d'important en médecine. [00:45:09] Speaker A: Oui. [00:45:10] Speaker C: Être face au patient et la pandémie est venue court-circuiter carrément tout cela. des patients ont eu affaire à des médecins au téléphone. Alors par extension, je suis convaincu qu'on s'en va vers un dialogue entre le patient et une machine. Il y a des machines intelligentes. Quand on voit l'évolution de l'intelligence artificielle, C'est incroyable. Quand on voit qu'on peut opérer des prostates à distance avec des ordinateurs. Il s'est passé des choses entre des médecins français et des médecins québécois avec des ordinateurs. Il y a un paragraphe que j'ai noté, le juge David à Saint-Jérôme, ça c'était le motif de faire appel, aurait erré en demandant au jury de mettre de côté l'opinion du psychiatre expert de la couronne, le docteur Sylvain Faucher, sur la responsabilité criminelle de Turcotte sans adresser de mise en garde du genre concernant les deux experts de la défense. Donc, il y en a eu deux. Et le juge du premier jugement, il n'a pas informé le jury de cela. Il ne les a pas mis en garde. [00:47:11] Speaker A: Ça, c'est des mises en garde. C'est une opinion d'expert. Ce n'est pas nécessairement un fait. Donc, il a dit que c'est une mise en garde normale, en fait, qu'il n'a pas faite. [00:47:24] Speaker C: Or, ça a pu entraîner le jury dans une fausse route. [00:47:31] Speaker A: À avoir une préférence pour une équipe de psychiatres ou deux psychiatres par rapport à un autre. [00:47:37] Speaker C: Et ça a été la notion qui a été retenue pour aller en appel. Et donc, je parlais d'Isabelle Gaston tout à l'heure. C'était en entrevue avec Mickaël Nguyen. C'est probablement un journaliste. [00:47:56] Speaker A: Oui, au Journal de Montréal. [00:48:02] Speaker C: Elle avait mentionné que le rôle des experts, ce n'est pas d'usurper le rôle des jurés. Il faut des mécanismes pour s'assurer de l'intégrité des experts. C'est ça que j'évoquais tout à l'heure. L'intégrité des experts à la cour. Et c'est là que c'est mentionné qu'elle avait fait une plainte au Collège des médecins. Alors, elle dit, j'ai fait une plainte au Collège des médecins, mais je me suis essoufflé. C'est elle qui dit ça. Et concernant l'éventuel Alexis Timmy que j'évoquais, une Guyenne rapporte, Guy Turcotte est resté de marbre lorsqu'il a été condamné à passer au moins 17 ans en prison. Il est resté de marbre. Pendant l'énoncé de la condamnation, il est resté impassible et il fixait le plancher. [00:48:57] Speaker A: Donc l'Alexis Timmy, Pouvez-vous m'expliquer un petit peu plus ce que c'est, à quoi ça réfère? [00:49:07] Speaker C: Donc c'est le fait de ne pas être capable de dénoncer ses sentiments, c'est-à-dire d'en prendre la mesure. C'est une espèce d'anesthésie affective. [00:49:23] Speaker A: Donc, au-delà, c'est ça, au-delà de la capacité d'exprimer ses sentiments, il y a la difficulté à les ressentir. [00:49:31] Speaker C: S'il ne les exprime pas, c'est très probablement qu'il ne les ressent pas. ces siffléos qui avaient amené cette notion d'alexithymie. Alors, d'un autre côté, je me suis intéressé, compte tenu que c'est un peu marotte, je suis allé voir si, dans le nom de Turcotte, on pouvait trouver quelque chose d'évocateur. Sauf, à moins d'extrapoler beaucoup, je n'ai pas trouvé grand chose d'intéressant. Néanmoins, il semble que, au point de vue étymologique, Turcotte vient du terme turc, du mot turc. [00:50:15] Speaker A: Ah, oui ? [00:50:17] Speaker C: Et donc Turcotte, ça serait turc, plus otte, qui serait un diminutif catalan. Otte. [00:50:28] Speaker A: Ah. [00:50:29] Speaker C: Bon, ça vaut ce que ça vaut. Alors, est-ce que la dimension du signifiant turc pourrait apporter quelque chose là-dedans, je n'irais pas jusque-là. Mais donc, si j'avais eu cette personne en face de moi, j'aurais questionné quand même de façon plus approfondie l'étymologie du nom. [00:50:54] Speaker A: Vous dites que c'est votre marotte, non? Le nom, qu'est-ce qui vous intéresse dans les noms? [00:51:01] Speaker C: Oui, c'est en rapport avec la dimension symbolique. Donc, pour Lacan, Pour Lacan, la dimension symbolique de l'inconscient est importante, mais dans un cas comme ça, ce n'est pas le symbolique du nom que j'irais chercher, ce serait plutôt l'imaginaire du nom. Qu'est-ce que ça peut entraîner l'imagination de l'individu que la représentation d'un turc par exemple ? Qu'est-ce qu'il peut déduire de ça, imaginer de ça ? [00:51:44] Speaker A: C'est quelque chose que vous avez fait systématiquement, en fait? [00:51:47] Speaker C: Ah oui, dans mon travail, systématiquement, je fais ça. J'interroge, quels que soient les patients, qu'ils soient psychotiques ou pas, je les interroge toujours sur leur nom. [00:51:56] Speaker A: Oui. [00:51:57] Speaker C: C'est sûr que si c'est un nom banal, du genre Martin, je ne vais pas me casser la tête. Mais si le nom a une petite particularité qui attire mon attention, je vais me brancher là-dessus et je vais brancher le patient là-dessus. [00:52:10] Speaker A: Oui. [00:52:12] Speaker C: Et dans mes publications, je donne des exemples. J'ai catégorisé deux sortes de noms, les noms pléthoriques et les noms déficitaires. Les noms pléthoriques, c'est par exemple le mieux, le grand. Ça donne du volume. Les noms déficitaires, c'est... Petit. Par exemple, petit ou bien... Je me souviens d'un patient qui s'appelait Efernan. lui-même avait fait l'association comme il y avait plus ou moins une origine hollandaise, Effort Nein, pas d'effort, donc ça j'appelle ça un nom déficitaire. Et que le nom soit pléthorique ou déficitaire, ça fait une différence quand même. L'individu qui s'appelle le Grand, il aura moins tendance à se sous-estimer que celui qui s'appelle M. Petit. C'est dans ce sens-là que je cherche. Je ne vais pas trouver forcément des choses qui justifient mes appréhensions ou mes guides, mais je le fais systématiquement. [00:53:29] Speaker A: Mais déjà, de se paraître appelé quelque chose toute sa vie, en toutes circonstances, en fait, c'est ce qu'on entend, c'est ce qui nous désigne aux yeux des autres aussi. Puis qu'est-ce que les autres en ont fait aussi? [00:53:42] Speaker C: Et l'enfant est aux premières loges, parce que souvent, entre eux, les enfants, Ils s'injurient des fois en fonction du nom qu'ils portent. Il y a des remarques plus ou moins désobligeantes en fonction du nom que porte l'enfant, entre eux, entre enfants. Ils savent très bien repérer les choses, les enfants, pour se faire mutuellement du tort. En conclusion, si je devais formuler des réserves quant au cas de M. Turcotte, je dirais que si j'avais le dossier des expertises en main, j'irais chercher si les experts ont tenté d'approfondir l'éventualité de la présence d'un acte en rapport avec un état de dissociation au moment d'administrer les 46 coups de couteau à ces deux enfants. Et je me poserai la question de la dimension hallucinatoire qui existe dans le fait de la dissociation. En gros, l'hypothèse que j'ai déjà un peu évoquée, C'est la suivante. Quand il donnait les coups de couteau, n'y avait-il pas en hallucination la présence de son ex-épouse à qui, en réalité, il pensait peut-être donner les coups de couteau ? Deuxièmement, si j'avais encore le dossier des experts, j'irais chercher si la notion d'Alexis Timmy a été explorée parce qu'elle viendrait contribuer à l'établissement de la responsabilité de M. Turcotte.

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