En souvenir de Roger Dufresne

Episode 59 October 17, 2022 01:09:25
En souvenir de Roger Dufresne
Après-Coup
En souvenir de Roger Dufresne

Oct 17 2022 | 01:09:25

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Show Notes

Le Dr Roger Dufresne, psychiatre et psychanalyse, nous a quittés le 21 octobre 2021.

À sa mémoire,  nous partageons des extraits d'une conférence qu'il a prononcée en 1998 dans le cadre du colloque De la pilule à la parole, ainsi que des souvenirs, anecdotes et réflexions sur les traces que ses enseignements ont laissées en nous qui avons été ses élèves.  

[Podcast enregistré un jour d'automne, un an après sa mort. Qu'il repose en paix.]

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Episode Transcript

[00:00:01] Speaker A: On est le 14 octobre 2022, soit presque un an après le décès de notre superviseur, Roger Dufresne. On a trouvé que c'était, en en parlant, en réfléchissant, ça amène beaucoup de nostalgie et beaucoup de réflexion de nature existentielle. Le temps passe. Ça nous a amené à nous dire que ce serait important de prendre un moment dans le contexte de notre podcast pour lui rendre hommage. Rendre hommage à un homme qui nous a formés, qui a contribué à nous former et qui a laissé des traces dont les enseignements se poursuivent en nous jusqu'à aujourd'hui. y compris dans notre façon d'aborder les histoires de crimes et de transgressions de toute nature, y compris de nature politique, dont on parle dans le cadre de notre podcast. Vous écoutez Après Couille. [00:01:24] Speaker B: Je voulais dire tout l'intérêt que j'avais eu à écouter les autres présentateurs aujourd'hui, dont certains appartiennent à des écoles théoriques un peu différentes de la mienne. Et j'ai toujours trouvé fort intéressant et passionnant de les voir au contact et en confrontation avec des patients, qu'il s'agisse de patients psychotiques, de patients incarcérés, criminels, de patients toxicomanes, puisque là, on les voit à l'oeuvre et on les voit malgré leurs références théoriques personnelles ou prises avec une problématique et qui, je pense, est la même chez tout le monde par-delà les orientations théoriques. Et je dirais que cette dimension commune, c'est celle de la place du sujet. Du sujet, c'est-à-dire... On emploie bien des mots du jeu, de la personne, du sujet singulier par opposition au regard dit scientifique qui est en général objectivant. C'est-à-dire qui regarde de l'extérieur un symptôme qu'on qualifiera de 300.82 ou 88 dans le DSM-IV, qu'on retrouve chez tout le monde et qui nécessite tel genre d'intervention. Alors que dans la perspective du sujet il y a quelque chose d'extrêmement difficile et très difficile également pour les thérapeutes mais très important c'est d'aider l'individu qui est avec nous à pouvoir être reconnu dans sa singularité ce qu'il y a d'absolument particulier unique chez lui son histoire la façon dont lui a compris et vécu et intégré certains événements Et entre parenthèses, je pourrais dire combien je suis étonné chaque fois que j'ai l'occasion de voir plusieurs enfants, enfants adultes par exemple, d'un parent malade, ou si je les interroge séparément, j'ai l'impression d'avoir trois ou quatre parents totalement étrangers l'un à l'autre. Il s'est passé les mêmes histoires, les mêmes événements, et pourtant chaque individu a entendu, compris, intégré cette histoire différemment. [00:03:48] Speaker A: Musique jazz. [00:04:06] Speaker C: Il met beaucoup d'accent dans ses écrits sur l'écoute de la singularité des gens et de ne pas plaquer d'avance, plaquer tout court un savoir sur ce qu'ils disent et que le faire, ce n'est pas simple. Je résume? Oui. Mais c'est vrai que c'est plus facile d'arriver avec une théorie flottante, plus ou moins prête à être relâchée. [00:04:32] Speaker A: Prête à consommer. [00:04:34] Speaker C: Oui, que de dire, je me laisse être ennuyé, je me laisse être surpris, je me laisse... [00:04:39] Speaker A: Être perturbé aussi. [00:04:42] Speaker C: Exact. Je pense qu'il y a de ça dans la façon, il me semble, qu'on essaye de comprendre les translations qu'on étudie, de jamais rien en capsulant, en disant « Ah, bien ça, c'est de l'autisme, ça, c'est un narcissique. » On n'a plus rien à savoir, mais en laissant les histoires se déployer. [00:05:02] Speaker A: Oui, donc Roger Dufresne, c'est quelqu'un qu'on a rencontré tous les deux au même endroit, dans les mêmes années, mais pas exactement en même temps. Donc, c'est un membre fondateur de la Société de psychanalyse de Montréal. C'est quelqu'un qui a eu une carrière exceptionnelle, qui a été formé en France, qui a dirigé l'hôpital militaire américain à Paris, qui est revenu au Québec pour des motifs purement administratifs qui étaient en lien avec la déclaration de Charles de Gaulle vive le Québec libre et comment les Québécois vivant à Paris ou les Québécois en lien avec un hôpital militaire américain étaient perçus. Il a fallu qu'il revienne rapidement en catastrophe et donc il est revenu faire sa pratique ici, poursuivre sa carrière ici. comme membre fondateur de la Société psychanalytique de Montréal. Tout ça, c'était avant qu'on ait, toi et moi, on n'était pas nés. [00:06:07] Speaker C: Nous, on l'a connu, en fait, dans la fin des années 90. Toi, tu as la version la plus glamour, comme d'habitude, il faut le dire. [00:06:19] Speaker A: Et accidentelle. [00:06:23] Speaker C: Parce qu'en fait, moi, je faisais mon stage de maîtrise à Louis H. Lafontaine et de psychologie et j'avais entendu parler que Roger Dufresne faisait un séminaire. En fait, ce n'était pas un séminaire, c'était une espèce de supervision de groupe de psychiatres à Louis H. et j'avais essayé... je m'étais introduit, puis j'avais essayé de demander, je pouvais pas y participer, puis écouter ce qui se passait. Ce qui avait été accepté pendant un temps, puis à un moment donné, non, pas que je disais des choses que les gens n'aimaient pas, mais qu'à un moment donné, ils s'étaient dit, ben, en fait, les résidents de psychiatrie avaient dit, c'est pour nous, puis... – T'avais le. [00:07:06] Speaker A: Malheur d'être pas médecin. [00:07:07] Speaker C: – C'est ça. [00:07:08] Speaker A: – D'être pas dans le gang. [00:07:08] Speaker C: – Puis qu'on voulait pas mêler, puis que tous les psychologues... – Que tous. [00:07:13] Speaker A: Les psychologues sachent des choses qu'ils sont pas supposés savoir. [00:07:17] Speaker C: – Exact. quelque chose de réservé. Mais donc, j'ai assisté à quelques rencontres, j'ai appris à le connaître, puis j'ai entendu. Mais après ça, j'ai quitté mon stage. Il était fini, en fait, donc j'ai quitté. Mais toi, t'es arrivé, et là, lui, selon toute vraisemblance, il s'était dit, mais c'est pas gentil, c'est pas le fun de pas accepter de faire des... des supervisions à des psychologues, parce qu'il a toujours été, toute sa carrière, très ouvert, en fait, à ce que des non-médecins soient psychanalystes ou s'intéressent à la psychanalyse. Ça faisait partie des particularités des fondements de la Société psychanalytique de Montréal. Et donc, quand toi t'es arrivée, grâce à moi, les portes étaient ouvertes. [00:07:57] Speaker A: Oui, ben oui, tout à fait. J'ai comme vraiment bénéficié du fait que t'es un pionnier, puis que t'es un ouvreur de portes. J'en ai bénéficié en masse et à ce jour, je te suis infiniment reconnaissante parce que non seulement j'ai eu la chance... Bon, peut-être qu'on peut le situer comme ça. Quand toi t'es allé faire ton stage à Louis-Paulite, je sais pas si tu te rappelles, on a donné ensemble une formation. dans le cadre d'un cours qui s'appelait Atelier d'initiation à la pratique psychodynamique ou Atelier d'initiation au stage qui était donné par Sandra Raffman qui nous avait demandé d'introduire les élèves de son groupe de bac en psychologie. à notre milieu de stage, puis on était comme, on se chevauchait. Toi, tu terminais ton stage, moi je le commençais. En tout cas, c'était dans ce temps-là. Puis on avait invité les gens à venir à Louis-Paulette-Lafontaine. On avait trouvé une salle. On les avait encouragés à aller au café des usagers, des patients, pendant la pause. Je ne sais pas si on n'avait pas sorti un vidéo qui était dans les archives, qui intéressait. visiblement personne parce que c'était facile d'y aller et de sortir des vidéos d'archives. Il y en avait énormément. [00:09:19] Speaker C: Il y avait des trésors là-dedans. [00:09:20] Speaker A: C'était incroyable. C'était un lieu de formation incroyable et sous-utilisé à mon avis. [00:09:28] Speaker C: Entre autres, excuse-moi de t'interrompre, parce que la psychanalyse qui avait connu quand même des jours heureux dans les années 50, 60, 70, 80. À la fin des années 90, dans le milieu hospitalier québécois, les belles années étaient clairement finies. [00:09:44] Speaker A: Oui, à la fin des années 90, c'était le nettoyage brutal. En fait, c'est notre expérience, je pense, tant avec Roger Dufresne qu'avec un autre de nos mentors à cet hôpital-là pendant ces années-là, qui était Jean-Yves Roy. Ce qu'on constatait, c'était que d'abord, les supervisions de Roger Dufresne, qui avaient pourtant été très courues en leur temps, n'étaient plus fréquentées par les médecins. Les jeunes médecins, ça ne les intéressait pas. La psychanalyse, ce n'était pas juste mal vue, c'était rendu caduque, ça n'avait plus rapport. Jean-Yves Roy, de son côté, qui avait été directeur, qui avait dirigé des départements, qui avait été chef de service dans des départements, était tranquillement poussé, il a été tranquillement poussé vers l'urgence ou en plus, c'est-à-dire parce qu'il prenait trop de temps avec des patients. à l'urgence, ou là, il recevait encore des plaintes de prendre trop de temps avec les patients. Nous, on était dans cette mouvance-là. Notre superviseur de référence qu'on a eu le même qu'on a eu, qui était Michel Débiol, qui, lui, était psychologue, était bien malheureux de ne pas pouvoir nous offrir plus d'opportunités de formation que celles qu'on a dégotées individuellement à trouver des... parce que lui aussi était tranquillement poussé par une espèce de rouleau compresseur que Jean-Yves Roy appelait le néolibéralisme, la machine, pas la machine de Chicago, mais presque, l'école de Chicago, le néolibéralisme. L'efficacité a trop pris, combien de temps ça vous prend, on sort, on désengorge les urgences, j'allais dire on désengorge les gens, mais c'est pratiquement ça aussi. Comme des aubergines, on dégorge les aubergines, on dégorge les gens, on sort les gens. C'est quoi tout ce temps que vous passez avec des patients? Ce n'est pas normal. Maintenant, on est beaucoup plus efficace. La pharmacopée nous promet des jours meilleurs pour tout un chacun. On n'a qu'à prescrire et c'est tout. Qu'est-ce que vous faites à passer autant de temps avec des gens? C'était un mouvement de fond. J'ai l'impression, dans l'après-coup, que ça a pris sa force maximale, c'est comme l'œil de l'ouragan, dans les années où nous, on était là. Et où nous, on a rencontré Roger Dufresne. C'est à un an d'intervalle. Toi en premier, moi en deuxième. Donc, il n'y avait plus vraiment personne parmi les médecins qui assistaient à ces supervisions. Toi, tu as transgressé le tabou d'assister à des rencontres médicales. Puis après, j'ai pu, moi, profiter d'une supervision toute seule comme psychologue. D'abord, on était deux psychologues, aspirants psychologues. Puis ensuite, mon collègue est parti. J'étais toute seule en supervision individuelle avec Roger Dufresne pendant un bon bout de temps. [00:12:57] Speaker C: Oui, ce qui est quand même une chance. [00:12:59] Speaker A: C'est une chance incroyable. [00:13:01] Speaker C: Parce que, corrige-moi, mais de ce que je me rappelle que tu m'as souvent raconté, tu ne l'attrapais pas. Afarée, pressée, j'ai 10 minutes à vous consacrer, dites-moi vite fait. C'était quelqu'un qui s'installait et que tu bénéficiais de ses histoires, du temps, des anecdotes. [00:13:20] Speaker A: Oui, bien alors, ça se passait comme celui-là, je peux-tu dire. [00:13:22] Speaker C: Oui, vas-y. [00:13:24] Speaker A: J'arrivais. Puis là, on pouvait fumer à cette époque-là. J'arrivais dans une salle qui était comme un petit bureau avec une table ronde à côté du pupitre. On s'installait à la table ronde qui avait quatre chaises, mais j'étais la seule avec lui. Et bonjour, bonjour, on se disait bonjour. Et je présentais un cas, une situation que j'avais... qui me posait des questions, qui m'interrogeait de quelqu'un que j'avais rencontré au fil de la semaine. Je pense que c'était une supervision tous les vendredis. [00:14:07] Speaker C: Oui, c'est ça. C'était par chaque semaine. [00:14:09] Speaker A: À chaque semaine. Donc, j'arrivais là avec des choses à raconter, comme des trucs qui achepaient. Mais il faut le dire, à une époque où j'étais très, très, très, très mobilisée, comme quasiment à temps plein en dehors de mon stage, par la théorie psychanalytique. Fait que j'avais aussi des questions sur la théorie, sur des textes que je lisais, puis tout ça. J'avais tendance à plaquer des compréhensions, c'est comme tous les jeunes en début de carrière, c'est ordinaire et normal, à plaquer des compréhensions, des théories, pigées ici ou là, sur des gens que je rencontrais, puis je lui en parlais. Puis il m'écoutait, disons, il m'écoutait sans rien dire. [00:15:01] Speaker C: Je le vois, en plus, je le vois. Regardez un peu au loin. [00:15:04] Speaker A: Non, systématiquement, c'était pendant que je parlais. Ah oui, oui. Il tenait son front, il regardait par terre. Il ne me regardait pas du tout, mais comme quelqu'un. [00:15:19] Speaker C: Affligée? [00:15:21] Speaker A: Bien, d'extrêmement concentrée, disons. Mais je ne sais pas s'il était extrêmement concentré, mais ça me donnait comme du bagout pour continuer mon histoire, ce que j'avais à dire, mes questions, tout ça. Donc, j'expliquais, j'avais en masse de temps pour dire plein de choses sans interruption, sauf des petites questions sur « ah pardon, j'ai pas compris » ou « t'sais ». Ça, c'était la première partie. Il écoutait, semble-t-il, très concentré le front dans sa main, en regardant par terre. Et je finissais habituellement par une question. Puis c'est un truc que j'avais développé parce que je savais, je connaissais le rituel. Il fallait conclure. La conclusion, c'était, pouvez-vous parler de ceci? C'est là que ça devait, tout ça, ça devait me mener à, pouvez-vous me parler de telle question? Puis il levait la tête. Je sais pas, disons 60% du temps, sa première phrase, c'était « écoutez ». Quand j'étais à l'hôpital militaire américain, puis là, ils racontaient une anecdote ou quelque chose qui concernait un patient particulier à chaque fois. C'était jamais « faites ceci, dites ceci, faites cela, faites comme ci, ça c'est ceci, ça c'est anaclytique, ça c'est... ». [00:17:01] Speaker C: On voit la castration. [00:17:02] Speaker A: On voit la castration, l'Égypte ou machin, ou narcissique, je sais pas trop. [00:17:13] Speaker C: Alors qu'on dit qu'il n'a pas été. [00:17:19] Speaker B: Beaucoup question de psychanalyse, moi j'ai l'impression qu'il y en a beaucoup été question dans toutes sortes de milieux, peut-être un petit peu moins depuis quelques années. Mais le problème c'est aussi comment est-ce qu'on l'a présenté ? Alors on l'a souvent présenté comme une science, comme un savoir, comme quelque chose qui était toujours l'accultype avec le divan puis la petite serviette, Donc comme quelque chose ou quelqu'un avait la vérité sur soi. Mais ça, c'est aussi dangereux que toutes les autres sciences objectivantes et que par conséquent, on n'a pas assez expliqué. Je trouve fort intéressant qu'on ait présenté aujourd'hui différentes approches pour faire advenir toujours la même chose, c'est à dire l'individu en tant que singulier. Et qu'il s'agit donc d'une place où nous n'y dirons pas la vérité du patient sur lui. nous essaierons de l'assister à penser et c'est lui qui tirera ses conclusions. Et je pense que c'est peut-être à ce niveau-là qu'il nous faudra présenter, nous, analystes, la psychanalyse un peu différemment. Bien sûr, dans des livres, dans des articles, on est obligé de résumer et puis on présente un certain nombre de choses qui nous sont apparues et qui, je pense, nous servent de fil d'Ariane, précisément. Elles ne sont pas des vérités ultimes par rapport à ce sujet singulier. Bon, ça fait partie de la trame générale, la sexualité c'est là chez tout le monde et pourtant ça n'a pas joué le même rôle structurant chez chaque personne, on sait que ça structure davantage les positions plus avancées. Voilà quelques commentaires à la suite de. [00:18:49] Speaker C: La question qui a été soulevée. [00:19:01] Speaker A: Il était dans la soixantaine relativement avancée à ce moment-là déjà. [00:19:04] Speaker C: En fait, on peut le savoir à cette heure. Avant, on n'était pas trop sûrs, mais il est né... Il est né en 1930, je pense, puis on était à la fin des années 90, donc il était autour de 70. [00:19:14] Speaker A: C'est ça, il approchait 70 ans s'il ne l'avait pas atteint. Il est décédé l'an dernier, il avait 89 ans. Je suis en train de vérifier, c'est ça. [00:19:23] Speaker C: Il est né en 32, puis on était en 98, 99, alors... [00:19:29] Speaker A: C'est-à-dire qu'il est né en 1932. La vie qu'il a connue, la société dans laquelle il a évolué, c'est une société complètement différente de celle qu'on connaît aussi. Je veux dire, 1932, c'est avant la guerre. C'est pas rien. Puis c'est l'époque, tu sais, du Plessis. Tu sais, tout ce qu'on... La grande noirceur, les... les gens qui veulent se pousser du Québec pour aller faire autre chose ailleurs parce qu'on étouffe ici, il y avait tout ça. Puis lui qui revient en 67 ou 68, je sais pas quand est-ce que de Gaulle est venu, mais c'est pour être au milieu de crise avec le FLQ, puis la crise d'octobre, puis... C'est un autre monde. [00:20:18] Speaker C: Mais c'était un raconteur. Pour revenir à ce que tu dis sur la supervision, Il répondait souvent à ce que tu disais par des anecdotes. [00:20:29] Speaker A: C'était toujours ça. [00:20:30] Speaker C: C'est surprenant que j'en ai aussi. [00:20:32] Speaker A: Ce n'était pas des anecdotes anecdotiques, mais c'était un compteur. Il cherchait un lien entre ce que je disais et quelque chose qu'il avait déjà vécu dans sa pratique. C'était pas pour émettre des recommandations. C'était pour que ça circule, dans le fond. [00:20:48] Speaker C: Oui, c'est ça. Puis dans le cas, tu vois, de moi, de mon souvenir, parce que c'est un peu différent parce que... Donc moi, j'assistais à une supervision de groupe avec des internes en psychiatrie, j'ai l'impression, des médecins. Puis eux, ils étaient pas particulièrement... Ils étaient vraiment pas impressionnés ou... Comment on disait tantôt, là? Fait que c'était... C'était souvent des gens, mon souvenir c'est qu'ils arrivaient avec certaines certitudes ou certaines incompréhensions mais dont ils voulaient trouver une solution rapide puis un mode un peu plus efficace. Puis, j'avais pas toujours l'impression que les anecdotes qu'ils racontaient cadrait dans ce qui était attendu. Mais en fait, c'est ça que je voulais dire. Mais par contre, ce que je me souviens, en lisant ses textes en préparation à ce podcast-là, je m'en suis souvenu d'autant plus, c'est sa capacité des fois à être en désaccord en te racontant quelqu'un qui avait fait une bouffonnerie, mais de le dire diplomatiquement et subtilement. [00:21:56] Speaker A: Mon collègue, les collègues ou mon prédécesseur. [00:22:01] Speaker C: Je me souviens de mon sympathique collègue qui avait été content, moi ça m'a marqué, de parler, d'aller retracer la nourrice de son patient pour aller vérifier le vrai du vrai dans ses dires. C'est comme un bon entendeur, il ne va pas dire qu'elle est imbécile, il faut s'opposer, il faut dorénavant, plus jamais, créons un autre groupuscule. Non, non, chacun a sa façon, chacun progresse à sa façon, mais vous me parlez Vous, jeune interne en psychiatrie, vous me parlez de comment vous n'êtes pas sûr si ce que votre patient dit est actuellement vrai. Ça me rappelle cette analyse-là. [00:22:44] Speaker A: Oui, c'est ça. [00:22:45] Speaker C: Qui était très préoccupée par cette question. [00:22:47] Speaker A: Oui, c'est ça. [00:22:47] Speaker C: Et qui est allée jusqu'à interroger sa nourrice. [00:22:50] Speaker A: Oui. [00:22:51] Speaker C: Alors tirez-en les propres conclusions. [00:22:55] Speaker A: Oui, c'est ça. [00:22:56] Speaker C: C'est souvent son style. [00:22:57] Speaker A: Oui, c'est ça. Mais avec la conséquence possible, de juste pas être compris par des gens qui font pas nécessairement des liens entre les choses. Tu comprends? Des liens entre une histoire et leur vie à eux, qui ont tendance à penser en silo comme c'était énormément le cas. Quand on a fait notre formation, là, je m'excuse de le dire, mais tu sais, c'est-à-dire, tu te spécialises dans telle discipline et donc, par conséquent, il y a rien d'autre qui existe, ce qui fait que quand on... Quand on te dit qu'il y a autre chose, tu le comprends juste comme un autre silo. Tu ne comprends pas qu'il peut y avoir des liens. [00:23:38] Speaker C: Puis si t'arrives en supervision avec Dufresne en disant, écoutez, j'ai quatre questions là, est-ce que c'est un état limite? Est-ce qu'il rejoue avec moi la relation avec son père? Oui ou non? Elle a été fourrée parce que c'est. [00:23:50] Speaker A: Pas... Moi, je me souviens clairement qu'il m'avait donné... Tu sais, c'est parce que notre relation a évolué au fil des séances. Au fil des cigarettes. Entre autres, c'était comme un facilitateur. On a fini par avoir beaucoup de plaisir, je trouve, je pense, je ne sais pas ce qu'il en dirait, mais pour moi, l'expérience était vraiment fort agréable, avoir beaucoup de plaisir ensemble. ce qui a porté des fruits, parce qu'on a fini par faire un colloque dans le cadre d'un groupe dans lequel on participait ensemble, puis on a réussi à obtenir sa participation. Puis tout ça, c'était pendant que j'étais en supervision avec lui. C'était fort agréable. [00:24:40] Speaker C: Tu pouvais le travailler pour qu'il vienne. [00:24:43] Speaker A: Oui, mais c'est ça. Mais c'est que probablement, il ne serait pas venu si je n'avais pas eu l'occasion de revenir sur mon projet de coloc ou notre projet de coloc avec lui, de fois en fois, dans le cadre de cette supervision-là. Mais le fait qu'il est venu, ça a vraiment changé complètement la nature du coloc comme tel, puis ça a été fort agréable en bout de ligne. [00:25:07] Speaker C: Oui, oui. Puis tu sais, c'est une association facile un peu peut-être que je vais faire, mais ça me fait penser, il y a un de ses textes sur le premier entretien où je trouve qu'un des Une des choses qui apporte, qui est plus souvent dite, en fait, c'est toute l'idée, quand on analyse la demande d'un patient, de non seulement se demander, bon, dans quel cadre nosologique il se situe, puis est-ce qu'il est prêt, puis est-ce qu'il va payer, puis est-ce qu'il va revenir, mais de demander la question de ce qu'il veut, puis de à quoi il s'attend, puis en fait, je pense, les termes sont de comment il se représente l'aide qu'on peut lui apporter. C'est souvent ça aussi, Roger Dufresne, c'est une question qu'on pourrait penser est tout à fait légitime et que tout le monde demande. Comment vous représentez-vous l'aide que je peux vous apporter? C'est quoi votre idée? C'est à chaque semaine? Ça va durer trois mois? Parlez-moi. [00:26:09] Speaker A: Puis on voit... Dites-moi ce que vous imaginez. [00:26:11] Speaker C: Puis après ça, on voit le transfert, puis les fantasmes se déployer, tout ça. Mais j'ai dit ça parce que. [00:26:19] Speaker A: J'avais. [00:26:19] Speaker C: L'Impression peut-être qu'il y avait de ça aussi, que ce n'était pas quelqu'un nécessairement qui allait d'emblée dire oui à quelqu'un qui lui disait venez donc à notre colloque. [00:26:32] Speaker A: Qui êtes-vous? [00:26:33] Speaker C: Qui est ce colloque? Voulez-vous vraiment que je vienne? [00:26:35] Speaker A: Ah, je ne suis pas sûre, mais c'était beaucoup « he was playing hard to get » comme on dit. C'était comme « non, je ne pense pas, non, c'est comme qui ces gens-là, pourquoi? [00:26:43] Speaker C: » Parce qu'il faut dire aussi que c'était un cas-là où on invitait des psychanalystes de différents milieux qui, sauf erreur, ne se parlaient quasiment jamais. [00:26:52] Speaker A: Oui, c'était ça. Oui, c'est ça. [00:26:54] Speaker C: C'est ça. Ça amenait aussi à être un peu plus prudent. [00:26:57] Speaker A: Fait que le colloque, c'était de la pilule à la parole, la place de la psychanalyse dans le système de soins en santé mentale. Donc, ça, c'était organisé par le Sénac du Phil-Darien, dont nous étions des membres patentés. [00:27:12] Speaker C: Patentés. [00:27:12] Speaker A: Tatoués. Credentialed. On avait un vrai membership. [00:27:20] Speaker C: Donc tu étais un membre fondatrice? [00:27:22] Speaker A: J'étais membre fondatrice, absolument. C'était un petit groupe, on n'était pas nombreux. On était, selon les fois, quatre ou cinq, six un peu, tu sais, mais il y avait comme un groupe, un noyau qui... 4 ou 5 ou 6, ça dépendait de comment il fallait faire circuler la parole. Quand je dis qu'on était très, très, très investis dans la psychanalyse à cette époque-là, c'était aussi ça. C'est-à-dire, du moment que ça commençait à ronronner, qu'on était les 4 à être contents de redire les mêmes choses, là, ça devenait un petit peu irritant. Puis l'idée, c'était d'inviter quelqu'un à se joindre à nous. T'as été une de ces personnes. [00:28:07] Speaker C: Cette fonction? [00:28:08] Speaker A: Le privilège d'être admis dans notre club sélect, contrairement au club des médecins. [00:28:17] Speaker C: Oui, c'est ça. On m'a accepté. [00:28:19] Speaker A: Nous, on t'a accueilli. Mais l'idée, c'était de... tu sais, comme de rebrasser les cartes pour continuer à réfléchir au lieu de rester dans un ronronnement du pareil au même que maintenant qu'on a trouvé un équilibre, on est content. [00:28:35] Speaker C: Puis on se congratule d'être présent. [00:28:37] Speaker A: C'est ça. Puis on redit la même affaire à la suite. qu'on disait il y a dix semaines et qu'on répète depuis dix semaines. C'est ennuyant et c'est plate. Donc, nous, ce qu'on s'était dit dans le cadre de ce sénacle-là, c'était, mon Dieu, c'est donc bien plate. C'est donc épouvantable. Ils sont en train de détruire les archives visuelles. Jean-Yves Roy est rendu à l'urgence. Même là, on essaye de trouver une façon de l'empêcher de passer trop de temps avec les patients. On allait dîner avec Jean-Yves Roy. Roger Dufresne, dont les supervisions étaient courues pas tellement longtemps avant, ne voyait plus vraiment de médecins. Son nouveau public, c'était les jeunes psychologues qu'on était, qui étaient intéressés par ce qu'il y avait à dire. La psychanalyse est en train de disparaître du réseau. Et c'est de là qu'on s'est dit, bien là, on devrait faire un colloque, organiser un colloque pour en parler. Nous, c'est ça qu'on voit. Puis le décalage entre notre formation à l'université, où ce qu'on nous dit est un paquet d'affaires qui sont plus ou moins pertinentes, et ce qu'on voit vraiment sur le terrain de gens qui sont patentés, justement, qui sont là depuis longtemps, qui... Parlons-en. [00:30:05] Speaker C: Puis on avait aussi l'idée de faire... une certaine transgression, c'est-à-dire donc d'inviter des gens de milieux tout à fait, des psychanalystes de milieux différents qui, historiquement, ne se parlaient pas et, pour le dire crûment, s'entrebitchaient ou signeraient parfois, mais sinon disaient « Ah ben eux, c'est des lacaniers, c'est des gens un peu… » qui sont dans la revendication ou c'est un peu sectaire leur truc, on parle pas à ces gens-là, c'est pas des vrais psychanalystes. [00:30:34] Speaker A: Ouais, les psychodramatistes, c'est comme inspiré peut-être, mais c'est pas vraiment de la psychanalyse. [00:30:40] Speaker C: Exact. Alors là, on réunissait tout ce beau monde-là, vraiment pour partager leurs idées et discuter sans trop traverser. [00:30:49] Speaker A: Ça a été vraiment cool. [00:30:52] Speaker C: Et Roger Dufresne a joué Il a un grand rôle là-dedans parce qu'il y avait quand même une certaine aura autour de lui et il a parlé beaucoup, il a participé beaucoup. [00:30:59] Speaker A: Oui. [00:31:00] Speaker C: Il a donné le ton au succès de l'affaire. [00:31:01] Speaker A: Oui. [00:31:01] Speaker C: Effectivement. [00:31:16] Speaker B: Cette fois, je réclame le mot de la fin. pour dire, je l'ai dit ce matin, mais je le redis, mon admiration à ces jeunes collègues étudiants qui ont pensé, conçu, organisé, invité, mené à terme ce colloque, ce colloque assez inhabituel. Depuis plusieurs années, c'est le premier que je vois où c'est pas payant, d'une part, et d'autre part... Et d'autre part, afin qu'ils regroupent un public extrêmement varié, j'ai l'impression de voir aujourd'hui des nouvelles figures, alors que dans bien d'autres colloques auxquels je suis allé récemment, j'avais l'impression de toujours voir les mêmes. Je suis très heureux de leur initiative. Elle me paraît quelque chose de tout à fait remarquable à saluer. Et j'aimais un vœu qu'ils recommencent. [00:32:20] Speaker A: Au final, ça a pris un certain temps, plusieurs séances de supervision, plusieurs fois revenir sur le sujet, fumer une clope, une autre clope, jaser, échanger, pour arriver à éventuellement le convaincre de venir à ce colloque-là. C'est une grâce qu'il nous a faite. C'est quelque chose qu'il nous a accordé. De bien vouloir participer au colloque, c'est que pendant un certain temps, il semble avoir pensé ou s'être imaginé dans sa tête que c'était un petit truc entre étudiants, un petit truc de peu de valeur, puis qu'il voyait pas pourquoi il mettrait de l'effort là-dedans. Sauf qu'en même temps, Il y avait quelque chose, j'ai l'impression, qui le ramenait à ses propres années d'effervescence, dans toute façon d'insister puis de revenir dans le cadre des séances de supervision, sur « Ah, voyez donc, venez donc, c'est trop le fun », où t'sais, on parlait. Je lui parle d'une patiente, il me répond à l'hôpital militaire américain, il m'est arrivé ceci, j'ai fait cela, puis ça, c'est donc bien intéressant. Venez donc nous raconter ça. On aimerait ça, nous, entendre parler de la pratique psychanalytique. On aimerait ça, nous, entendre parler de l'histoire de cette pratique-là, puis de où est-ce que vous pensez que ça s'en va, t'sais. [00:33:55] Speaker C: Puis aussi, venez entendre ce que d'autres font. [00:33:58] Speaker A: Oui. [00:34:00] Speaker C: C'est ce qu'il trouve. Oui, c'est vrai. [00:34:04] Speaker A: Comme il a accepté, ça, c'est intéressant. C'est comme une fleur qu'il nous a faite. Mais comme il a accepté, ça a motivé d'autres à venir. [00:34:12] Speaker C: Oui, c'est ça. [00:34:12] Speaker A: Donc, ce colloque-là... Puis j'en parle parce que c'est comme un souvenir impérissable pour moi. C'est quelque chose de marquant. Ça aurait pu donner complètement autre chose que ce que ça a donné par la suite. Il aurait pu y avoir des fruits à tirer de ça parce que c'était vraiment... C'est vraiment une belle journée. Le colloque s'appelait La pilule à la parole, la place de la psychanalyse dans le système de soins en santé mentale. Puis, dans l'argumentaire, on interrogeait. Ce qu'on voulait, c'est interroger les psychanalystes sur ce que, de leur point de vue, la psychanalyse avait à offrir dans un contexte néolibéral. Puis à partir du moment, il y avait Roger Dufresne qui a accepté, puis il y avait notre autre superviseur. Je ne sais pas si toi, tu as été supervisé par lui en même temps dans ces années-là, Jean-Yves Roy. [00:35:04] Speaker C: Non, moi, c'est toi qui as eu le privilège d'être supervisé par Jean-Yves Roy, pas moi. [00:35:09] Speaker A: C'était vraiment une belle journée. C'était vraiment une belle journée parce qu'on avait réussi à réunir des gens qui n'avaient pas rapport les uns avec les autres, qui soupçonnaient visiblement même pas l'existence des uns et des autres. Il y a eu une super belle complicité entre Lucie Quentin, qui était du GIFRIC à Québec et du 388 à Québec, qui faisait une pratique psychanalytique auprès des personnes psychotiques, et Roger Dufresne, qui était, depuis la fin des années 60, psychanalyste en cabinet privé, professeur à l'Université de Montréal et... – Affilié à l'OUH. – C'est ça, psychiatre institutionnel dans les hôpitaux, tu sais, à différents titres, superviseur, etc. Il y avait aussi Jean-Yves Roy qui s'intéressait énormément à la toxicomanie et qui commençait à virer du côté des neurosciences. [00:36:02] Speaker C: C'est vrai, Jean-Yves Roy était là aussi. [00:36:05] Speaker A: C'est vrai. Oui. Nora Dembry. qui, elle, faisait du psychodrame à l'Institut Philippe Pinel, fortement inspiré par la psychanalyse, qui a donné une conférence vraiment touchante et poétique dans sa livraison. Martin Pigeon, qui travaillait en centre de crise et qui était aussi lacanien comme Lucie Quentin. C'était une brochette de gens qui se méfiaient les uns des autres. [00:36:37] Speaker C: Oui, puis tu vois, si tu te rappelles, je sais que tu te rappelles Martin Pigeon qui était plus associé à... pas plus, qui était associé à l'école lacanienne de Montréal, faisait partie des psychanalystes indépendants que certains qualifiaient comme étant dans la marge, qui étaient plus tranchés dans leur position, on peut dire ça diplomatiquement, puis qui étaient plus tranchés dans la façon dont ils considéraient la valeur des psychanalystes de la Société psychanalytique de Montréal. C'était pas toujours élogieux ce qu'ils disaient sur eux. Puis Martin, moi je suis un peu plus proche peut-être de Martin que toi, on va voir. Mais lui aussi, d'aller à un colloque comme ça et d'écouter en direct, non pas seulement le résumé caricaturé de ce que ces gens-là disent, mais de les entendre élaborer leurs propos, ça donnait aussi une autre perspective. On s'en parle parfois, puis on le déplore que dans l'actualité, chaque partie ou chaque, la droite, la gauche, fait juste prendre le plus coucou de l'autre côté et d'en faire un tweet satirique, ça te fait des positions comme dramatiquement opposées, caricaturées, qui ont l'air complètement aux antipodes l'une de l'autre, mais qu'en fait, ça représente rien, ça représente en fait juste la caricature du pire ou du plus extrême d'un parti ou de l'autre. [00:38:00] Speaker A: Oui, qui se transmet d'analysant en analysant à l'intérieur d'une école. Oui, c'est ça. Mais aussi en 1952, quelqu'un a écrit un texte pour critiquer l'autre qui fait une autre façon qui n'a pas rapport. Mais si on est en 98, genre plus de 40 ans plus tard, on continue à perpétuer la caricature de l'autre telle qu'elle était en 1952 parce qu'on n'est jamais allé voir en fait ce qu'il faisait. C'est ça le... Puis là tu as Roger Dufresne qui dit des choses comme « Je suis toujours intéressée, je pars à France, mais c'était autour de ça, je suis toujours intéressée au-delà des approches théoriques, puis au-delà des différentes chapelles et regroupements. » parce qu'il y a beaucoup de regroupements qui se sont créés en réaction au fait de se sentir rejetés par la société. Ça, on a peut-être quelque chose à dire là-dessus. La société, c'est quand même un petit club élitiste qui a ses propres pratiques, puis qui est pas ouverte à tout le monde, en fait. Puis même pendant longtemps, longtemps, leurs écrits étaient quasiment secrets, tu sais. [00:39:17] Speaker C: Oui oui, il était dans une drôle de position parce que... Il y a ça, le transfert, c'est pas tant moi, on peut le dire, le transfert va être d'autant plus fort envers une institution, puis des gens qui sont dans cette institution-là, s'il y a une espèce d'aura, de mystère, puis qu'ils sont pas partout, puis qu'ils sont entre eux, puis c'est des grands bons aussi, il y a ça. Ça fait que pendant un temps, puis c'est à l'air du temps aussi. [00:39:51] Speaker A: On n'avait pas l'Internet en plus. [00:39:52] Speaker C: Non, il n'y avait rien de démocratisé. Tu n'avais pas les psychologues sur YouTube et sur Twitter qui tweetaient à chacun sur leurs émois. Donc il y avait comme un aura de quelque chose d'un peu inatteignable, d'un club privé, tout ça. Mais jusqu'à temps qu'un moment donné, c'était tellement privé qu'il n'y avait plus personne dedans, ou de moins en moins de monde. [00:40:12] Speaker A: C'est ça, puis ça créait des exclus. Puis là, les exclus créaient leur propre petite affaire. Puis là, finalement, ça métastasiait, pour ne pas prendre une mauvaise métaphore, mais tel groupe créait des exclus. T'as tel groupe d'exclus qui crée lui-même des exclus. C'est qu'à partir du moment... c'est la vérité plate, la réalité plate, c'est qu'à partir du moment où une génération qui est allumée puis qui crée des choses, t'sais, vient un temps où elle veut préserver ce qu'elle a créé, Puis là, admet des nouveaux membres, c'est peut-être ce qui serait arrivé éventuellement au fil d'Ariane, je ne sais pas si ça avait continué. Tu admets des nouveaux membres, mais tu te méfies, tu veux faire attention, tu veux être sûre que tu as choisi comme il faut, etc. Puis donc, les nouveaux membres qui, eux, n'ont rien créé. Eux sont juste devenus membres, ont une perception complètement différente et tentent à devenir des gardiens du temple en fait, à être plus catholiques que le pape dans la préservation du membership. C'est-à-dire que là, t'avais la société, nous, pour nous. [00:41:28] Speaker C: Toi, tu fumais des clopes avec du freine. [00:41:32] Speaker A: C'est ça le truc, c'est que d'un côté, je fumais des clopes avec du freine, puis on s'énervait mutuellement sur l'organisation du co-op. J'avais des projets, je me disais, OK, après ça, on pourrait... Faire une revue, t'sais. C'était comme fonder un... pas fonder, mais faire des actes du colloque, par exemple. C'était dans la discussion. Paf, sont arrivés les gardiens du temple de la génération d'après ceux qui nous ont formés à Lucarme, pour le dire clairement. C'est comme ces gens-là qui sont pas... les gens de la génération de Roger Dufresne, qui sont les gens de la génération d'après, ont agi comme des empêcheurs de bouger. Parce qu'à partir du moment où le colloque a été terminé, il est arrivé, comme une directrice de revue, qui a commencé à discriminer qui pouvait être dans sa revue et qui ne pouvait pas être dans sa revue. Puis là, Roger Dufresne me dit, oui, je comprends que vous voulez publier des actes du colloque, mais ce qui aurait vraiment une plus grande portée pour moi, c'est d'être publié dans cette revue-là. Alors, si lui est publié dans cette revue-là, les conditions, le contexte fait en sorte que les quatre autres ne le sont pas dans la même revue. Fait que tu défais l'effet du colloque, qui était un colloque rassemblant. Il y avait quand même plus que 400 personnes. Puis on nous avait dit, personne ne va venir, personne n'a de noms, personne ne s'est intéressé. Puis même Roger Dufresne. Mais pourquoi? Puis c'est pour qui? Il y avait plus que 400 personnes à ce colloque-là. Il fallait le faire en 1998. [00:43:15] Speaker C: Tout à fait. Mais tu dirais-tu qu'un des reproches, je dis pas un des reproches, mais pour moi c'est important de faire quelques reproches ici et là, de sprinkler l'hommage de quelques reproches, dans le sens où moi je le déplore parfois quand des gens rendre hommage à quelqu'un, c'est tellement idéalisé qu'à un moment donné, ça sonne faux et tu te dis « je l'ai connu, c'était pas vrai » ou t'es plus la vraie personne, t'as une espèce de mythe que tu perpétues et que tu crées. Puis un des reproches, moi, je pense qu'on pourrait faire, puis pas nécessairement envers Dufresne spécifiquement, mais envers les pionniers de la société psychanalytique de Montréal, c'est qu'à force d'avoir un statut spécial en étant pionnier, puis en racontant l'histoire de comment ça s'est passé, qui est, moi, qui m'a beaucoup intéressé et qui est fascinant en soi, mais à force de beaucoup en parler, Ça les a un peu mis dans une classe à part. [00:44:14] Speaker A: Tu les as mythifiées. T'as mythifié l'histoire, puis t'as mythifié les personnages. [00:44:19] Speaker C: Oui. Mais ça serait pas trop grave, parce que ça nourrit le transfert de plein de gens qui veulent être analysés par eux ou qui veulent les côtoyer, les grands maîtres. Ça fait toujours du sens. Mais à un moment donné, je trouve que le danger, c'est que... Ça faisait toujours un truc qui était... dont le regard était posé vers le passé. Puis on le sentait à la fin des années 90. Il y a personne qui arrivait en disant, je calcature, mais voici notre plan 2010. Puis c'est là qu'on... Il n'y avait rien vers le futur. C'était, ah, mais... Puis on était intéressé de l'apprendre ce passé-là, parce qu'il y avait plein de leçons. Mais en même temps, ça devenait aussi une espèce de nostalgie, on va le dire. Puis la nostalgie fait des fois en sorte que... ça reste quelque chose du passé, puis que ça évolue possiblement. [00:45:10] Speaker A: Oui, puis tu dis pas à des jeunes qui sont en début de carrière, ah, c'est plus comme c'était, puis il n'y a pas d'avenir pour vous. Je veux dire, quel genre de message, c'est ça? [00:45:18] Speaker C: Oui, oui. [00:45:19] Speaker A: C'est là-dedans qu'on baignait aussi. C'est-à-dire, ah, les gens, la psychanalyse, ça les intéresse plus, blablabla. Puis là, t'es là, OK, mais pourquoi? Mais comment? Mais qu'est-ce qu'on peut faire? [00:45:28] Speaker C: Oui, puis pour en rajouter une couche aussi, c'est que souvent, l'argument qui était dit, Puis souvent, souvent, c'était, ouais, bien, vous savez, la psychanalyse porte en soi des transgressions. Donc, l'inconscient, l'homme est pas maître chez soi. Alors, on dit aux gens qui n'ont pas autant de contrôle, qui pensent, il y a toutes sortes de trucs de sexualité perverse. Il y a toutes sortes de choses qui font en sorte que les gens, naturellement, sont défensifs face à cette méthode, à cette science, etc. [00:46:02] Speaker A: Donc c'était facile. [00:46:03] Speaker C: De se complaire là-dedans aussi. [00:46:05] Speaker A: Puis c'est complètement porte-à-faux avec le fantasme d'efficacité quasiment robotique du néolibéralisme. Ça a pur apport dans notre société. Il y a ça aussi. [00:46:14] Speaker C: Tout à fait. [00:46:27] Speaker B: Je ne connais guère dans l'histoire de science ou de thérapeutique qui est fait l'objet d'un tel au propre. À quoi cela tient-il, nous faut-il nous demander ? À la prééminence accordée au sexuel ? Peut-être, quoique le philosophe allemand Schopenhauer en avait souligné avant-freud la place prépondérante sans susciter une telle levée de bouclier. Freud, dans une difficulté de la psychanalyse en 1917, suggéra que l'investigation scientifique avait apporté à l'homme trois graves humiliations narcissiques. La première fut la découverte par Copernic que la Terre tourne autour du Soleil et n'est pas le centre de l'univers. Son disciple Galilée fut même contraint de se rétracter devant l'Inquisition et l'Église ne reconnut son erreur qu'il y a une vingtaine d'années. La seconde vient de Darwin, qui montra que l'homme est issu d'une longue lignée évolutive et n'est pas d'une nature essentiellement différente des autres espèces animales. La troisième nous fut apportée par Freud, qui montra à l'évidence que la psyché ne se limite pas au conscient et à la raison, mais est mue par des forces, des instincts, des pulsions violentes et sexuelles qui l'envahissent, la menacent et parfois la débordent. que l'homme ne reconnaît pas d'emblée et ne veut pas connaître comme sien, et qui souvent le contrôle plus qu'il ne l'ait contrôle. La découverte de l'inconscient nous est d'autant plus intolérable, qu'elle touche au plus intime de ce que nous considérons comme notre moi propre, notre je, qu'elle remet en question les mécanismes de digne, de projection, de refoulement, mis en place pour maîtriser nos passions les plus archaïques, et qu'elle nous confronte aux limites de notre puissance sur nous-mêmes. [00:48:29] Speaker C: C'est l'effet moche à un moment donné, ou en tout cas c'est la démarcation entre un retour vers le passé pour apprendre, pour tirer les leçons, pour pouvoir mieux se situer dans le présent. C'est ce qu'on est supposé faire en psychanalyse. Et Dufresne l'a dit souvent aussi, en fait. Dufresne l'a dit souvent, il dit que quand on fait une psychanalyse, Les gens parfois pensent qu'on ressasse des vieilles affaires, mais ce n'est pas ça le but. Le passé, on ne peut rien y changer, c'est le présent, mais on essaie de comprendre ce qui s'est passé. [00:49:02] Speaker A: On ne s'intéresse qu'au présent. [00:49:04] Speaker C: Oui, mais moi j'ai eu l'impression parfois que c'était plus vrai pour le déroulement des séances d'analyse que pour le déploiement de la culture psychanalytique comme telle. [00:49:16] Speaker A: Je ne sais pas, je ne veux pas avoir l'air de dire que je sais de quoi je parle. Peut-être que je ne connais rien. Mais je parle simplement de mon propre malaise et de ma propre déception. C'est autour de ces années-là, 1998-1999, il y a eu un autre colloque qu'on a organisé qui a complètement viré au fiasco. l'année d'après. Puis après, on est retournés voir Roger Dufresne ensemble, je ne sais pas si tu te rappelles, pour lui demander s'il était d'accord de discuter avec nous l'histoire de la psychanalyse à Montréal, de sa perception des choses, etc., pour qu'on en fasse un article. Puis, il n'y avait pas de décliné, mais l'idée c'était qu'il aurait fallu insister dans le fond, comme ça avait été possible quand j'étais en supervision avec lui à toutes les semaines. Là, ce n'était plus possible, parce que là j'avais terminé ma formation. Je pourrais pas revenir, t'sais. Puis finalement, j'ai vu que quelqu'un d'autre avait fait une entrevue avec lui dans une revue sur son récit. Puis c'est tellement un bon conteur que c'est sûr que c'est comme à lui que tu veux demander de raconter l'histoire de la psychanalyse de la Montréal. C'est comme... [00:50:45] Speaker C: C'est un bon compteur, puis comme on disait tantôt, c'est un compteur diplomatique, c'est un compteur qui est capable de noter les travers, les conflits, les zones de conflits, puis comment ça s'est résolu, tout en préservant tous et chacun pareil. [00:50:59] Speaker A: En n'attaquant jamais personne directement. C'est un vrai psychanalyste, pour vrai. Puis c'est pas quelqu'un que, de toute mon expérience de l'avoir lu puis de l'avoir côtoyé un temps, qui se prend les pieds dans des allégeances théoriques. Moi, je suis de telle approche et je vais dépendre de telle patiente. Je me souviens d'ailleurs, ça c'est comme une anecdote, il me tend à un moment donné un texte qu'il a écrit qui s'appelle « La dame à l'imperméable et aux petits boutons ». le point tournant d'une analyse, réflexion sur le processus psychanalytique. Je ne sais pas dans quoi il l'a publié, mais il m'a donné en main propre, je l'ai sous les yeux, j'y tiens comme la prunelle de mes yeux, j'ai l'impression que c'est comme un document d'archive. parce que, juste en parenthèse, c'est lui qui raconte qu'à un moment donné, il y a eu comme une super inondation dans les locaux de la Société de psychanalyse. Non, chez lui. Chez lui? [00:52:06] Speaker C: Oui, je pense que c'est chez lui. [00:52:08] Speaker A: C'est chez lui à sa maison? [00:52:09] Speaker C: Oui, oui. [00:52:10] Speaker A: Je pensais que c'était dans les locaux. En tout cas, là où il y avait des archives, toute l'histoire de la Société de psychanalyse de Montréal a été noyée dans des eaux d'égout. [00:52:19] Speaker C: Oui, c'est en 88. 88, c'est peut-être ça. puis qui ont bien essayé de sauvegarder. [00:52:30] Speaker A: Quelques textes, mais... Et il me tend, à un moment donné, ce document-là, qui est comme un récit d'une psychanalyse. C'est super touchant à lire. [00:52:40] Speaker C: Oui. [00:52:40] Speaker A: Fait que je l'ai lu, puis je suis retournée le voir, puis j'ai dit, « Ouais, mais elle... » Puis je lui dis des choses qui sont des choses théoriques, de la théorie à la mode, que j'étais en train d'étudier à ce moment-là. Oui. Mais oui, mais elle, on pourrait dire que c'est ceci et pas cela, en termes nosographiques ou peu importe. Je me souviens de son expression faciale subtile et rapide qui est passée. C'est genre, bien là, c'est comme franchement... Je te donne un texte que j'ai vraiment réfléchi, j'ai vraiment travaillé à partir d'une vraie expérience. Puis toi, tu m'arrives à vouloir encapsuler cette personne dans des mots qui te viennent d'un théoricien que je ne sais pas trop. Je me souviens la déception, en fait. C'est ça, je me suis sentie à ce moment-là... C'est vous? À ce moment-là, je me suis sentie vraiment, en fait, conne, pour le dire clairement. Pourquoi est-ce que j'avais juste lu où j'avais juste retenu dans cette lecture-là, à l'époque, ce qui concordait ou ne marchait pas avec ce que je pensais être une vérité, parce que je croyais à des théories dans lesquelles j'étais complètement embarquée jusqu'aux oreilles. [00:54:01] Speaker C: Est-ce que quelqu'un a un excuse-moi? [00:54:06] Speaker A: C'est quelqu'un qui est athéorique dans le sens... qui est au plus proche, pour vrai, de tout ce que j'ai lu, de toutes mes interactions avec lui, de la conférence qu'il a donnée et de ses interventions à notre coloc, qui est au plus près du patient, pour vrai, sans joke. [00:54:31] Speaker C: Oui, puis d'une espèce... quelque chose qui est essentiel, de quelques questions qui sont essentielles, donc pas dans ce texte-là, mais dans celui sur le premier entretien clinique, tu sais, quand il revient sur... Bien, là, je reviens là-dessus. Comment le patient se représente l'aide qu'on peut lui apporter? C'est tout simple. [00:54:56] Speaker A: Ça a l'air de niaiseux. [00:54:57] Speaker C: Mais en même temps, c'est souvent escamoté. [00:55:00] Speaker A: Puis c'est tellement important et riche après. [00:55:02] Speaker C: Puis ça fait tellement partie des fois des ratages. pas juste en psychanalyse, dans plein de thérapies. Parce que les gens comprennent pas dans quoi ils s'embarquent, pis c'est pas vérifié, pis ils sont déçus, pis ils s'en vont, pis c'est mal expliqué. Fait, mais t'sais, de dire, mais... Y'a quelqu'un qui s'installe, pis y'a quelqu'un qui vient s'installer devant toi, pis t'as rien vraiment d'autre à lui offrir que de l'écouter. T'as pas de médicament, t'as pas d'outil, t'as pas de truc, t'as pas de théorie. C'est vraiment juste. Je vais prendre le temps d'essayer de comprendre ce que vous vivez, puis la souffrance qui vous habite, puis d'essayer de voir ce que je peux faire pour vous. C'est des questions toutes simples, mais en même temps, c'est ça aussi qui est... Il y a comme une espèce de respect autour de ça, de respect pour l'autre. [00:55:53] Speaker A: Quand on le retrouve, par exemple, au coloc, on veut lui accorder la parole, on veut qu'il réponde, puis qu'il est continuellement en train de dire « OK, mais je ne veux pas prendre tout l'espace, mais en même temps, j'ai des choses à dire ». C'est les mots de quelqu'un qui est allumé et qui a des choses à dire, mais qui ne veut pas être dans la position du grand patron. [00:56:16] Speaker C: Oui, tout à fait, ou d'écraser qui que ce soit. [00:56:18] Speaker A: C'est ça. Tout à fait. Puis en fait, c'est très cohérent avec ce qu'il raconte de sa façon de percevoir les patients qui viennent vers lui. [00:56:31] Speaker C: Oui. [00:56:32] Speaker A: Quelque chose de vraiment respectueux, puis de réellement à l'écoute. Fait que c'est pas du tout la même chose de raconter comment toi t'as développé une méthode qui est révolutionnaire, ça va aider tout le monde, blablabli, ou que toi tu connais Freud mieux que les autres, ou que toi, tu comprends, t'as développé la nouvelle concepte que toutes les autres avant toi ont jamais vue, ou blablabla, ou que toi t'es professeur d'université, puis que tu connais blablabla, tu sais, tout ça. C'est pas du tout la même chose que de dire, moi j'ai eu des fonctions et j'essaie de parler depuis ces fonctions-là de ce que j'entends, de ce que l'autre me dit. Moi, je retiens ça de Roger Dufresne. Ça s'est déposé vraiment pour vrai. Puis tu sais, à un moment donné, tu te demandais, mais en fait, est-ce que c'était qu'on avait quelque chose comme ça, puis que là, on a rencontré quelqu'un, puis qu'on a reconnu quelque chose qu'on connaissait, puis que là, ça faisait sens ou qu'on était comme autorisés parce qu'ils ne parlaient pas comme nos profs d'université. Nos profs d'université, ce n'est pas ça qu'ils ne disaient pas en tout. il n'y avait pas cette humilité-là. Je... Je... Oui, puis il n'y avait pas. [00:57:55] Speaker C: Un plan de cours à passer. C'est ça. [00:57:57] Speaker A: C'est-à-dire, les profs d'université n'avaient pas cette humilité-là et ils n'avaient pas non plus cette culture-là. Il faut que je le dise aussi. Tu sais, je veux dire, le gars qui dit à la fin de sa conférence, on lui dit, ouais, on lui pose une question, est-ce que les médicaments, c'est-tu bon, c'est-tu pas bon, blablim, blablim, hein? Puis qu'il dit, ouais, ben non, mais c'est comme la lampe des hoppes, hein, c'est en même temps la pire et la meilleure des choses. Puis moi, j'entends ça et je suis là « Ah! Google la lampe d'Aesop! » Puis que je tombe sur un élément de culture que je n'avais pas. [00:58:43] Speaker B: Je crois que quelqu'un d'autre a déjà parlé de cette question, mais je veux bien en dire quelques mots. Je pense qu'il y a un certain nombre de patients qui sont débordants d'angoisse, qui sont suicidaires. Effectivement, il faut d'abord aider afin qu'ils puissent récupérer une parole. Et je pense qu'on l'a montré dans bien des problématiques où on ne pourrait pas... à cause du degré d'angoisse, traiter, parler à ses patients, il passerait à l'acte tout le temps, il se tuerait, il ferait quelque chose de très grave, il prendrait de la drogue. Je pense qu'effectivement, il y a un certain nombre de cas où une médication est utile, justement pour permettre de contrôler un peu les choses. Je pense à d'autres patients qui sont en plein délire, Par exemple, des délires dans des psychose aiguës. Dans la nomenclature française, on parle de bouffée délirante. Si en quelques jours, on peut arriver à contrôler ce délire, oui, je pense que ça peut être très utile. Je pense qu'il y a d'autres cas, par contre. Je pense à certaines thérapies où l'angoisse est peut-être moins importante. où des patients se sont fait prescrire par quelqu'un une médication importante, l'angoisse disparaît et souvent ils perdent tout désir. Enfin je pense que ça peut jouer des deux côtés, ça il faut évaluer. si, à un moment particulier, avec un patient, c'est quelque chose de bénéfique. Mais j'ai vu aussi des patients prendre des pilules, et puis, bon, tout était bien au bout de 3 semaines, alors ils sont partis. Enfin, je pense que le 2e cas dont j'ai parlé, bon, c'est rétrospectivement que j'ai pu faire cette histoire, mais, bon, dans un 1er cas, les symptômes se sont éteints assez rapidement. Et ce n'est que, finalement, après une répétition de la problématique, il a fallu en trouver autre chose. Alors, je pense que... Enfin, écoutez, c'est comme la langue d'Aesop. C'est la meilleure et la pire des choses. [01:00:46] Speaker A: Notre podcast, je pense, l'air de rien et l'héritier aussi de ça. T'écoutes des choses qui arrivent d'un petit peu partout, ça a l'air d'être des faits divers, ça a l'air d'avoir aucun intérêt, des fois pour certaines choses. Mais si t'ajustes ton écoute, Si tu es ouvert, tu peux découvrir un paquet de choses que tu ne saurais jamais si tu n'avais pas à l'esprit que chaque sujet a son histoire singulière et que dans la transgression, il y a une partie de cette histoire singulière qui s'exprime. [01:01:29] Speaker C: Oui, oui, tout à fait. Mais tu vois, je t'écoute et ça me trotte dans la tête, alors je vais le partager. Toute la question justement du maître, puis du transfert, puis de comment même pendant un temps la psychanalyse, le cadre psychanalytique faisait en sorte que parce que l'analyste était assez silencieux, puis à distance, puis en retrait, bien, on disait que ça favorisait ce transfert-là, parce qu'il y avait quelque chose de, non seulement Il parlait pas beaucoup, mais il y avait quelque chose de... Il y avait un aura de mystère, de préservé, qui aujourd'hui tend à disparaître complètement partout, parce que tout le monde a sa propre chaîne YouTube, puis tout le monde parle, puis tout le monde montre ses photos, puis tout ça. Mais bref... Tu sais, je pense à ta relation avec Dufresne, où t'as eu la chance, puis t'as pris cette chance-là, tu l'as fait aussi, d'avoir une relation où c'était pas un mètre distant. [01:02:26] Speaker A: Oui. [01:02:27] Speaker C: Mais en même temps, c'était pas non plus une telle proximité qu'il y a eu une chute, puis que c'est devenu... Tu t'es retrouvée devant le magicien d'Oz en disant, ben finalement, je sais pas, il y a quelque chose qui a été préservé, mais t'avais une proximité non hiérarchique, on peut dire. [01:02:49] Speaker A: C'est avec quelqu'un d'une autre génération, c'est ça, d'une génération au-dessus, d'une génération de grands-pères, en fait. [01:02:59] Speaker C: Parce que je pense à ça des fois, tout cet aspect-là de c'est quoi un maître, c'est quoi le transfert, c'est quoi la hiérarchie, c'est quoi la distance que doit garder quelqu'un. Ça a coloré l'histoire de la psychanalyse. Quand Freud est parti en voyage en Amérique avec Jung et qu'il s'amusait, toute la gang à se raconter des rêves dans le bateau qu'ils amenaient en Amérique. À un moment donné, Ferenzi raconte, je paraphrase comme je me souviens, Ferrenzi raconte un rêve, puis Jung raconte un truc, puis Freud analyse tout le monde, puis Jung demande à Freud de raconter un de ses rêves, puis Freud dit qu'il peut pas parce que ça ferait chuter son autorité. Il devait garder une certaine distance. Puis Jung a souvent raconté ça comme le moment qui a été définitif pour briser leur relation, en fait, parce qu'il voulait quelque chose d'un partage d'égal à égal, puis que Freud s'installe dans une position d'autorité faisant en sorte que s'il partageait des choses plus intimes, cette autorité-là allait chuter. Sous la métaphore du magicien d'Oz et Lumineuse, d'un coup, tu te rends compte que finalement, ce grand savant est aussi un bonhomme qui a ses propres histoires, sa propre névrose. J'ai perdu le fil. Je voulais en venir avec ça. Sinon, tu as eu la chance avec Dufresne de ne pas avoir une personne qui est un maître que tu écoutes dans un séminaire avec 50 personnes. Au loin, au loin. [01:04:33] Speaker A: En haut, en haut, au loin, au loin. [01:04:35] Speaker C: Sans non plus dire que c'était tellement familier que finalement, c'était juste quelqu'un avec qui je jasais tranquillement de choses et d'autres. [01:04:43] Speaker A: C'est vrai, t'as raison. C'est ça. C'était juste la bonne distance, en fait. pour ce dont j'avais besoin comme étudiante, psychologue en devenir. [01:04:57] Speaker C: Oui, c'est ça. Puis il n'y avait pas aussi, tu me corriges-moi, mais il n'y avait pas d'histoire dans son rôle qui avait donné une note de stage ou une note de quoi que ce soit. [01:05:08] Speaker A: Non, il était complètement exclu de ça. Ce n'était pas lui, il n'y avait aucun rapport dans la note. [01:05:12] Speaker C: Il n'y avait aucun intérêt, j'imagine. [01:05:14] Speaker A: Non. Le superviseur qui m'a noté non plus, mais... C'est autre histoire. Mais c'est pour... Il y a quelque chose aussi avec Roger Dufresne qui... Il y avait l'effet de tout ça parce que c'était porté par le thème de sa voix. Il y avait une voix très radiophonique. Et puis il y a un accent très... Parisien, un accent très, très classe. Des gens de son temps. Ce qui était charmant. Très charmant, puis même hypnotisant quand il se mettait à raconter. On voulait se taire pour l'écouter. [01:06:06] Speaker C: Oui, puis il écrivait aussi très bien, donc c'est pas donné d'avoir les deux. [01:06:09] Speaker A: Oui, c'est vrai. [01:06:10] Speaker C: C'est quelqu'un, puis je l'ai lu à quelque part, de quelqu'un qui lui rendait hommage, qui disait « Ah, Roger Dufresne, c'est quelqu'un qui lisait et relisait chaque mot dans son texte pour avoir le mot juste ». Puis tu le vois dans la façon que c'est écrit, que la grande majorité de ses textes, tous ses textes publiés sont... Tous les paragraphes se lisent à haute voix, se disent très bien, c'est bien construit, c'est... c'est vraiment très bien écrit. Puis bon, il est décédé au mois d'octobre 2021, l'année passée, puis il y a un texte, son dernier texte qui a été publié dans la revue française de psychanalyse quelques mois après, et il semblerait qu'il ait donc terminé les épreuves de son article quelques jours avant sa mort, puis qu'il était à l'hôpital en train de, encore là, le souci du détail, puis de bien rendre compte de sa pensée, justement. Puis c'est un texte sur l'empathie, entre autres, puis qu'est-ce que l'empathie, puis qu'est-ce que la sympathie. Puis ça revient encore dans un thème récurrent, l'écoute, l'écoute juste, l'écoute respectueuse. [01:07:12] Speaker A: Qu'est-ce que le patient pense, qu'est-ce que le patient veut. Oui. [01:07:15] Speaker C: Exact. [01:07:21] Speaker B: Je serais donc aux adultes qu'il ne faudrait pas dire certaines choses, au risque d'encourir leur gourou. dans l'Antiquité, on assassinait les messagers porteurs de mauvaises nouvelles. Aujourd'hui, plus subtilement, on déclare leurs messages dépassés, avec le secret espoir d'en substituer d'autres, moins gênants, et d'être néanmoins choisis roi de Thèbes et époux de Jocaste. La psychanalyse n'en finit jamais avec Édipe et demeure une profession à risque. Heureusement, ici ou là, selon les périodes, dans telle université, tel hôpital ou tel centre ou tel colloque, il est possible aux analyses de ne pas être réduits à la pilule, comme on dit réduits au silence, et de prendre la parole pour rappeler les découvertes fondamentales de Freud et ses successeurs sur les pulsions et les fantasmes inconscients qui animent et organisent la psyché de tous les humains. Les organisateurs de ce colloque, étudiants en psychologie à l'UQAM et membres du Sénac du fil d'Ariane, savent que le chemin de la psychanalyse est semé d'embûches et de portes qui s'entrouvent et se referment. Mais ils sont déterminés à poursuivre et je ne peux que me réjouir de la ferveur et de la vigueur de cette relève. Connaissant bien les écueils et la complicité de l'organisation de congrès et de journées d'études, Je tiens à dire toute mon admiration à ces futurs et jeunes collègues pour avoir conçu et surtout mené à terme leur projet de colloque, cet important lieu de parole pour la psychanalyse. Je les en félicite et les remercie profondément.

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